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Gandahar n°24 - Nathalie Henneberg II
Une publication de l’association Gandahar
Revue, n°24, SF - fantasy - fantastique, nouvelles - étude - chroniques, août 2020, 152 pages, 9€

Avec ce second numéro de « Gandahar » consacré à Nathalie Henneberg, Jean-Pierre Fontana et Christine Brignon nous entraînent dans un voyage éblouissant, au fil de textes mémorables.



Excellente idée en préambule que de rééditer l’essai de Charles Moreau (jadis paru dans « Lunatique ») sur cette auteure. Charles y a consacré des années, réalisant un travail de bénédictin pour retrouver et interroger les rares témoins encore vivants ayant côtoyé Nathalie Henneberg, ou arracher au Service Historique de la Défense à Vincennes les états de service de son mari. Parfois, ses recherches cessaient tragiquement, comme lorsqu’il voulut s’entretenir avec Jean Birgé, décédé la veille du jour de la rencontre prévue. Quoi qu’il en soit, cette longue quête a débouché sur une étude érudite, un modèle du genre, qui éclaire le parcours mouvementé du couple Henneberg, et plus particulièrement celui de Nathalie puisque, faut-il le répéter, toute l’œuvre Henneberg est de sa seule plume.

Première nouvelle proposée : “L’opale entydre”. Quel autre qualificatif utiliser que « somptueux » pour désigner ce sommet de la littérature fantastique française ? Dans la Vienne de l’immédiat après-guerre, on rase les bâtiments victimes des bombardements alliés. C’est le sort qui attend un vieil hôtel particulier auquel se rattache le souvenir d’activités ésotériques et alchimiques menées au XVIIIème siècle. Dans son sous-sol, les ouvriers vont faire une découverte extraordinaire : une merveilleuse statue, à la beauté surhumaine, enchâssée dans une pierre semblable à une opale. Mais est-ce vraiment une figurine ? Nathalie Henneberg, avec un sens de l’évocation fabuleux, nous transporte au siècle des lumières et ressuscite une galerie de personnages hauts en couleurs, restituant avec un talent incomparable les mœurs et secrets d’une aristocratie disparue, d’un monde évanoui, si proche et pourtant si lointain. Un sommet disais-je, digne d’un Gérard de Nerval dans “Aurélia” ou “Cagliostro” !

“Des voix et des murs”, est une nouvelle peu connue, jadis publiée dans la revue « Espionnage » des éditions Opta. Elle illustre bien l’originalité dont pouvait faire preuve Nathalie Henneberg lorsqu’elle abordait un genre spécialisé. Ici, l’action se situe aux temps bibliques et concerne la ville de Jéricho. Christine Brignon et Jean-Pierre Fontana ont en effet puisé indifféremment la matière de cette anthologie dans les revues « Fiction » ou « Mystère Magazine », voire dans des publications très spécialisées (c’est le cas de « Espionnage » qui ne connut qu’une dizaine de numéros au seuil des années 70, ou d’une grande rareté comme « Lunatique »). Cette politique éditoriale intelligente permet au lecteur contemporain de parcourir un large spectre de l’œuvre de Nathalie Henneberg, bien plus variée qu’on pourrait le croire.

Dans cette veine policière peu conformiste, “Du sang sur la neige” se situe au temps des chevaliers teutoniques et d’Alexandre Nevsky. On y retrouve les ingrédients classiques d’une histoire de détection, mais transposés dans la Russie du 13ème siècle. Sous la plume inspirée de Nathalie Henneberg, cette enquête est transcendée et rattrape l’Histoire. Du grand art.

On ne peut que remercier également nos deux rédacteurs d’avoir exhumé “Excitation électrique”, une nouvelle connue seulement d’une toute petite poignée d’amateurs et jadis publiée dans le fanzine de Jacqueline Osterrath « Lunatique ». Ici, une autre facette de l’auteure, surprenante, nous est proposée : l’humour. Oui, Nathalie Henneberg savait manier l’humour avec autant de brio qu’un Robert Sheckley ! On ne peut que regretter d’ailleurs la rareté de ses écrits dans ce domaine. Ici, une invention abracadabrante permet de ramener à la vie les personnages des livres ou revues sur lesquels elle est posée. Et ce n’est pas triste, de Landru à l’impératrice Messaline, une galerie d’ectoplasmes va mener la vie dure aux malheureux témoins de ce prodige.

Autre temps fort dans ce numéro : “Les joyaux de Mundabor” qui, par son atmosphère sombre et hallucinée, évoque un autre texte majeur de notre auteure : “La messe de sang”. Un ouragan surprend un journaliste quelque part sous les tropiques, dans une contrée déchirée par la guerre civile. Pressé par les intempéries, il se réfugie dans une maison de maître, où il est accueilli par un enfant... Envoûtante, mêlant tendresse et cruauté, fantastique et policier, cette histoire méritait vraiment d’être tirée de l’oubli. Comme il est souligné au verso de ce numéro, une adaptation cinématographique de ce récit serait la bienvenue !

Encore exhumée des pages de « Mystère Magazine », “Une étoile est tombée” traite cette fois-ci de la vengeance. C’est, chez Nathalie Henneberg, au niveau de ses textes policiers, un thème de prédilection, qu’elle a largement utilisé dans le cadre des enquêtes de l’inspecteur Tissandier (Voir « Les flammes mortes » – éditions Sombres rets). Une actrice a disparu sans laisser de traces, vingt cinq ans auparavant. Sa villa va être vendue et c’est à ce moment que tous ceux qui l’ont connue de près se retrouvent. Est-ce un hasard ? A-t-elle été tuée ? Son assassin vit-il toujours et appartient-il à cette étrange assemblée ? Un must, avec un art consommé de la chute.

Ce numéro s’achève avec “L’évasion”, une nouvelle parue dans « Fiction » en 1957, qui évoque avec force les situations de guerre, semblables à celles que Nathalie Henneberg a traversé dans sa vie. Bien sûr une dimension fantastique rehausse ce récit, mais les scènes décrites sont d’un réalisme impressionnant, que seuls celles et ceux qui ont vécu ce genre d’épreuves peuvent restituer sans fausses notes.

Christine Brignon et Jean-Pierre Fontana ont eu l’élégance de donner de la publicité aux récentes rééditions de romans ou nouvelles de Nathalie Henneberg. Je rajouterai parmi celles-ci, pour être exhaustif, « Les dieux verts » aux éditions Callidor. Ces publications permettent aux nouveaux lecteurs d’aborder et de découvrir l’œuvre d’une des plus grandes auteures françaises du vingtième siècle.
Dirais-je que ce numéro de « Gandahar » a des allures de trésor ?


Titre : Gandahar
Numéro : 24 - Nathelie Henneberg II
Directeur de publication : Jean-Pierre Fontana
Rédactrice en chef : Christine Brignon
Couverture : Irena de Sainte Maresville
Type : revue
Genre : Science-fiction, fantasy, fantastique
Site Internet : l’association Gandahar
Dépôt légal : août 2020
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 2418-2052
Dimensions (en cm) : 16 x 24
Pages : 152
Prix : 9 €



Didier Reboussin
18 novembre 2020


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