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Vigilance
Robert Jackson Bennett
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°26, court roman traduit de l’anglais (États-Unis), Science-fiction, 168 pages, août 2020, 10,90€

Les habitants des États-Unis d’un futur proche vibrent au rythme des fusillades offertes aux masses par l’émission Vigilance. Le mot est lancé : Vigilance ! Chaque Américain se doit d’être vigilant, toujours sur le qui-vive, prêt à défendre sa vie et bien sûr son pays. Ce dernier est d’ailleurs bien mal en point, malade d’une violence larvée s’exprimant par des tueries, le racisme... Son économie a aussi perdu de sa superbe.
La situation générale n’est guère réjouissante et cette émission offre justement un exutoire aux Américains frustrés, déchus de leur piédestal.
Sa programmation est sporadique, jamais connue à l’avance pour un maximum de surprise et d’adrénaline. Trois tueurs armés jusqu’aux dents sont lâchés dans un milieu fermé. Déchaînement de violence garanti et chaque victime potentielle peut se défendre, d’où l’importance d’être vigilant, de toujours sortir armé, car on ne sait jamais ce qui peut survenir.



Robert Jackson Bennett s’est révélé au public français avec l’impressionnant « American Elsewhere ». Il revient à l’occasion de cette novella, la plus longue de la collection Une Heure-Lumière.
À lire le résumé, deux comparaisons viennent rapidement à l’esprit : “Le prix du danger”, nouvelle de Robert Sheckley, ainsi que le roman « Running Man » de Stephen King. Une émission de télé y met en scène la traque d’un homme dont la mort est le point d’orgue. Le concept est ici différent, car chacun peut participer s’il a la chance ou le malheur d’être dans le théâtre de l’émission. Il est même possible d’y postuler comme tueur en puissance !
John McDean est en charge de Vigilance, conscient de sa mission sans se poser de questions. Delyna travaille dans un bar où la tension monte au fur et à mesure que la rumeur enfle : c’est pour ce soir ! D’un côté, tout est fait pour que la sauce monte, que le maximum de personnes suivent l’émission et de l’autre pour éviter l’escalade. Longtemps le lecteur se demande si l’émission se déroule aux alentours du bar, si Delyna qui n’a rien prévu en matière d’autodéfense ne va pas se retrouver au milieu d’une grande tuerie orchestrée pour le bien d’une Amérique malade. Autant le premier apparait détestable, autant la seconde attire la sympathie. Elle semble une des seules à ouvrir les yeux, à ne pas être abâtardie par le concept, à n’y rien trouver de normal.
Robert Jackson Bennett donne ainsi deux points de vue très différents, les deux diamétralement opposés. C’est bien mené, le lecteur est ferré dans l’attente d’une fin inévitable. Impossible bien sûr que quelque chose de bon découle de tels événements, le bar en est la preuve.

À mon grand regret, l’auteur ne s’est pas arrêté là, jugeant bon d’introduire une autre problématique, comme s’il voulait rajouter de la violence à la violence, dédouaner les États-Unis en désignant encore plus retors. D’un autre côté, il exprime aussi le malaise de la société américaine actuelle, montrant comment la situation peut rapidement dégénérer. Ce rebondissement inattendu et artificiel ne m’a guère convaincu, plutôt éjecté du récit que j’ai vu retomber comme un soufflé. À mon sens, Robert Jackson Bennett n’a pas su s’arrêter là où il le fallait, allant trop loin. Une vingtaine de pages de trop fait toute la différence. Certains apprécieront ce dénouement pour le moins tiré par les cheveux, d’autre le regretteront, y voyant là un déséquilibre dommageable à cette novella.

« Vigilance » offre son lot d’adrénaline, questionne sur une Amérique malade et la prolifération d’armes à l’origine de tant de morts, ainsi que sur l’influence des médias. L’ultime développement n’était pas forcément nécessaire, Robert Jackson Bennett n’avait plus rien à prouver après 140 très bonnes pages. La démonstration était faite, limpide et le superflu n’y changeait plus rien, si ce n’est l’affaiblir.

Aurélien Police s’est surpassé en couverture avec ce semblant de drapeau aux étoiles symbolisées par des trous de balles et ces bandes devenant des traînées sanguinolentes.


Titre : Vigilance (Vigilance, 2019)
Auteur : Robert Jackson Bennett
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Gilles Goullet
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 26
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 168
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : août 2020
ISBN : 9782843449710
Prix : 10,90 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
3 octobre 2020


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