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Mondes Magiques de Narnia (Les)
David Colbert
Le pré aux clercs, 2006, 15 €


(C.L. Dogson) Lewis Caroll, J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis. Quels liens entre ces auteurs ? Trois points communs : ils ont enseigné à Oxford, ils ont été religieux pratiquants, ils ont écrit pour les enfants. On pourrait parler à leur égard d’une tradition britannique de la littérature de l’imaginaire, fondée sur une certaine didactique. Les chers érudits visaient en effet, à travers une forme narrative libre et apparemment gratuite, un message de sagesse : ainsi, Caroll, professeur de mathématique à la ville, usait de la logique pour construire les aventures abracadabrantes de sa chère Alice, tandis que Tolkien, spécialiste de linguistique, rénovait les thèmes archaïques des folklores nordiques.

L’ouvrage de David Colbert consacré à Lewis décortique de manière suivie et intelligente les apports de la religion catholique dans l’aimable fiction apparemment multi-mythologique des Chroniques de Narnia. Loin de fonctionner dans l’irréel pur, ces textes répondent, selon l’auteur, à une intention prosélytiste réelle. Lewis, protestant convaincu, spécialiste de la polémique et de la rhétorique, souhaitait constituer pour ses petits lecteurs britanniques « un réservoir de réactions » afin de les conduire par une série de sensations fortes à une approche inconsciente du Christ.

Colbert effectue une traduction culturelle des épisodes des chroniques au regard de la religion chrétienne, en retrouvant derrière chaque image ou personnage un événement biblique. Le résultat est saisissant. Lewis pensait sérieusement qu’il existe un fonds unique de l’imaginaire humain, toute civilisation racontant peu ou prou les mêmes histoires.

L’exposé est intéressant et soutenu ; il a surtout le mérite de poser les limites de l’endoctrinement doux développé par Lewis, à savoir son intolérance frôlant le racisme vis-à-vis des autres peuples. Lewis, bien que suprêmement intelligent et absolument empli de componction chrétienne, ne se reconnaissait pas frère des hommes. Pas plus qu’il n’acceptait l’idée d’une intelligence du sexe faible. A cet égard, Colbert rappelle une humiliation publique de Lewis, lors d’une joute oratoire devant le club socratique de l’Université d’Oxford dont il était le brillant et redouté président. L’écrivain perdit lamentablement devant un adversaire mineur à deux titres, plus jeune d’abord, et ensuite, ô misère, éminemment féminin.

Tout ceci explique, d’une certaine manière, la façon dont, à l’automne de sa vie, Lewis s’est plongé dans l’écriture pour les enfants, y recherchant des disciples suffisamment dociles pour être conduits vers la vérité, vers la vérité lewisienne bien sûr. Une attitude somme toute humaine, mais qui pose une question fondamentale : et si la Bible avait été écrite dans un moment de colère, par un prophète ulcéré à la suite d’une dispute conjugale ? Le livre de Colbert a le mérite d’ouvrir de telles perspectives rafraîchissantes. Le mérite également de nous faire prendre conscience : dorénavant, avant de confier nos chères têtes blondes à un auteur, nous serons plus attentifs. Et critiques.

- Titre : Les Mondes Magiques de Narnia. Mythes, légendes et faits historiques
- Auteur : David Colbert
- Éditeur : Le pré aux clercs
- Collection : Fantasy
- Couverture : Dan Craig
- Nombre de pages : 192 pages
- Dépôt légal : mai 2006
- Format : 14 x 20.5
- ISBN : 2-84228-278-7
- Prix : 15 euros


Kentaro Okuba
27 juillet 2006


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