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Moi, le Minotaure / Moi, Ligia, Sirène
Sylvie Baussier
Scrineo, Mythologie, romans (France), mythologie, 100 pages, février 2020, 10,90€

Le jeune Astérios est prince de Crète, mais son père ne lui rend jamais visite, ses soeurs lui cachent des choses, même sa mère semble triste de sa présence. Il voudrait comprendre ! Et un jour, échappant à ses domestiques, il découvre son reflet dans l’eau : il a une tête de taureau ! Comment est-ce possible ? Et quand son père lui offre un palais, c’est en fait un piège, et une prison, pour que personne le le voit ! Pourquoi, qu’a-t-il fait pour mériter cela ?
De même pour Ligia et sa soeur. Filles d’un fleuve et d’une muse, comment ont-elle fini transformées ainsi, le corps d’un rapace melé à leur beau visage de jeunes filles, et condamnés à chanter pour attirer les marins et les dévorer ? Quel est leur crime ?



Sylvie Baussier inaugure une nouvelle série chez Scrineo : la mythologie vue par les monstres. Suivront sous peu le Cyclope et le Cerbère.
Pour les jeunes lecteurs, dès9-10 ans, souvent épris de l’héroïsme des mythes, elle les incite à gratter le vernis, à se mettre dans la peau du monstre, de celui qui incarne le mal, le danger, et dont la mise à mort fera l’exploit des jeunes princes et demi-dieux.

Car très souvent, ces monstres, surtout les hybrides, doivent leur apparence à un intervention divine, souvent un châtiment, mais pas forcément pour un crime qu’eux ont commis. Le roman sera l’occasion de découvrir ce crime, et le véritable coupable.
Ainsi, pour le Minotaure, c’est son père, le roi Minos, qui refuse de sacrifier à Poséidon un magnifique taureau que le dieu a fait jaillir des mers pour confirmer son statut de roi. La colère du dieu marin va provoquer cette punition (âmes sensibles et innocentes s’abstenir, découvre ton corps avec les mythes grecs...) : la reine Pasipahé va être fécondé par le taureau et donner naissance au minotaure. Beurk. Le roi ne peut le tuer, c’est son héritier, mais sa présence montre à tous l’affront qu’il a fait au dieu. Qu’a fait le pauvre Astérios dans tout cela ? il est juste né, et il incarne la faute de son père. Minos va-t-il implorer le pardon des dieux ? Se faire pardonner ? Non, au contraire, il enferme Astérios dans un labyrinthe, pour le dissimuler à la vue de tous, et en fait même une arme de terreur contre Athènes, qu’il a vaincu et qui doit lui verser un tribut : des jeunes gens, car il ne nourrit Astérios que de chair humaine, pour achever sa transformation en monstre sanguinaire, et briser toute trace de filiation entre eux.
Pauvre garçon, qui finit par espérer la mort, comme une délivrance.
Par la narration à la première personne, on s’identifie parfaitement au garçon, on est au plus près de ses questionnements, de ses doutes (légitimes) sur le manque d’affection de ses proches, sur la relation impossible avec les gens, la peur qu’il provoque lorsqu’il se met en colère. Faute de repères, de relation avec les autres, tout est exacerbé, et rien ne lui est pardonné.

Il en va de même pour les sirènes. Punies par Déméter pour n’avoir pas vu sa fille Coré se faire enlevée par Hadès, elles sont les victimes directes d’une colère divine qui s’est exprimées sur les premières venues, et pourtant bien peu fautives. Humaines dans le corps de monstres, elles s’en veulent de ne pouvoir réfréner leur envie de vivre et donc, pour cela, de devoir dévorer des humains. On retrouve encore le cannibalisme comme marqueur de monstruosité. Pire, pour charmer leur proie, elles utilisent leur voix mélodieuse, seule chose qui leur reste de leur vie d’avant.
Tristes et solitaires, ne pouvant compter que l’une sur l’autre, elles essuient un premier échec avec l’Argos, le bateau de Jason, où le chant d’Orphée s’avère plus puissant que le leur. Viendra ensuite Ulysse, qui aura fait boucher les oreilles de ses marins avec de la cire pour les immuniser, tandis qu’il est attaché au mât et peux les écouter sans craindre de tomber entre leurs serres. Elles viendront donc à sa rencontre, comprendre ce prodige mais aussi cette envie d’un mortel pour écouter leur chant. C’est cet hommage à leur humanité qui les convaincra qu’elles ne sont pas des monstres.

Chaque ouvrage se termine par un petit dossier pédagogique fort bien fait et quelques jeux pour vérifier qu’on aura bien été attentif dans sa lecture.

Des petits bouquins sympa, vite lus mais captivants, instructifs et formateurs, qui appellent les jeunes lecteurs à s’interroger sur la différence et les souffrances qu’elle engendre chez l’Autre, tout comme sur les nuances de la justice, entre punition et châtiment. Ces « monstres » subissent une double peine, de leur transformation à leur mise à mort, pour une faute qui n’a jamais été la leur.

Sur le Minotaure, je ne peux que vous conseiller également « Ariane et le défi du labyrinthe » de Clémentine Beauvais paru un peu avant chez Nathan, qui fait montre d’autant de qualité pour deshéroïfier le mythe.


Titre : Moi, le Minotaure
Série : La Mythologie vue par les monstres
Auteur : Sylvie Baussier
Couverture : Tristan Gion
Éditeur : Scrineo
Collection : Mythologie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 100
Format (en cm) : 21 x 13,5 x 0,8
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782367408408
Prix : 10,90 €


Titre : Moi, Ligia, Sirène
Série : La Mythologie vue par les monstres
Auteur : Sylvie Baussier
Couverture : Tristan Gion
Éditeur : Scrineo
Collection : Mythologie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 100
Format (en cm) : 21 x 13,5 x 0,8
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782367408415
Prix : 10,90 €


Dans la même collection : « Moi, Méduse » / « Moi, Polyphème, cyclope »


Nicolas Soffray
2 août 2020


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