Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Sous-Vivants (Les)
Johan Heliot
Seuil, Jeunesse, roman (France), post-apo, 318 pages, janvier 2016, 14€

Le monde s’est écroulé, la mémoire des hommes s’est envolée. Dans un Paris métamorphosé par les années et le retour de la végétation, des tribus tentent de survivre, se réfugiant dans d’anciens monuments encore debout, fuyant un soleil trop chaud et se nourrissant de ce qu’elles trouvent. Sous terre, dans des tunnels, les Purs sont formés, dès leur plus jeune âge, pour faire perdurer le complexe et piloter les machines qui capturent les sauvages de la Surface, main d’œuvre indispensable à la production de leur électricité... et d’autres choses.
Dans la tribu de Notadam, Sorya s’inquiète pour son père mourant, parti faire du troc avec ceux de Haute-Pointe, et part à sa recherche avec Selim, le garçon chétif qui adore imaginer des histoire de l’ancien temps.
Dans les tunnels, Tigdal est le plus faible de la chambrée, et Ogden, le Doyen, l’a mis en binôme avec son tortionnaire, le violent Harkan. A eux deux, ils forment un talentueux duo qui gravit vite les échelons.
Sorya veut pénétrer dans le repaire des ferhoms, les machines qui ont pris son père. Tigdal est intrigué par cette femelle sauvage qui agit différemment des mâles capturés.



Johan Héliot est un auteur prolifique, toujours très agréable à lire. Ses romans souvent imprégnés d’Histoire, passée ou à venir, ne négligent pas une trame romanesque captivante, malgré parfois quelques facilités.
Toutes les chroniques de ses romans sur la Yozone

Pour le coup, « Les Sous-Vivants » est un très bon post-apo à mettre dans les mains des collégiens.
L’auteur s’amuse avec la toponymie parisienne, juste ce qu’il faut pour nous faire saisir cette rupture culturelle de l’Humanité : on a perdu le sens des mots comme celui des choses. Nulle explication claire sur le pourquoi de la catastrophe, juste quelques hypothèses très actuelles : refus de changer de mode de vie face au changement climatique, et après quelques conflits entre populations, les faibles ont été laissé à la merci de la revanche de Mère Nature et des radiations solaires.

Assez classiquement, mais avec maîtrise, l’auteur alterne les deux points de vue de Sorya et Tigdal, la Surface et les Tunnels des Purs, entrelacés des racontars de Selim, contes tentant d’expliquer la fin du monde, de garantir un semblant de mémoire, ou pures affabulations. La fille et le garçon baignent dans deux mondes très différents, mais régis par des règles strictes, nécessaires à la survie de tous. C’est le message des adultes. Ainsi, à Notadam, les filles sont cantonnées au tissage, à l’abri des murs, et les garçons vont chasser. Néanmoins, la décroissance de la population ont poussé à des assouplissements, et Sorya aide aussi aux tâches de force dans le camp. Rebelle, comme toute ado, elle ne va pas tarder à partir à la recherche de son père lorsque celui-ci ne reviendra pas de son troc. Elle va ainsi découvrir d’autres tribus, les Invisibles qui vivent dans la jungle, les Oiseleurs de Haute-Pointe... et travailler à leur rapprochement, à davantage d’échanges, pour être plus unis contre les ferhoms. Héliot nous montre une nouvelle humanité, encore faible et pétrie de vieux réflexes de survie, grégaires, mais déjà en train d’évoluer, de se civiliser davantage, en se désenclavant face à un ennemi commun. Mais j’anticipe.
L’autre voix, celle de Tigdal, est celle d’un faible, le bouc émissaire d’une chambrée dans un système très militaire, sans place à l’imagination, où chacun doit avoir une place, sinon c’est le rebut. L’élite des Purs pilote les drones volants ou roulants qui localisent, identifie et capturent les créatures de l’extérieur, en fonction de leur « potentiel », les autres sont dévolus aux tâches subalternes, voire pire. Tout est tellement cloisonné, déshumanisé, que Tigdal en sait peu, et son Doyen n’a pas non plus réponse à tout.
S’il est fluet et brimé, Tigdal a une excellente vue, et avec les talents de pilote d’Harkan, ils forment une équipe très performante, ce qui leur vaut leur sésame pour le monde des Purs. Fini les simulations sur des vidéos, place au monde réel. Un monde dont ils savent peu de choses et qui éveille mille questions chez Tigdal, notamment sur l’usage qu’on fait des créatures vaguement humaines et repoussantes qu’on capture.
On découvrira, en même temps que les protagonistes, que rien ne se perd : force de travail, valeur nutritionnelle (hello « Soleil vert ») et... capital génétique.

Johan Héliot s’efforce également de peu décrire ses personnages, laissant lentement le lecteur brosser leur portrait d’humains rachitiques, plus petits, ayant subi les évolutions (ou régressions) nécessaires à leur survie selon leur environnement. sous les UV de la Surface ou néons des Tunnels, la peau ne réagit pas pareil... Un procédé littéraire très bien employé, qui nous oblige à revoir nos images mentales. [1]
Mais le plus important, c’est qu’avec ce va-et-vient entre Sorya et Tigdal, l’auteur nous empêche de prendre parti pour un camp ou l’autre, même si on est tenté de voir les « gentils » chez ceux de la Surface, parce qu’ils vivent dans la crainte des ferhoms et des Purs bien à l’abri dans leurs tunnels. Peu à peu, tandis que Sorya et ses amis se fraient un chemin sous Terre, on y découvre les secrets des Purs, et le fragile et imparfait équilibre sur lequel repose les deux mondes, étroitement liés.

La conclusion poussera le lecteur à s’interroger sur les concessions et sacrifices nécessaires à la survie de tous, et balaiera la réponse binaire du bien et du mal. Restera celle du mal nécessaire contre le bien général, de l’oppression des captifs dans l’usine énergétique à l’élevage quais intensif des Purs, tout cela dans le but, vraiment louable ? de restaurer un jour l’espèce humaine, responsable de tant de maux.

Un très bon post-apo jeunesse, avec des personnages certes moins qu’humains mais tout aussi vivants et soumis à leurs passions.


Titre : Les Sous-Humaines
Auteur : Johan Héliot
Couverture : Raphael Gautey
Éditeur : Seuil
Collection : Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 318
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 2,5
Dépôt légal : janvier 2016
ISBN : 9791023503074
Prix : 14 €



Nicolas Soffray
4 juin 2020


JPEG - 27.7 ko



Chargement...
WebAnalytics