Pascal J. Thomas présente le parcours de l’écrivain dans un article aussi instructif qu’intéressant. Il dépeint bien l’homme et comment il est tombé dans la dianétique. De plus, ses méthodes de travail s’avèrent des plus surprenantes et l’entretien effectué par Charles Platt en 1979 explore plus avant son système d’écriture : application d’un système, rythme de travail saccadé et écrits influencés par le rêve. Ces deux articles méritent vraiment d’être lus pour cerner le bonhomme, il s’agit d’une révélation pour moi qui ignorais comment van Vogt fonctionnait.
Le guide de lecture est forcément restreint, car parmi les nombreux ouvrages, il fallait bien choisir les plus marquants. Comment les aborder ? Selon les critères actuels, avec un certain recul... On sent que les chroniqueurs, tout en dénonçant les défauts, appuient aussi sur les points forts, car balayer ces récits d’un simple revers de main n’était pas envisageable. Il s’agit rien de moins que d’un des plus grands noms de la science-fiction et aujourd’hui je me garderai bien de le critiquer, tant il m’a apporté et fait rêver. Ce dossier m’a même donné envie de le redécouvrir, c’est dire !
Alain Sprauel a eu bien du boulot pour dresser la bibliographie de A. E. van Vogt. En effet, nombre de nouvelles ont été réécrites pour s’inscrire dans le cadre de romans sous forme de fix-up : « La faune de l’espace », « Guerre contre le Rull », « Le Silkie »...
“Le village enchanté” donne un aperçu de son imaginaire avec un homme arrivant dans une cité martienne abandonnée. Lui est-il possible de survivre, alors qu’elle n’est pas adaptée à ses besoins ? Cette nouvelle a d’ailleurs donné lieu au roman « Au-delà du village enchanté » écrit par l’Italien Renato Pestrinieri et révisé par le maître lui-même. La solution est aussi surprenante que logique en raisonnnant selon le moindre coût pour la cité.
Un excellent dossier !
Grand fan de van Vogt, Michel Pagel nous offre la friandise : “À la recherche du Slan perdu” judicieusement sous-titrée “ou Marcel Proust prêtant sa plume à A. E. van Vogt”. Il revient sur le roman, l’adaptant à la sauce Proust avec sa célèbre madeleine. L’écriture et le développement donnent un superbe hommage.
Thierry Di Rollo a écrit un nouvel aperçu d’un avenir désenchanté avec une guerre entre l’est et l’ouest et un homme qui demande une permission pour se rendre à l’arrière. La “Plaine-guerre” ressemble à un no man’s land dans lequel avancent les troupes avec des tactiques d’un autre âge. L’auteur en livre très peu et la fin ne surprend pas vraiment, laissant un sentiment mitigé.
Dans “Le dernier verrou de Sveta Koslova”, cette dernière, en fin de vie, se rend sur les lieux de son enfance, se souvenant des causes des malheurs de sa famille. La fin d’un temps, la nostalgie donnent une tonalité triste à l’ensemble qui baigne dans l’étrange avec ces mystérieux trous. Une nouvelle plaisante de Franck Ferric, une voix originale de l’imaginaire.
“C’est vous Sannata3159 ?” voilà la question que pose désespéramment Jhingur, alors que le couperet s’abat. Vandana Singh frappe fort avec son histoire au contexte connu : les nantis du haut et les miséreux d’en-bas, prêts à tout pour survivre. Le boulot y est rare, aussi la possibilité de bosser à l’abattoir est une chance à ne pas manquer. La mère et la sœur de Jhingur y travaillent, mais lui résiste, car il se méfie de ce lieu. La curiosité est un vilain défaut, comme il va l’apprendre... Même si le lecteur se doute de ce qui s’y passe, ce texte est diablement efficace. L’auteure installe très bien l’atmosphère, elle laisse la pression monter jusqu’à la conclusion inéluctable aux accents désespérés.
Dans “Scientifiction”, Roland Lehoucq s’intéresse à la novella « Terre errante » de Liu Cixin où la planète Terre est transformée en vaisseau spatial pour fuir les dangers du soleil vieillissant. Comme l’explique le professeur, cette solution n’est pas la plus simple et elle ne fonctionne pas vraiment. Cette rubrique constitue toujours une belle incursion dans la sphère scientifique avec exemple à l’appui.
Le nuage vert est une des trois librairies parisiennes spécialisées dans l’imaginaire. À sa tête, Éléonore Calvez se prête aux questions d’Erwann Perchoc. Son coup de gueule ressemble à une publicité pour les liseuses où la taille de police peut s’adapter à volonté.
Comme d’habitude, de nombreuses chroniques figurent dans la revue, mais je m’interroge toujours sur la liste des ouvrages conseillés et déconseillés. À lire certains avis, je ne fais pas le lien entre leur présence ou non dans cette fameuses liste...
La couverture de ce « Bifrost 98 » est une merveille introduisant parfaitement le dossier que j’ai trouvé excellent. Les nouvelles au sommaire ne déparent pas l’ensemble de haute volée.
Un très bon numéro !
Titre : Bifrost
Numéro : 98
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Célia Teboul
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 98, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : mai 2020
ISBN : 9782913039957
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€
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francois.schnebelen[at]yozone.fr