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James D. Hudnall nous dit tout sur Lex Luthor
Le scénariste de la meilleure BD de Lex Luthor revient sur son œuvre

Le scénariste de la meilleure BD de Lex Luthor revient sur son œuvre.



Alors que Superman revient sur les écrans, force est de constater que ce personnage ne s’est pas fait remarquer par sa subtilité. Son ennemi principal est déjà un peu plus complexe et a donné lieu à des œuvres excellentes.

James D. Hudnall, scénariste de Lex Luthor, the unauthorized biography, sans doute la meilleure bande dessinée mettant en scène Lex Luthor, a accepté d’en parler avec nous.

Bien qu’étant faite dans un souci constant d’éviter de déflorer la bande dessinée, une petite analyse telle que celle-ci peut dévoiler certains aspects. Il reste bien d’autres choses dans la bande dessinée et j’espère que cela vous donnera envie de la lire, si ce n’est déjà fait (auquel cas, j’espère que cette discussion vous intéressera).

En avant pour une plongée dans cette œuvre !

Lex Luthor, the unauthorized biography fut le premier titre que vous ayez réalisé pour DC Comics. Comment avez-vous réussi à y démarrer par une histoire complète cartonnée ? Vous avez soumis le projet ou avez été contacté pour ce format plutôt prestigieux ?

Mike Carlin avait lu mes débuts dans le monde des comics, Espers et pensait que je serais une super recrue pour DC. Il m’a demandé quelles idées j’avais pour des comics et je lui ai dit que j’étais un grand fan de Superman mais que j’avais toujours voulu faire quelque chose avec Lex Luthor, que j’avais notamment cette idée. Je lui ai juste donné le titre et il a voulu immédiatement me faire faire cette histoire. Cependant John Byrne était encore sur Superman et rien ne pouvait se faire avant qu’il ne quitte le titre. Nous avons parlé d’autres choses, comme The Psycho. Puis Byrne est parti et Mike m’a fait démarrer sur ce projet.

Quid des artistes ? Les avez-vous choisis comme sur certains de vos travaux ou furent-ils imposés par l’éditeur ? Connaissiez-vous Adam Kubert de votre période chez Eclipse ?

Carlin a désigné l’équipe dessinateur-coloriste. Je n’en connaissais aucun à titre personnel et n’ai parlé à Eduardo Barreto que des années plus tard. Mais je suis très content du travail que chacun a réalisé.

Vous n’aimez pas trop le genre super-héroïque. Faire une histoire avec Lex Luthor devait être plus satisfaisant que le récit Red Glass que vous avez fait plus tard, je suppose ?

Les super-héros sont ok, j’ai juste l’impression qu’ils souffrent de mauvais scénarii la plupart du temps. En tant que scénariste, j’ai plein de sortes d’histoires à raconter et toutes n’impliquent pas des super-héros. Quant à Red Glass, je n’ai pas réussi à le faire exactement comme je le souhaitais. C’était un bouche-trou et ils ont fini par le tronçonner.

Dans quelle mesure préférez-vous (si c’est le cas ?) écrire une histoire sur Lex Luthor ? Certains disent qu’un bon ennemi est la meilleure chose qu’il puisse arriver à un héros pour avoir des histoires intéressantes...

Je sentais que Lex Luthor était un bouffon dans les mains de la plupart des scénaristes à cette époque. Il avait besoin d’être rendu plus effrayant, plus proche d’une réelle menace. C’est pourquoi j’ai voulu écrire une histoire montrant comment il pouvait être un surhomme sans robots géants ni kryptonite. Seulement en utilisant son intelligence. Beaucoup de scénaristes s’abaissent à des histoires faibles reposant sur des gadgets, mais à mon avis, Lex Luthor devrait être capable de faire des choses juste en étant plus malin que tout le monde et à l’occasion utiliser des appareils dans ce but. J’ai été inspiré par le Caïd de Frank Miller dans Daredevil à cette époque. J’adorais la façon dont il avait remanié ce pâle personnage pour en faire un vilain effrayant.

En ce qui concerne Lex Luthor : the unauthorized biography, quelle histoire vous est venue en premier : le piège de Clark Kent ou Peter Sands découvrant le passé de Lex Luthor...?

Coincer Clark Kent était la première idée, puis j’ai eu besoin d’une façon de creuser le background, et j’ai construit le récit de Sands.

Les transitions sont menées de façon extrêmement travaillées, avec beaucoup d’attention. Ecriviez-vous des descriptions très précises de ce que vous vouliez dans les cases ou était-ce quelque chose de plus libre que vous mettiez en place avec l’artiste ?

Je n’ai jamais parlé avec Eduardo à cette époque. Carlin ne m’avait pas donné ses coordonnées. Donc j’ai écrit un script très détaillé, en étant très vigilant aux transitions. J’ai été inspiré par les excellents travaux d’Alan Moore de cette époque. Je pense qu’une histoire doit avoir un déroulement qui vous amène d’une scène à la suivante d’une manière fluide. J’aime une bonne transition dans un film, ce qui a été aussi une grande influence sur mon travail.

Qu’en est-il de l’« apparition » de Superman ? Etait-ce une prise de position contre les cameo ? Vous êtes-vous demandé si vous alliez le montrer ou non ? Ou était-ce clair dès le début, étant donné que l’intérêt principal du récit était cet aspect (in)humain ?

Oui, je voulais faire une histoire qui soit celle de Lex Luthor, pas de Superman. Je voulais aussi faire un polar sans que des capes y apparaissent. C’était donc une décision consciente. Et j’ai adoré ça parce que c’était quelque chose que personne ne faisait à l’époque.

D’un autre côté, parlons du jeune Lex : peut-être ai-je tort mais il ressemble beaucoup à un méchant Archie (surtout avec son sweater et un de ses amis portant une couronne comme Jughead). Quelle était votre intention là ? Quel est votre avis sur cette autre catégorie de comics publiée par Archie Comics, qui n’est vraiment pas du genre super-héroïque ?

Non, en fait, c’est le dessinateur qui l’a dessiné ainsi. Je n’y avais pas pensé lorsque j’ai écrit et je ne l’aurais pas fait. Il y a certaines choses que j’aurais souhaité faire sur la jeunesse du personnage mais que je n’ai pas pu à cause de l’espace limité. J’aurais bien voulu le faire aller au Viêtnam jeune homme, pas en tant que soldat mais plutôt en criminel s’enrichissant du commerce des drogues and co, et il aurait rapidement décidé que la drogue n’était pas son truc. Ca se serait passé vers les années 60 donc une décennie avant la guerre du Viêtnam.

Je suppose que vous avez dû être surpris lorsque vous avez vu l’apparition d’Archie alors !? Comment avez-vous réagi ?

J’ai pensé que Barreto faisait une blague en douce, mais comme ce n’était pas trop visible, j’étais d’accord avec ça.

Vous dites que vous n’auriez pas fait ça. Quelle est votre opinion sur Archie Comics et ses publications ?

Je les aimais un peu quand j’étais gosse, mais je n’ai jamais été dedans vraiment. Quand j’étais enfant, je préférais les Harvey Comics. Hot Stuff, Richie Rich, Casper. J’aimais le monde dans lequel les personnages vivaient.

Vous dites que vous auriez voulu inclure un passage dans lequel Lex décide que les drogues n’étaient pas son truc. Est-ce que ça veut dire que vous avez changé d’avis, parce qu’ici il ne semble pas avoir de problèmes moraux particuliers quant au trafic de drogues (au moins de laboratoire) ?

Je voulais juste dire en tant que cœur de son business. Il a utilisé ça pour faire fortune, puis il a voulu apparaître comme honorable. Je pense qu’il a ses mains trempées dans beaucoup de choses, y compris les drogues, mais qu’il ne porterait pas toute son attention à un seul type de business.

J’aime beaucoup que des récits soient inclus à l’intérieur d’autres histoires et ici vous vous êtes visiblement beaucoup amusé à jouer avec ce procédé, en ayant plein de personnages racontant des histoires différentes qui se recoupent les unes avec les autres. Cette structure complexe est assez inhabituelle. Le cas d’Edward Kelly était encore un bonus, pas nécessaire dans le fil principal mais super à avoir dans ce processus. Vous êtes-vous demandé quand vous en aviez terminé, de monter cette structure ? Avez-vous ajouté autant de choses que vous le pouviez dans l’espace imparti, afin d’avoir le récit le plus concentré et complexe possible ?

J’aime les histoires avec de la texture et de la profondeur. J’aime aussi donner une vue sur ce qui entoure une histoire normale. Par exemple, beaucoup de comics se limitent à des super-héros et on ne voit presque jamais comment les gens normaux les perçoivent. Surtout dans cette histoire, j’ai voulu montrer comment différentes personnes pouvaient percevoir Lex et non seulement la façon dont Superman ou ses amis le voient. Si j’avais eu la place souhaitée (deux ou trois fois la longueur de cette bande dessinée de 48 pages), j’aurais ajouté beaucoup plus de profondeur et d’envergure encore. Mais comme ça a toujours été le cas dans mes travaux, je n’ai pas eu le nombre de pages que j’aurais voulu.

Au fait, le récit démarre curieusement par la page de gauche et termine sur celle de droite. Je me demandais si cette scène de montagne n’était pas quelque chose que vous auriez créé après quelque temps ? Et qu’à ce point, il n’aurait pas été facile de changer toute la pagination pour la repenser, juste pour démarrer de la page droite ? Ceci dit, c’est une touche qui fonctionne très bien, cette scène de Lex Luthor. Pouvez-vous nous dire pourquoi/comment vous avez décidé de l’inclure ?

C’était une façon d’entourer l’histoire, une astuce de structure. Je voulais démarrer avec une scène plutôt sexy incluant Lex Luthor, qui est quelque chose auquel on ne s’attend pas de sa part. Byrne a tenté de jouer avec ça dans son travail avant moi, mais c’est plutôt un scénariste froid. Je voulais montrer que Lex était un homme, pas juste un vilain de cartoon. Je voulais aussi faire sentir qu’il avait gagné. Parce qu’à mon avis, Lex devrait gagner quelques-unes de ses batailles afin de paraître un adversaire de taille. Je hais les histoires dans lesquelles Lex invente une pauvre machination stupide, Superman le vainc et le dépose en prison. Il me semble que Lex devrait être plus malin que Superman et qu’il devrait toujours avoir une porte de sortie pour s’échapper si Superman le bat. J’ai toujours aimé Lex quand j’étais gosse dans les années 60. Il pouvait s’échapper de prison en transformant une ampoule et une brosse à dents en un pistolet laser. Dans le nouveau monde de Superman où il est un businessman, je pense qu’il devrait avoir une étape d’avance sur Superman. Et ne pas faire les choses stupides que les scénaristes lui font commettre.

Le démarrage par la page de gauche n’est donc pas dû à une scène ajoutée en cours de route donc !? N’était-ce pas bizarre de démarrer par la page de gauche ?

C’est la façon dont ils l’ont imprimé, pas la façon dont je l’ai écrit. Je ne me rappelle pas que la version américaine soit sortie de cette façon. Parlez-vous de la version française ?

La version américaine démarre vraiment par la page gauche, ce que j’avais trouvé très curieux (c’est pourquoi j’avais pensé que c’était une scène ajoutée). Est-ce que ça veut dire que lorsque vous écrivez une histoire, vous ne faites pas attention à quelle page apparaîtra sur la gauche et laquelle sur la droite ? (Si je lis cette bande dessinée attentivement, il apparaît en fait que si on avait voulu commencer par la page de droite, cela aurait fonctionné aussi bien (peut-être même mieux dans certaines scènes, de façon ironique !))

Je n’ai pas une copie sous la main pour regarder. Mais quand je l’ai écrit, je l’ai fait en pensant à la première page faisant face au lecteur. Je suis toujours attentif à ce genre de choses. Cependant, si je me rappelle, DC avait dit que la page de crédit serait la première. Alors je pense que j’ai ajusté l’histoire pour prendre en compte ça. Cela fait un moment maintenant, mais il me semble me rappeler comment ça s’est passé. A l’époque, j’étais très soucieux de surprendre le lecteur quand il tournait la page.

Vous semblez appartenir aux artistes qui n’aiment pas trop les onomatopées. Est-ce exact ? Est-ce une position générale ou une expérimentation dans ce titre ?

Les bruitages, les effets spéciaux... En fait, je veux que la bande dessinée soit plus réelle et beaucoup de comics abusent des effets sonores. Je veux que mes comics soient vraisemblables. J’ai été inspiré par Alan Moore qui ne les utilise pas trop non plus. Je veux que vous entriez dans l’histoire, alors que si vous avez un grand « WADOOM !! » qui apparaît, ça vous remet en tête que vous lisez une bande dessinée. Je suppose que j’essaie d’être plus sophistiqué et adulte avec mes récits.

Décriviez-vous les ombres ? Il y a plein d’ombres pleines qui fonctionnent très bien dans cette bande dessinée, et elles aident les transitions également. Demandiez-vous précisément certaines ombres (moitié de visage...) ?

Oui, je voulais un visuel de film noir. Mais je n’ai pas tout dirigé dans les moindres détails. Je demandais juste des ombres dans une scène, du genre : plan rapproché de Luthor, la pièce est sombre et son visage est dans l’ombre.

La narration intérieure de Sands est superbe. Et c’est un procédé que vous utilisez pour vos récits dans beaucoup de vos bandes dessinées. Je suppose que c’est quelque chose que vous aimez, amener le lecteur à l’intérieur de la tête de vos personnages... Un commentaire sur ce choix d’outil afin de raconter une histoire ?

Je veux fournir une vue personnalisée dans des histoires de ce type, où vous devenez le personnage et entendez ses pensées. Afin que vous vous sentiez avec lui. J’aime les narrations intérieures. Cela transmet un sentiment de réalité, j’ai l’impression, si c’est bien écrit. A cette époque, j’étais influencé par James Ellroy, Stephen King et, dans une moindre mesure, Frank Miller.

Les noms des artistes un peu partout (station de métro, bière, interphone) étaient inclus dans votre script ou est-ce quelque chose qu’a ajouté le lettreur (ou Barreto ?) ?

Oui, en fait, ça vient de Barreto. Je ne fais jamais ça parce qu’en général je ne suis pas fan de la chasse aux œufs de Pâques. À la différence de beaucoup de scénaristes fans qui le font, comme Mark Waid, Kurt Busiek, etc. Je trouve plus important d’essayer de rendre le monde décrit comme un espace avec son propre univers et généralement je ne veux pas rappeler au lecteur que c’est juste une histoire de comics. Barreto a ajouté toutes ces références aux comics, comme quand Sands va pour appuyer sur la sonnette et que l’on voit tous les noms d’artistes sur les étiquettes. Mais je n’ai pas été trop gêné qu’il l’ait fait. Les artistes aiment ajouter leurs petits trucs pour donner une petite touche personnelle aux histoires qu’ils réalisent.

Je suppose que Mr. Arkadin de Orson Welles a été une influence aussi (pour la partie Peter Sands au moins) ? Etes-vous un grand amateur de cinéma ? Si oui, quels sont vos goûts ?

Oui, je suis un grand fan de cinéma. J’ai une énorme collection de DVDs et j’aime les classiques. Certaines personnes ont rapproché ce récit de Citizen Kane parce qu’il y avait un reporter suivant une histoire sur un « grand homme ». Je n’y ai même pas pensé ni à aucun autre film lorsque je l’ai écrit. C’est juste apparu comme ça.

Maintenant avec votre expérience, changeriez-vous quelque chose (si vous aviez le même nombre de pages <80) Je sais que vous changeriez si vous en aviez plus !) à ce récit ?

C’est vrai que j’aurais sûrement demandé à étendre l’histoire, j’aurais ajouté plus de profondeur aux personnages. Mais ça marche pas mal tel quel. Même si j’aurais voulu aller plus en détails.

Vous plaisantez ! Bien entendu si vous aviez plus de place vous auriez pu rajouter des détails mais ce que je me demandais, c’est si dans le même nombre de pages, vous auriez souhaité peut-être retravailler certaines scènes et dans quelle mesure, étant donné votre expérience. (Mais je suis d’accord pour dire que ça marche très bien tel quel, comme vous dites)

En tant que scénariste plus expérimenté, peut-être. Mais je pense que le livre est bon. Je fignolerais peut-être juste quelques dialogues. Mike Carlin était l’éditeur et il a changé quelques lignes. Il y avait quelques passages crus dans ma version et il les a retirés. J’en remettrais si j’avais l’occasion.

Quel est votre regard sur le Lex Luthor que l’on peut voir aujourd’hui (en BD ou télévision ou cinéma) ?

Je ne lis plus de bandes dessinées de Superman, donc je n’en ai aucune idée. J’aime assez Smalville et j’ai hâte de voir Spacey incarner Lex Luthor dans le prochain film. Mais l’idée d’un Lex Luthor comme président, à moi, me paraît ridicule. Ils ont essayé visiblement de faire une sorte de référence à George Bush ce qui est assez puéril. J’aime vraiment par contre la façon dont Lex est traité dans Justice League unlimited. Je ne sais pas si vous y avez accès. C’est une série animée. Il est utilisé de façon parfaite dans cette série.

Merci encore pour vos réponses et pour votre portrait par Dan Brereton, votre collaborateur sur The Psycho, qu’on espère voir adapté au cinéma, depuis le temps que les bruits courent !

Propos recueillis par Kevin Alessio

Fiche Technique :
- Titre : Lex Luthor : The unauthorized Biography
- Scénario : James D. Hudnall
- Dessin : Euardo Barreto
- Lettrage : Bill Oakley
- Couleurs : Adam Kubert
- Couverture : Eric Peterson
- Design de l’ouvrage : Keith Wilson
- Editeurs : Michael Carlin, Jonathan Peterson
- Editions : DC
- Dépôt légal : 1989
- Format : Comics broché
- Pagination : 48
- Prix public : $3,95US

Autres titres du scénariste chroniqués :
Trigs (T1) Arès
Trigs (T2) Kali

Pour discuter plus avant du scénariste :
HUDNALL James D (Trigs, Espers, Sinking...)



Kevin Alessio
7 juillet 2006




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Lex Luthor, the unauthorized biography



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James D. Hudnall vu par Dan Brereton



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En VF : Lex Luthor La Biographie officieuse



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