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Annales du Disque-Monde (les), tome 2 : Le Huitième Sortilège
Terry Pratchett
Pocket, fantasy, roman (Grande-Bretagne), fantasy farfelue, 266 pages, octobre 1997 / décembre 2010, 6,95€

(ce tome fait directement suite à « La Huitième couleur », si vous ne l’avez pas lu, c’est :
a) vraiment dommage,
b) un manque à combler toutes affaires cessantes,
c) partiellement corrigeable en lisant cet article,
d) mais pourquoi faut-il toujours un d) ? *)

Sauvé par la puissance de l’In-Octavo, le recueil auquel il a emprunté à son corps défendant le Huitième Sortilège, Rincevent le pseudo-mage va croiser des nuages volants, une forêt qui parle, des druides informaticiens, un héros édenté, faire un voyage astral et peut-être sauver le monde en proie à la folie, puisqu’une étoile rouge grossit dans le ciel, avec la force probabilité de donner une bourrade plus qu’amicale du Disque-Monde.
Pendant ce temps, à l’Académie de Magie d’Ankh-Morpork, on s’inquiète, on réfléchit, on s’interroge sur qui va se sacrif... se dévouer pour aller voir pourquoi l’In-Octavo frétille sous ses chaînes, et un secrétaire fondu d’organisation managériale et de tableaux croisés va profiter de la coutume du meurtre successoral et de la règle du qui-cause-le-plus-fort-a-raison pour grimper les échelons de la hiérarchie. Voire trouver une solution à la fin du monde, pour rester le chef plus longtemps. Surtout si cela consiste à sacrifier les autres. Dont Rincevent.



Disons-le d’emblée, ce second tome des Annales du Disque-Monde (après « La Huitième couleur », suivez) est un poil plus sombre que le précédent, car y plane donc cette menace qui teinte le ciel de rouge. La Mort (figure masculine, si, si, vous vous coucherez moins bête) est aussi très présent(e ?) (rha du coup je ne sais plus), et poursuit Rincevent qui a une fâcheuse tendance à lui échapper, qu’il s’agisse d’un coup des Dieux (dont la Chance, celle qui ne faut surtout pas nommer sinon elle vous file entre les doigts) ou de l’In-Octavo qui ne peut permettre que son Huitième sortilège s’envole n’importe quand.
Car ainsi que les mages encore vivants de l’Académie de l’Invisible le supposent (le cas se présente pour la première fois, donc la documentation est faible), prononcer les Huit Sortilèges à la suite pourra sauver le Disque-Monde.

Le récit se partage entre les tribulations de Rincevent et les manigances du mage Trymon. Et un peu le voyage stellaire d’A’Tuin, face à l’étoile rouge (ou l’inverse).

Rincevent, mi-blasé mi-fataliste, qui parle avec le Sortilège dans sa tête et refuse de se laisser diriger. Le faux mage aimerait pouvoir souffler un peu, mais ce n’est pas au programme, et entre les émerveillements de Deuxfleurs, parfois éclairés d’un flash de pragmatisme ou de philosophie (qui nous font voir le touriste autrement que comme un benêt), et ses prises de décisions aussi simples que dangereuses (comme interrompre un sacrifice humain pour en discuter avec les principaux protagonistes, parce que, hein, tuer quelqu’un, c’est quand même pas très gentil), Rincevent a dépassé le burn-out. Apprendre à la Mort à jouer aux cartes avec les autres Cavaliers n’est pas mal non plus pour vous faire péter un fusible.

L’arrivée dans le groupe du Héros Cohen (à prononcer comme Cohen le barbare, pas Sacha Baron) - 90 ans mais toujours vaillant, sauf des dents, ce qui cause que’ques problèmes d’élocution - et de la petite jeune qui s’est prise d’affection pour lui donne lieu à de savoureux dialogues, complètement décalés des préoccupations du mage malheureux, incarnant bien que malgré la fin du monde la vie continue.
Néanmoins le récit est bien tenu et leurs pas les ramènent à Ankh-Morpork, où ils seront témoins des folies des hommes en ces temps troublés : pillages, auto-dafés (que de livres gâchés, d’après Cohen, car avec un bon livre on peut allumer plein de feux de camp), frénésie religieuse. Ils retrouveront le magasin qui disparait où Deuxfleurs a acquis son Bagage (toujours fidèle) et en sortiront en invoquant les Conditions Générales de Vente.
La conclusion prend des tours de blockbuster fantastico-catastrophique, avec une ascension dans une tour en ruine, des duels de magie bourrés d’effets spéciaux (à 8 couleurs)... et une fin heureuse, puisque nous suivons ce qui se passe au niveau stellaire, et les petites fourmis qui grouillent n’ont aucune idée (malgré leurs études) de ce qui meut la Grande A’Tuin.

Donc c’est toujours de la fantasy très décalée, avec un humour très présent mais aussi du frisson et de puissantes émotions : dès son 2e volume, le (regretté) sir terry Pratchett coupait l’herbe sous le pied d’éventuels détracteurs, mauvaises langues, aigris et pisse-vinaigre qui auraient jugé son Disque-Monde simple plaisanterie, coup de chance, heureux hasard. Il y démontre que satire et parodie intelligentes n’empêchent ni le rire ni l’émotion propre à l’épopée médiévale-fantastique. Les multiples strates narratives (Rincevent, Trymon, A’Tuin) ont des tons, des couleurs différents, mais une même exigence littéraire : produire un tout cohérent, intelligent et très souvent drôle, aux dépens de ses personnages mais aussi des travers de nos sociétés.
Bref, c’est merveilleusement anglais.


Titre : Le Huitième sortilège (The light fantastic, 1983)
Série : Les annales du Disque-Monde, tome 2
Auteur : Terry Pratchett
Traduction de l’anglais (G-B) : Patrick Couton
Couverture : Josh Kirby (édition 1997), Marc Simonetti (édition 2010)
Éditeur : Pocket (édition originale : L’Atalante, 1993)
Collection : Science-fiction / Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 5647
Pages : 265 / 288
Format (en cm) : 18 x 11 x 1
Dépôt légal : 1997
ISBN : 2266071556 / 9782266211826
Prix : 6,95 €


- Tout Terry Pratchett chez Pocket
- La page Wikipédia des « Annales » et à son très beau diagramme de lecture des nombreux tomes de ses différents cycles.

* pour faire 1 plutôt que 20. Ou d’après Rincevent, pour vérifier la fiabilité de la réalité. Sinon vous lancez une pièce : si elle tombe sur la tranche, faites marche arrière. Si elle ne retombe pas, faites marche arrière VITE !


Nicolas Soffray
23 mai 2020


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Pocket, réédition 2010, couv. Marc Simonetti



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L’Atalante, première édition, 1993, couv. originale de Josh Kirby



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Pocket, 1997 à 2009



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L’Atalante, réédition actuelle



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