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Harrison Harrison
Daryl Gregory
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique, 346 pages, février 2020, 19,90€

Harrison Harrison, cinquième du nom, accompagne sa mère à Dunnsmouth dans le cadre de ses recherches océanographiques. Lui pourtant déteste l’océan, car il y a perdu son père à l’âge de trois ans et une jambe, boulottée par un monstre marin.
Il intègre l’école locale, un dépaysement total, pendant que sa mère lâche des balises en mer. Le deuxième jour, cette dernière ne revient pas, le bateau sur lequel elle avait embarqué a coulé, et les recherches ne donnent aucun résultat.
Harrison se retrouve seul dans une petite ville où tout le monde le regarde comme un étranger, sa couleur de peau confortant cette impression. Alors, qui lui a laissé un message comme quoi sa mère est toujours vivante et qu’il faut se méfier de l’albatros ? Un allié inattendu ? Il va mener sa propre enquête, trouvant en Lydia, une écolière de sa classe, une aide bienvenue et non sans ressources.



Harrison Harrison, aussi surnommé Harrison au carré, n’est pas un inconnu pour les lecteurs de Daryl Gregory, dont il s’agit du cinquième livre traduit en français. En effet, ce personnage figure dans le groupe de parole de « Nous allons tous très bien, merci ». Le présent roman est justement l’occasion de l’approfondir, de connaître les événements qui l’ont conduit à s’épancher.
Sa mère est une scientifique souvent tête en l’air, dont il tente de canaliser la fougue. Il ne comprend pas sa volonté de s’enterrer quelques mois dans un tel trou, mais il la suit, comme pour mieux la surveiller. Las, elle disparaît, mais il ne perd pas espoir. Des pistes indiquent qu’elle est toujours en vie, mais retenue. Pourquoi ? Il prenait les autres élèves pour des moutons, mais la plupart jouent un rôle pour tromper les professeurs et il trouve un soutien de taille en eux, et en d’autres, pour mettre toute la lumière sur cette sombre affaire. Car il s’agit bien de ça, d’anciennes croyances dominent toujours dans cette bourgade côtière.

L’inspiration de Daryl Gregory lorgne clairement du côté de Lovecraft, le nom composé de Dunnsmouth ne trompera pas grand-monde. Il s’empare brillamment de cet imaginaire malsain et de son ambiance lourde pour développer son histoire. La galerie de personnages s’avère savoureuse et ce qui rehausse encore ce constat, c’est que Nicolas Fructus les a tous croqués dans cet ouvrage largement illustré. Il leur donne corps, oscillant entre êtres déformés, contrefaits, effrayants et d’autres plus enchanteurs, comme tante Sel qui vient à la rescousse d’Harrison. Cette dernière vit dans son monde, un monde qui doit se plier à sa volonté et souvent en décalage avec elle. Les exemples de la sorte pullulent, chaque portrait concourt à l’immersion dans « Harrison Harrison ».

L’auteur mène parfaitement son récit, fait monter la tension au fur et à mesure que les événements se précipitent et que l’échéance se profile. Il rapproche aussi le passé et le présent, comme s’il s’agissait pour Harrison d’une renaissance, d’un nouveau départ. Les protagonistes qui se battent pour retrouver maman Harrison sont pour l’essentiel des adolescents, évoluant à l’ombre d’adultes tout à leur croyance et dans l’attente du rétablissement d’un ordre ancien. L’incursion s’avère très agréable, jamais outrancière, car ce roman s’adresse avant tout à un public d’ados, sans qu’un adulte ne regrette sa lecture.

« Harrison Harrison » tient ses promesses du début à la fin. Tel un monstre marin, il entraîne sans faillir dans son sillage les lecteurs pris dans un imaginaire aux accents connus mais bien assimilé et restitué pour l’occasion. Des personnages savoureux, une intrigue maîtrisée... un roman brillant, dans la lignée de ce que Daryl Gregory propose.
Pour cet ouvrage, Le Bélial’ a particulièrement soigné l’aspect : couverture à rabats, pelliculage sélectif, toucher peau de pêche, nombreuses illustrations intérieures signées par un inspiré Nicolas Fructus. Un objet magnifique !
Une autre raison de découvrir l’histoire folle et passionnante d’Harrison Harrison.


Titre : Harrison Harrison (Harrison Squared, 2015)
Auteur : Daryl Gregory
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Laurent Philibert-Caillat
Couverture et illustrations intérieures : Nicolas Fructus
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 346
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782843449611
Prix : 19,90 €



Autres romans de Daryl Gregory chroniqués sur la Yozone :
- « L’Éducation de Stony Mayhall »
- « Nous allons tous très bien, merci »
- « Afterparty »

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
9 avril 2020


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