Il fallait oser : s’attaquer à un mot, un seul – le mot face. Le mettre en situation, face à lui-même et face aux autres. Décliner, à travers plus de cinq cents astuces de langage, plusieurs centaines de ses facettes. Y revenir, encore et encore, de manière compulsive, obsessionnelle, le poursuivre, le traquer, le voir partout, l’imaginer partout, le mettre en scène même là où on ne l’attendait pas. Le dénicher dans les interstices. Le dégainer à la moindre occasion. L’exhiber avec ostentation, mais aussi le glisser comme en passant.
Entre plaisanterie et tentative d’épuisement d’un mot, entre harassement du lexique et plongée un peu ivre dans les recoins du vocabulaire et du sens, ce « Désoriente-express » apparaît comme une série de révélations et d’énigmes que l’on aura intérêt à découvrir pas à pas, à petites bouchées, pour ne pas risquer l’overdose. Des facilités, on s’en doute, mais aussi de jolies trouvailles.
On navigue donc au gré des pages à travers les professions, parmi lesquelles on devine entre autres le militaire du génie ou le pompier pyromane (“Face au bel ouvrage / Le sapeur aime sa beauté”), l’enseignant confronté à un amphithéâtre grenouillant d’étudiants (“Face à l’amphibien / Les universitaires hésitent”), le soignant performant devant la souffrance de l’allongé ( “Face à la pénalité / Le médecin fait une perf” ) mais aussi parmi les difficultés liées à la loterie génétique et à l’anatomie personnelle (“Face au pis-aller / Le Laid se tire”, “Face à l’armoire / Le sang du chétif se glace”). On sera confronté aux aléas de la vie quotidienne, comme ce suppléant qui prend du poil de la bête alors que l’employé s’effondre ( “Face au vacataire, le suppléant assure la relève”) ou cette très brève urban-fantasy druidique de l’emploi (“face au chômage / la fée dévoile ses charmes”), mais aussi à des situations de nos jours moins fréquentes (“Face au gibet / Le condamné se repent”). On navigue aussi entre polar et surpoids (“Face à la balance / L’obèse crache le morceau”) , dans la vie des bas-fonds (“Face aux disputes / Le maquereau devint blanc”), et parmi bien d’autres eaux troubles du langage.
Dans ce « Voyage en première face – désoriente express », il y a comme souvent dans les recueils du genre, un peu de tout, de ces jeux de mots tantôt subtils et tantôt moins, tantôt évidents et tantôt cryptiques auxquels se prêtent avec constance les aficionados de cette forme particulière de vivacité mentale qui horripile les uns et séduit les autres.
Il ne faut pas hésiter à se tordre les méninges ou à prononcer à voix haute, car il arrive de rester impavide et quelque peu désorienté devant une phrase en apparence dépourvue de sens, avant que ne survienne l’éclair de compréhension, le fameux « haha » du langage et des mathématiques, l’illumination qui d’un seul coup éclaire, donne le contraste, le relief, la profondeur.
Ce « Voyage en première face – désoriente express » est à compulser entre amis ou en famille. Pour chaque occurrence, le premier qui trouve gagne un point. Il pourra arriver que tous passent leur tour, qu’une entrée laisse incompréhensif, que l’on reste sans illumination : on la mettra de côté pour y revenir à tête reposée. Parce qu’on ne voudrait tout de même pas perdre la face. On fera un deuxième tour, et on fera face. On finira bien par trouver, par s’en réjouir, et par s’en amuser. Et l’on s’amusera jusqu’à l’ultime mention de ce « Désoriente-express », presque invisible sur la quatrième de couverture : « ne pas jeter sur la voie ferrée ».
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Titre : Voyage en première face – Désoriente express
Auteur : André Chédal-Anglay
Éditeur : Verone
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 105
Format (en cm) : 15 x 21
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9791028407186
Prix : 13,50 €
Les éditions Vérone sur la Yozone :
« Brèves sans comptoir tome 2 » par Jim Canari
