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Evil, tome 1 : Vicious
V.E. Schwab
Lumen, roman (USA), thriller fantastique, 532 pages, février 2019, 16€

Victor et Eli étaient colocataires durant leurs études à la fac de Lockland. Tout semble leur réussir, malgré des failles qu’ils tentent de masquer : Victor hait ses parents, auteurs de livres de développement personnel qu’il s’amuse à caviarder, quant à Eli, les cicatrices sur son dos en disent long.
Eli choisit comme sujet de mémoire les EO, les ExtraOrdinaires, les gens, rares, dotés d’un pouvoir. Découvrant qu’une expérience de mort imminente, voire de mort réelle est un facteur déclencheur, il passe à l’expérimentation... En 24h et deux tentatives de suicide savamment orchestrées, tout bascule pour les deux jeunes hommes.
10 ans plus tard, Vic sort de prison, avec une seule motivation : tuer Eli, qui se fait passer pour un héros.



Après l’excellente trilogie de fantasy « Shades of... », V.E. Schwab est de retour chez Lumen avec une série plus adulte, un diptyque terrifiant, entre thriller et fantastique. Son intrigue alterne les deux lignes temporelles : la vengeance de Victor et l’origine des pouvoirs des deux garçons.
On découvre qu’ainsi que le promet la couverture, il n’y a pas de chevalier blanc : c’est le mal contre le mal absolu. Victor est dès le départ jaloux du charismatique Eli, qui lui a « volé » sa copine Angie, à qui tout réussit mieux... mais les deux garçons, dans leurs rivalités, s’entendent plutôt bien. Ce projet fou d’acquérir des pouvoir en faisant plus que frôler la mort ressemble à un jeu dangereux, entre l’exorcisme de leurs démons et à qui ira le plus loin.
Les pouvoirs des EO, ils le comprendront vite, dépendent de ce qui les a raccroché à la vie. Ainsi Eli guérit immédiatement de ses blessures, tandis que Vic influe sur la douleur, la sienne et celle des autres. Eli, très croyant, tombe alors dans un délire mystique et se croit investi par Dieu pour éliminer ces aberrations que sont les EO. L’autrice rend parfaitement le discours d’auto-conviction d’Eli, seul EO au pouvoir n’affectant que lui-même, qui sert d’alibi à son personnage pour satisfaire son plaisir pervers d’élimination. Pas de meurtre, puisque ces gens sont normalement déjà morts.

Dix années passées en prison ont permis à Vic de maîtriser son pouvoir. Il s’est fait un ami, Mitch, hacker à la carrure de géant, et ils ont ramassé en route la jeune Sydney. La gamine va leur raconter ce qui lui a valu une balle dans le bras, et l’intrigue prend un nouveau tour : Eli, qui se fait appeler Eternalis, est en couple avec sa sœur ainée, Serena. Les deux filles sont des EO, sur à une chute dans un lac gelé. Sydney est capable de ressusciter les morts, pouvoir particulièrement abject aux yeux d’Eli. Mais il pourrait s’avérer que Serena soit bien plus dangereuse encore...
On remontera sur les origines de ce couple mortel, et là encore l’autrice nous plonge dans une ambivalence délicieusement trouble : Eli était déterminé à tuer Serena, mais son pouvoir de persuasion l’en a empêché. Et elle est si puissante qu’il doute d’y arriver un jour, même si cela sera nécessaire... Quel relation les lie, finalement ? Un but commun ? Un brin de passion, à défaut d’amour ? Ou seulement la domination du pouvoir de Serena ?

Tout se règlera en 48h, des retrouvailles, un piège mortel, dans la grande ville de Merit, où les personnages vont parfois jusqu’à se croiser de justesse pour nous provoquer quelques frissons supplémentaires. En toile de fond, V.E. Schwab met en exergue la fascination pour les super-héros, leur lien ambivalent aux côtés de la loi, l’absence de garde-fous quand leurs pouvoirs dépassent le commun des mortels. C’est le fameux « who watch the watchmen ? » du comics éponyme d’Alan Moore et Dave Gibbons. Ici, sous ses airs de chevalier blanc, Eli est d’autant plus terrifiant qu’il assassine en toute immunité et même avec l’assentiment d’une police persuadée de la légitimité de son discours. L’emprise de Serena sur les agents spécialisés en EO est terrifiante, et le fait qu’elle ne puisse le brider la terrifie parfois elle aussi.

Plus le piège se referme, plus la situation dérape, forcément, et l’autrice joue avec nos nerfs jusqu’à la dernière page, pour un finale glaçant, poussant ses deux personnages dans leurs derniers retranchements, au bout de leur volonté et de leur cruauté réciproque. On sort de « Vicious » à bout de souffle... avant de se souvenir du « Vengeful » qui suit !

Je ne suis pas très thriller, et je dois admettre que sans l’appât du fantastique, les premières pages à l’université, le temps d’installation, m’auraient peut-être rebuté. Mais une fois la machine lancée, une fois rentrée dans la froide folie qui s’empare deux deux « héros », impossible de s’arrêter.
« Vicious » m’a également rappelé un très bon roman de la collection Scripto de Gallimard, « TK, l’important c’est d’y croire », de Philippe Laborde (la violence en moins).

Des personnages torturés, jusqu’au-boutistes, une intrigue ciselée, une écriture fluide et très visuelle, et bien peu de limites. V.E. Schwab marque encore un point.


Titre : Vicious (Vicious, 2013)
Série : Evil, tome 1/2
Autrice : Victoria E. Schwab
Traduction de l’anglais (USA) : Sarah Dali
Couverture : Tracie Ching
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 532
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 3,5
Dépôt légal : février 2019
ISBN : 9782371022034
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
14 décembre 2019


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