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Chroniques de Zi (les), tome 4 : Oviri
Jean-François Chabas
Nathan, roman (France), fantasy, juillet 2019, 262 pages, 15,95€

Un mois a passé. un mois que les forces de l’ombre, dragons, orques, gobelins et autres monstres ravagent le monde. Les survivants des Mille Lacs, comme Elgin et Maccus, sont venus aux Trois Vagues aider à sauver ce qui peut l’être. Oviri a vu son père le roi mourir, et est sans nouvelles de sa mère et de sa sœur Nara. A ses côtés, Turi, guerrier redoutable, semble imperméable aux émotions qui déchirent le prince.
Nara, sa mère Etini et Phelan ne sont pas morts, mais captifs de la sorcière Arlana. Isolés, inquiets pour leurs proches, torturés par Arlana, ils finissent pas s’échapper, grâce au pouvoir de la reine. Mais ils découvrent le Royaume des Trois Vagues en proie à la désolation, Oviri bien mal en point et Turi submergé par sa véritable nature...



Quatrième tome, et quatrième forme pour ces « Chroniques de Zi » : Jean-François Chabas nous plonge en pleine zone de guerre, et pas forcément dans le camp des vainqueurs. Le désespoir submerge les survivants : comment vaincre les dragons, dont la seule proximité vous empoisonne l’esprit ? L’ennemi ne joue pas avec les mêmes règles, et le combat est par trop inégal. Le Royaume a été rasé, les monstres dévastant le continent, brûlant les forêts, jouant avec les fuyards comme un chat avec des souris.

Des souris, il y en a encore 3, trois frères Ablakar, toujours aussi fourbes, aussi traîtres, aussi bêtes, et avec les deux nains Fnill et Fnull, toujours anarchistes mais tout dévoués à Oviri, ils apportent un peu de légèreté et d’humour dans le roman, des passages aux dialogues très rythmés, presque théâtraux, et qu’on s’imagine sans peine. Plutôt qu’un simple comique de répétition (car on connaît les souris depuis « Phelan » et les nains depuis « Nara »), l’auteur joue une carte littéraire classique, qui doit remonter à Molière sinon aux Grecs : déplacer le regard du spectateur d’une situation globale dramatique à un détail drôle, dans le forme ou le fond - mais pas si innocent que cela (les nains coupent la jambe d’Oviri, les souris veulent -encore- tuer tout le monde...)

A la jalousie qui tendait les relations entre le trio Phelan-Turi-Nara, l’auteur substitue l’intimité forcée de la reine, la princesse et le grand blond durant leur captivité. Plus que les aventures qu’ils ont vécues, cette proximité contrainte fait mûrir les deux jeunes héros. Leurs exploits étaient contrebalancés par leurs gamineries,ici la promiscuité, la faim, la torture mentale imposées par Arlana les poussent au contraire, par des petits gestes, à se soutenir mutuellement et à apprendre à former ensemble un rempart contre la sorcière et leur propre découragement.

Il m’a semblé noter un autre motif classique, à lorgner du côté des sagas nordiques : les pertes de membres. Phelan avait perdu un petit doigt, Orivi doit sacrifier sa jambe, empoisonnée par un oniroo, monstre marin au dard mortel. Etini, la reine, sacrifie bien plus dans une forme peu ragoûtante de métamorphose animale. A ces pertes physiques font écho tous les morts hors-champ (l’auteur faisant l’ellipse sur le ravage des Mille Lacs), le déracinement des survivants, le désespoir qui s’est emparé de tous.

Les femmes sont encore à l’honneur dans ce 4e tome, qu’il s’agisse d’Etini, qui doit endurer la perte de son mari et de son fils, Nara, de même, sa suivante qui voue un amour impossible au prince... Le message est presque plus direct avec la mule Neel, qui abandonne son maître devenu fou, qu’elle ne reconnaît plus, qui tantôt la frappe et l’insulte, et puis s’excuse. La mule, non sans remords, finit par fuir, comme nombre de compagnes battues. Même Arlana, évoquant la genèse de son enfant, est à ranger du côté des femmes délaissées, abandonnées par leur conjoint. Jean-François Chabas balaie ainsi tous les cas de figure, du veuvage brutal à la rupture nécessaire, au travers de ses personnages féminins.
Qu’en est-il des hommes ? Tous soldats, tous (dé)voués à la guerre, à affronter les monstres (même si les femmes se battent aussi), ils n’en sont pas moins rongés par le doute, la crainte du destin de leurs proches si faillissent à leur devoir. Elgin n’a pas eu le temps de pleurer les morts des Mille Lacs, l’hécatombe aux Trois vagues l’a propulsé commandant des troupes restantes. Son fils adoptif est tout dévoué à Nara, mais leur relation est désormais épurée des niaiseries de jeunesse, rincée par la guerre et les pertes. Turi, enfin, échoue à contenir sa vraie nature, qui nous est enfin révélée, et le gentil grand garçon s’efface au profit d’une créature toute-puissante et terrifiante, divinité en devenir déjà capricieuse.

Zi devient un fil conducteur de plus en plus tangible, maintenant que la mécanique derrière la série se dévoile, éclairant doucement les rouages d’une trame encore arachnéenne.

Récit de guerre, de défaites, de sacrifices et de pertes, « Oviri » offre une nouvelle facette aux « Chroniques de Zi », encore une fois époustouflante, comme la couverture de Guillaume Morellec. Finit-on par s’habituer à être époustouflé ? J’ose croire que non.


Titre : Oviri
Série : Les Chroniques de Zi, tome 4
Auteur : Jean-François Chabas
Couverture : Guillaume Morellec
Éditeur : Nathan
Collection : Roman grand format
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 262
Format (en cm) : 20 x 13 x 1,5
Dépôt légal : juillet 2019
ISBN : 9782092582848
Prix : 15,95 €


« Phelan »
« Nara »
« Turi »
« Oviri »
« Chuluun »


Nicolas Soffray
30 août 2019


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