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Hercule et le lion de Némée / Ulysse et le cheval de bois
Hélène Montardre
Nathan, Mythologie et compagnie, roman (France), 48 pages, juin 2019, 6,20€


Hercule et le lion de Némée
Rendu fou par la déesse Héra, Hercule a tué femme et enfants. pour ce crime, il est condamné à servir son cousin, le roi Eurysthée, un homme faible et lâche qui craint que le fils de Zeus lui vole son trône. Il lui confie alors des exploits à accomplir, en espérant bien qu’Hercule se fasse tuer. Première tâche : débarrasser la région de Némée d’un lion gigantesque qui terrorise la population et nuit à l’élevage et aux cultures. Renseigné par Molorchos, un paysan, Hercule trouve la bête. Mais ses flèches rebondissent sur sa peau ! Hercule piste le lion, l’assomme avec sa massue et l’étouffe, avant de revenir, vêtu de sa peau, chez son cousin.

Ulysse et le cheval de bois
La guerre de Troie dure depuis dix ans. Les rois grecs n’ont pas réussi à s’emparer de la ville et d’y délivrer Hélène, la femme de leur ami Ménélas enlevée par le prince Pâris. Ulysse, le rusé, propose de construire un cheval sur la plage, soi-disant une offrande à Athéna pour garantir leur bon retour, et de faire semblant de partir. Le fidèle Sinon se fait passer pour un traitre et achève de convaincre les Troyens de s’emparer de la statue de bois et de l’emporter dans leur ville. Ulysse et ses hommes sont cachés à l’intérieur et, à la nuit tombée, ils ouvrent les portes de Troie aux soldats grecs revenus en cachette. C’est la victoire.

Des versions très partiales et réductrices
Bien que destinées à de jeunes lecteurs, dès 7 ans, ou plutôt à cause de cela, des choses me chiffonnent dans ces histoires d’Hélène Montardre, qui n’est pourtant pas une néophyte de l’édition jeunesse.
Non seulement ces versions sont assez manichéennes, elles font en plus l’impasse sur des éléments clés des mythes.
J’ai un souvenir fort de les avoir découverts à peu près à cet âge, et d’avoir été marqué par des détails comme Hercule devant dépecer le lion à l’aide de ses propres griffes, seules capables d’entamer sa peau. Ici, la clé même de l’exploit, l’idée d’étouffer le lion, est éludée en une ligne, alors qu’elle est, dès ce premier des Travaux, la première difficulté pour Hercule, guerrier plus réputé pour ses armes que son intelligence. Qu’Hercule fabrique sa massue avant d’avoir éprouvé l’inutilité de son arc est donc aussi un peu anticipé.
Néanmoins, entre les remords pour son crime, son ton hautain vis-à-vis de Molorchos ou son mépris de la lâcheté de son cousin, il campe un héros ambigu et pas franchement positif, ce qui est une nuance appréciable. Le graphisme d’Alban Marilleau, assombri de petits coups de crayon, colle parfaitement à ce côté un peu noir.

Mais cette nuance est parfaitement absente d’« Ulysse et le cheval de bois ».
Qui commence déjà par une grosse erreur : le cheval est censé être dédié à Poséidon, dont c’est l’un des symboles et dont les Grecs ont besoin pour s’assurer une navigation sans danger, et non pas Athéna. (C’est d’ailleurs aussi en raison de ce sacrilège - et plus tard de l’œil crevé de son fils le cyclope Polyphème - que Poséidon va faire errer Ulysse pendant 10 ans. (mais c’est une autre histoire)). Surprenant de la part d’une autrice spécialiste des mythes grecs.
On a à peine le temps de l’introduction pour se rendre compte des 10 années de siège sans résultat. Ulysse paraît tout frais, fier de sa ruse et expose à moitié son plan, ne facilitant pas la compréhension pour les jeunes lecteurs. Son application est une succession hachée, une fabrication en jolies planches (alors qu’une des rares bonnes choses du film américain « Troie » de 2004 était justement un cheval construit avec les épaves des bateaux grecs) la méfiance de Lacoon, la fausse trahison de Sinon, les serpents (envoyées par Athéna ?). On notera la disparition de Cassandre, et de tout personnage féminin, en fait. La prise de la ville, sanglante et meurtrière, est évacuée en une phrase. Ulysse, toujours souriant sur les illustrations de Romain Mennetrier, passe pour un héros très positif, et tout est bien qui finit bien.

C’est probablement une interprétation adulte, mais la jeunesse du lectorat ne l’empêche pas de comprendre que les choses ne sont pas si simples. Et les mythes grecs plus complexes que cela. On n’entrera pas dans les détails, bien sûr, mais on peut aller plus loin de la superficialité factuelle de l’histoire et y présenter les éléments logiques qui la sous-tendent. Je pense aux excellentes « Enquêtes d’Hermès », de Richard Normandon (pour un peu plus grand) qui mettent justement l’accent sur l’ambivalence de tous les personnages, mais aussi plus simplement au 3e titre déjà paru dans cette collection Mythologie et compagnie : « Ariane et le défi du labyrinthe », de Clémentine Beauvais, qui donne la parole à un personnage féminin, transcrit bien ses doutes, et descend de son piédestal de « héros » Thésée, lui aussi bien plus humain.
Tout cela est d’autant plus incompréhensible qu’on sait l’engagement d’Hélène Montardre pour les personnages féminins dans la littérature jeunesse et ses connaissances en mythes grecs, et qu’elle écrit ces mêmes histoires pour la tranche d’âge supérieur (9-12 ans) pour Nathan.


Titre : Hercule et le lion de Némée
Auteur : Hélène Montardre
Couverture : Alban Marilleau
Éditeur : Nathan
Collection : Mythologie et compagnie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 48
Format (en cm) : 19 x 14,5 x 0,7
Dépôt légal : juin 2019
ISBN : 9782092589656
Prix : 6,20 €


Titre : Ulysse et le cheval de bois
Auteur : Hélène Montardre
Couverture : Romain Mennetrier
Éditeur : Nathan
Collection : Mythologie et compagnie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 48
Format (en cm) : 19 x 14,5 x 0,7
Dépôt légal : juin 2019
ISBN : 9782092589670
Prix : 6,20 €



Nicolas Soffray
24 août 2019


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