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Hével
Patrick Pécherot
Gallimard, Folio Policier, n°882, roman (France, 2018), noir, 224 pages, mars 2019, 6,80€

50 ans après les faits, Gus revient sur janvier 1958 quand il était routier et sillonnait en compagnie d’André le Jura à bord d’un camion qui aurait mérité d’être réparé depuis belle lurette. Son patron André peinait à joindre les deux bouts, chaque fret retardait la faillite. Pas les moyens ni le temps de s’arrêter, il fallait toujours reprendre la route malgré la neige, les tensions dues à la guerre d’Algérie et les nombreux barrages de la police.
Que cherchait-elle ? Et si c’était leur passager clandestin qui disparaissait et réapparaissait ?



Le climat de l’hiver jurassien n’est pas une sinécure : froid, neigeux, piégeux. Pour un camion aux pneus lisses et à l’essieu faussé, le braver sur les routes revient à prendre des risques considérables. D’ailleurs, l’équipage Gus - André a de la chance que la police ne s’attarde pas sur l’aspect de leur camion, car ils ont d’autres priorités, même si forts de leur importance, ils ne confient jamais l’objet de leur mission. Entre deux verres au bistrot, les deux trimballent les quelques cargaisons qu’ils parviennent à dégotter. Les affaires tournent au ralenti et ce n’est pas l’humeur d’André ni les conditions météorologiques qui les favorisent. Patrick Pécherot installe très bien le décor et l’ambiance. Les deux hommes sont fatigués, usés, sur la corde raide et il n’en faut pas beaucoup pour les faire sortir de leurs gonds.

En 1958, les nouvelles du conflit algérien font monter la tension entre communautés et ce d’autant plus, si l’une de ses connaissances en est victime. André peut en parler. Un troisième homme, difficile à cerner, rôde aussi, comme s’il suivait André et voulait lui confier quelque chose. Il fuit mais quoi ?
Gus n’est pas un saint et il traîne là où il ne faudrait pas, comme s’il cherchait l’occasion d’une bonne bagarre, d’une occasion de libérer sa rancœur sur les immigrés pour leur faire payer la misère de sa vie. Les circonstances l’enfoncent encore, ce qui n’améliore pas son humeur. Existe-t-il seulement une issue, une voie de secours pour lui ? La fin d’un tunnel aux parois haineuses peut-il se profiler dans le froid hiver jurassien ?

L’auteur pose sur « Hével » un couvercle pesant. L’atmosphère se révèle lourde, notamment à cause du racisme. Les gens ont du mal à comprendre la situation, voire beaucoup ne le veulent pas. Il faut un coupable à cette guerre et forcément c’est l’autre, sans volonté de remise en question du colonialisme. La situation ressemble à une cocote-minute sous pression et sur le point d’exploser. Il suffit de peu pour que cela dégénère.

Sans grands effets, Patrick Pécherot livre un roman noir tendu, constitué d’une succession de chapitres courts comme des instantanés. Gus donne sa version des faits, illustre comment la haine peut pousser à des extrêmes inqualifiables. Son langage replonge bien à cette période, il ne mâche pas ses paroles et instaure comme un dialogue avec le journaliste pour ne pas dire le lecteur qu’il prend à parti.
Reflet d’une époque, celle de la guerre d’Algérie, « Hével » remue le couteau dans la plaie. Il ne faut pas oublier le passé, mais s’en servir comme d’une leçon pour s’améliorer et ne pas reproduire les mêmes erreurs. Apprendre du passé, c’est préparer l’avenir.
Du noir de qualité et engagé !


Titre : Hével
Auteur : Patrick Pécherot
Couverture : D’après photo © Tim Robinson / Arcangel Images.
Éditeur : Gallimard (1ère édition française : Gallimard Série Noire, 2018)
Collection : Folio Policier
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 224
Format (en cm) : 10,9 x 17,8
Dépôt légal : mars 2019
ISBN : 9782072840838
Prix : 6,80 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
9 mai 2019


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