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Mante au fil des jours (La)
Christine Renard
Éditions Gandahar, Collection Patrimoine de l’Imaginaire, roman (France, 1977), fantastique, 1er trimestre 2019, 200 pages, 10€

Un peu après la mort du père de Jacques Bréal, ce dernier, sa mère et sa sœur Annette partent vivre dans une villa proche de Clermont-Ferrand et le tout aux frais d’une riche Hongroise. Un arrangement pour le moins singulier : une grande demeure, de nombreux domestiques, une vie d’oisiveté... Seule autre présence : la sublime Élisabeth, la petite fille de la Hongroise. Annette et elle deviennent inséparables et Jacques se réfugie dans les études pour échapper à leurs moqueries et épater Élisabeth.
Quand il ramène aux Eyquerres Colette qu’il aimerait épouser, il comprend mieux l’emprise que cette vie, cette demeure et surtout Élisabeth exercent sur sa personne. D’où vient-elle ? Et est-il possible d’y échapper ?



En 1979, Christine Renard est décédée à l’âge de 50 ans. Une dizaine de livres, une soixantaine de nouvelles et un talent indéniable dont les lecteurs ont, hélas, été bien trop vite privés. Fort justement, l’association Gandahar remet cette auteure tombée doucement dans un certain oubli sur le devant de la scène.
Le numéro 16 de la revue « Gandahar » lui est consacré et la collection Patrimoine de l’Imaginaire lui fait la part belle. Son premier numéro n’est autre que « La planète aux statues », réédition de « La Planète des poupées » (Galliéra, 1972), son troisième opus, le présent « La mante au fil des jours » et le cinquième déjà annoncé « L’enfance des Dieux », un inédit en français. De quoi la découvrir pour ceux qui n’ont pas eu le bonheur de la lire jusqu’à présent.

« La mante au fil des jours » relève du fantastique, mais il plane toujours un certain doute sur l’ensemble. Mort d’un manque de globules rouges, le père de Jacques était reconnu comme atteint de folie et cette épée de Damoclès pèse sur ses descendants. Plus d’une fois, Jacques remet en cause ce qu’il voit ou ce qu’il entend de la bouche de sa sœur. Comment croire qu’Élisabeth, cet amour de jeune fille, n’est pas ce à quoi elle ressemble ? Les trois vivent dans un cocon doré, celui à lequel aspirait une mère qu’ils ne voient pas souvent, car elle est trop faible pour sortir du lit. Même pour le lecteur, il s’agit d’une inconnue dont il est difficile de cerner les motivations. A-t-elle conclu un pacte avec le diable ou autre ?

Lorsque Jacques s’éloigne des Eyquerres, la demeure familiale, il éprouve des projets d’avenir et ressent le besoin de vivre ailleurs, autrement que sous l’emprise d’Élisabeth. La venue de Colette sert de révélateur. Ce qui apparaissait tout d’abord comme une bonne idée devient soudain mauvaise sur place. Jacques remet en question ses perceptions, ses sentiments ; lui qui idolâtre Élisabeth et estime qu’elle est inabordable doit changer de point de vue. Et si c’était lui qui l’était devenu en poursuivant des études de lettres ? Qui érige des barrières ? Qui s’éloigne de l’autre ?
Le personnage central doute, le lecteur est bien obligé de suivre le même chemin, de se demander si Jacques et Annette ne sont pas en proie à la folie. Pourtant des éléments plaident contre, mais jusqu’au bout, la volonté de ne pas croire en une explication irrationnelle, car fantastique, persiste.

Christine Renard évolue sur le fil du rasoir, toujours à la limite, mais sans la franchir. C’est extrêmement bien fait et la plongée dans ce roman est totale. Les personnages ont de l’épaisseur, dégagent quelque chose qui happe le lecteur et le pousse lui aussi à s’interroger sur leur condition. Prisonniers, profiteurs... que sont-ils vraiment ? Et comment en sont-ils arrivés là ?
« La mante au fil des jours » est baigné d’une atmosphère étrange, vénéneuse, car une menace sourde se devine, sans être forcément identifiée de manière certaine. Y goûter revient à se transformer en proie et se retrouver englué dans une histoire magnifique, dont l’auteure tire un maximum.
Plus de quarante années après sa première parution, ce roman n’a rien perdu de son attrait. Il possède toujours un indéniable pouvoir d’attraction et de fascination. La beauté y côtoie l’horreur, la jeunesse la vieillesse dans un ballet hypnotique. Du grand art !

Oublier une auteure comme Christine Renard serait vraiment une injustice. Après une telle lecture, l’envie d’y revenir se fera sûrement sentir...


Titre : La mante au fil des jours
Auteur : Christine Renard
Couverture : Design de Chris Brigonne ; Illustration d’après TheHardLab (Le rouge et le noir)
Éditeur : Éditions Gandahar (Première publication : Bibliothèque Marabout, 1977)
Collection : Patrimoine de l’Imaginaire
Pages : 200
Format (en cm) : 13,4 x 21,5
Dépôt légal : premier trimestre 2019
ISBN : 9782490504053
Prix : 10 €


Christine Renard sur la Yozone :
- Gandahar n°16 - Christine Renard, les œuvres oubliées

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
3 avril 2019


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