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Tous ces mondes
Dennis E. Taylor
Bragelonne, SF, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 346 pages, mars 2019, 17,90€

Bob Johansson, qui a fait fortune avec sa start-up, se fait écraser en sortant d’une convention de science-fiction. Cryogénisé, il est « ressuscité » bien des années plus tard, en 2133, pour apprendre qu’il est biologiquement mort : son cerveau a été copié neurone par neurone et entré en tant que copie dans un ordinateur. Devenu propriété d’un pouvoir politique qui est aussi un parti religieux, Bob, suffisamment malin pour duper les Théocrates, s’arrache à ses entraves et devient autonome dans l’espace. Seul, mais avec un atout considérable : la réplication. Les imprimantes 3D lui permettent, à partir des ressources arrachées aux astéroïdes, de fabriquer n’importe quoi, y compris d’autres vaisseaux, y compris d’autres lui-même. Voilà un avantage certain quand les terriens décident de s’entretuer et qu’il lui faut sauver l’humanité. Et qu’il lui faut, en sus, sauver l’univers d’une race extra-terrestre qui éradique toute autre forme de vie qu’elle-même. Bob, avatars compris, ne sera pas de trop.



«  Prochaine station-service à cent mille milliards de kilomètres. »

Revoilà donc Bob Johansson et ses multiples avatars, tous affairés à des tâches différentes mais qui reviennent peu ou prou à un dénominateur commun : sauver le monde. C’est-à-dire sauver l’humanité, sauver la démocratie, sauver la Terre, ou ce qu’il en reste, sauver la galaxie, sauver l’univers. Sans compter le reste. Fort heureusement, Bob et Bob, et Bob aussi, enfin, sous d’autres noms, ses avatars, restent en lien avec entre eux, c’est à dire avec eux-mêmes, grâce à l’invention du Subspace Communications Universal Transciever (SCUT), d’autant plus pratique qu’avec des distances et des vitesses fabuleuses et les écoulements relativistes du temps, ce qui paraît simultané peut être en réalité décalé de plusieurs années – on ne s’étonnera donc pas de couvrir une période correspondant, en temps absolu, à une période courant entre 2212 et 2257.

« Pourtant, il était difficile de ne pas se prendre pour un dieu. »

Bob et ses avatars/clones/descendants ne se prennent pas vraiment la tête pour autant. Sur Delta Eridani, le Bob original continue à accompagner une espèce pseudo-humanoïde dans son accession à l’intelligence. Markus, sur Poséidon, planète entièrement recouverte par les eaux, a bien du mal à empêcher une colonie humaine de basculer sous la coupe d’un régime fasciste. Sur Epsilon Eridani, Bill guette les Autres, une espèce extraterrestre dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle extermine tous les êtres vivants auxquels elle est confrontée. Howard, lui, glissé dans la peau d’un androïde, coule le parfait amour avec Bridget, hélas beaucoup plus mortelle que lui-même – et absolument pas disposée à devenir une entité informatique. Herschel explore un vaisseau titanesque abandonné par les Autres – nouvelles technologies, nouvel espoir pour évacuer de la terre ce qui reste de l’humanité avant qu’il ne soit trop tard. Jacques, lui, prépare une planète pour accueillir les ultimes représentants d’une espèce extra-terrestre intelligente, les deux mille pavs qu’il a sauvés de leur extermination par les Autres. Bob et ses avatars ne manquent donc pas d’occupation – sans compter que les Autres attendent leur heure.

« Chaque fois qu’on a l’impression d’avoir compris quelque chose, l’univers nous envoie une nouvelle épreuve.  »

On pourrait croire qu’être mort simplifie les choses. Il n’en est rien. Il faut s’occuper de tout de A à Z. Sans compter que ni les problèmes familiaux ni les problèmes politiques ne se sont effacés pour autant. Et puis, on n’imagine pas à quel point les autres humains peuvent être bêtes, quand ils s’y mettent. Entre une planète qui pue de manière abominable et l’autre qui a une gravité trop élevée, les colons dont on sauve la vie ne sont jamais contents. Trop dispersé ? Quand on doit résoudre tous les problèmes de l’univers, sans compter le quotidien, même avec une vitesse de calcul au-delà de tout ce dont on pouvait autrefois rêver, bien difficile de ne pas se disperser. Mais Bob est né cool, et ce n’est pas parce qu’il est mort que les choses vont changer.

« Les cupidons sur Vulcain les visqueux sur KKP, et les moustiques supervampires ici. Apparemment, l’univers aimait réutiliser les mêmes thèmes. »

Composé de soixante-seize chapitres pour un peu plus de trois cents pages, « Tous ces mondes » est composé de séquences extrêmement brèves, avec nombre de chapitres ne dépassant pas les deux pages. Calqué sur le mode du feuilleton polyphonique, mais un soupçon plus haché, le roman souffre d’un découpage peu propice aux développements, et qui impose de privilégier des visions et des stratégies souvent simplistes. Basé sur une bonne idée de départ, servi par le recyclage et la réutilisation de mille thèmes du space-opera, « Tous ces mondes », produit en définitive la même impression que « Nous sommes nombreux » : la débrouillardise du Johansson ressuscité, qui séduisait dans le premier volume, est ici moins flagrante, et ce récit semble surtout poursuivre les intrigues du tome précédent. Ce tome 3 apparaît donc surtout comme un tome 2 bis. Sans aller jusqu’à prétendre que nous avons affaire à l’une de ces trop nombreuses trilogies qui auraient gagné à n’être composées que d’un seul tome (nous avons plutôt affaire à une série, l’auteur ayant déclaré travailler à nouveau récit situé dans le « Bobbiverse », intitulé « The search for Bender » , et qui devrait comprendre lui-même deux volumes), on peut considérer « Tous ces mondes » comme un roman plaisant, mais en retrait par rapport aux promesses du premier volume.


Titre : Tous ces mondes (nous sommes Bob) (All these worlds , 2017)
Série : Nous sommes Bob, vol 3
Auteur : Dennis E. Taylor
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Sébastien Baert
Couverture : Fabrice Borio / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Collection : SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 346
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : mars 2019
ISBN : 9791028106973
Prix : 17,90 €


Dennis E. Taylor sur la Yozone :

- « Nous sommes légion »
- « Nous sommes nombreux »


Hilaire Alrune
1er avril 2019


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