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Gandahar n°16 - Christine Renard, les œuvres oubliées
Une publication de l’association Gandahar
Revue, n°16, SF - fantasy - fantastique, nouvelles - chroniques, février 2019, 140 pages, 9€

Au fil de ses livraisons, la revue « Gandahar » s’est attachée à tirer l’œuvre de Christine Renard de l’oubli dans lequel elle était tombée, rééditant quelques-unes de ses nouvelles et même des romans dans la collection « Patrimoine de l’Imaginaire ». On ne peut que l’en féliciter.



Ce numéro est donc entièrement consacré à cette auteure, prématurément disparue. Le parti pris est un classement chronologique des textes. Il y a dans ce choix un avantage, celui de mettre en lumière la montée en puissance des idées et du style au fil des titres ; et un inconvénient, celui de débuter la lecture de ce recueil par des textes très mineurs qui n’ont qu’une valeur historique, risquant de décourager l’amateur peu persévérant.
Un petit dossier de présentation, reprenant essentiellement un article de Jacques Goimard et de Michel Jeury introduit les nouvelles rassemblées ici, tirées en grande partie de la revue « Fiction ». C’est assez succinct, et il faudra sans doute attendre le prochain numéro de « Galaxies » consacré à Christine Renard pour en savoir davantage sur cette auteure.

Ce n’est qu’à partir du cinquième titre ,“De Profundis”, que l’on entre véritablement dans l’univers de Christine Renard. Avec cette histoire de fantôme en demi-teinte, c’est tout l’univers de cette auteure qui s’offre à nous, avec une découverte de la sensibilité féminine toute à fait particulière et qui fait véritablement sa spécificité.
On oubliera “La sainte alliance”, une histoire un peu bancale où magie et science ne font pas bon ménage pour s’attarder sur ce qui est un sommet dans son œuvre : “Delta” et sa suite “Léa” cosignées avec Claude Cheinisse. Ces nouvelles décrivent les tourments amoureux ressentis par deux Arcturiens qui voient, en une jeune Terrienne, la pièce manquante indispensable pour constituer le trio qui régit leurs vies. L’irruption d’Elisabeth, qui ne saisit pas au départ ce que ses hôtes attendent d’elle, et qui s’éprend maladroitement d’un seul d’entre eux, ignorant les interactions sentimentales complexes de ces êtres, débouche sur un drame, bien sûr, mais aussi sur une vertigineuse analyse des mœurs conjugales des Arcturiens. Les lecteurs qui découvrirent ce récit d’avant-garde dans un numéro spécial de « Fiction » en 1967, en pleine crise de la SF française, ne s’y trompèrent pas et le classèrent en tête du palmarès. Cette histoire mémorable connut une suite, “Léa”, tout aussi réjouissante, publiée jadis dans « Yellow Submarine ». Ici, Elisabeth s’est transportée sur Arcturus après avoir découvert les grandes lignes de la vie amoureuse des Arcturiens et leurs tourments. Elle rumine sa responsabilité dans le drame survenu sur Terre du fait de sa maladresse. L’Arcturien survivant et elle y recherchent le troisième membre qui viendra cimenter leur union mais cette quête semble compliquée et peu à peu, son compagnon la délaisse... Réunis, ces deux récits forment une fresque unique et inventive et quelques unes des plus belles pages de la SF française.

“Qu’est ce que je peux faire ?”, publiée originellement dans « Le Popilius » (souvenirs, souvenirs, je côtoyais alors Christine au sommaire...) démontre combien elle excellait dans l’étrange et l’insolite en livrant cette petite histoire d’amour où la mort serait censée protéger les amants des rigueurs du temps.
Il y a “Delta” bien sûr, chef-d’œuvre incontournable, mais j’avoue un faible pour “Les mondes intérieurs”. En effet, rarement un auteur a su mettre en scène avec autant d’ingéniosité et de poésie le concept du monde idéal, celui auquel, intérieurement, on aspire. C’est pour moi, avec la nouvelle précitée le meilleur texte de ce numéro.

“Le Minotaure” décrit lui un univers futur assez implacable, dominé par une Ville et ses séides, ou plutôt ses serviteurs. Cinq auteurs traitèrent ce thème dans « Fiction », et la copie de Christine Renard ne manque pas d’aborder certains de ses thèmes de prédilection : la féminité teintée de naïveté qui rend ses créatures d’autant plus fragiles, la rudesse et la grossièreté de l’homme enivré par ses rêves de domination.
Cette obsession pour le ressenti purement féminin de ses personnages est au cœur même de “Le drame d’une mère porteuse”. Est-ce vraiment un récit de science-fiction ? On peut en douter. C’est la dimension maternelle qui est ici traitée, avec subtilité mais aussi férocité.
“Des cheveux et des yeux” ainsi que “Amours très roses” sont deux courts récits exhumés par Jean-Pierre Andrevon au lendemain du décès de Christine Renard et publiés alors dans « Charlie mensuel ».

Ainsi s’achève ce florilège de nouvelles d’une auteure remarquable que la mort faucha en pleine ascension. Ce numéro de « Gandahar » comporte ensuite une recension d’ouvrages tant anciens que récents, livrée dans un joyeux désordre à l’attention du lecteur.


Titre : Gandahar
Numéro : 16 - Christine Renard Les œuvres oubliées
Directeur de publication : Jean-Pierre Fontana
Rédactrice en chef : Christine Brignon
Couverture : Sandrine Gestin
Type : revue
Genre : Science-fiction, fantasy, fantastique
Site Internet : l’association Gandahar ; Sa page facebook
Dépôt légal : février 2019
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 2418-2052
Dimensions (en cm) : 16 x 24
Pages : 140
Prix : 9€



Didier Reboussin
26 mars 2019


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