“Toasts” commence comme une drôle de blague pour le narrateur, spécialiste d’Edgar Poe, en visite à New York pour superviser une exposition consacré à l’auteur. En sortant d’un rendez-vous, il tombe sur un étrange hommage sur la tombe de l’écrivain. L’attitude des gens autour de lui laisse supposer une connivence. Peut-être une surprise en caméra cachée ? Sa curiosité piquée, il suit l’étrange porteur de toast qui vient de sacrifier un excellent whisky sur la terre du cimetière. Et si, couronnement de sa carrière, il rencontrait enfin cette société très secrète d’admirateurs ? Hélas pour lui... Ce sera le cas.
Excellente mise en bouche, un texte fantastique haletant, au rythme crescendo, qui ne nécessite pas de connaissances poussées sur son sujet pour être pleinement savouré.

Basculement dans de la SF post-apo avec “Manha de carnaval”, où une IA dans un char blindé traque d’éventuels survivants sur un monde dévasté et peuplé de zombies, que la musiques, à pleines baffles, semblent apaiser. Et là, pour la machine pensante et mélomane, c’est la rencontre, inespérée après tant d’années... Et un nouvel élan. Jouant sur le doute au sujet de l’humanité du narrateur, et ce qui fait notre humanité - notre capacité à éprouver des émotions face à l’art ? -, Tim Rey confronte la machine à.. autre chose, et nous émeut d’un bout à l’autre.

“Les Djinns sombres...”, vibrante référence aux univers foisonnants de Jack Vance, nous entraîne avec un chargé de mission, sur une planète où il ne voulait pas remettre les pieds. Et dès les premiers pas, rien ne se passe comme prévu, son escorte n’est peut-être pas celle qu’elle prétend, mais à la solde d’une entreprise rivale, un plan B se met en place avec l’efficacité révélatrice de échec anticipé du plan A... Tandis que nous sommes entraînés dans un tourbillon de races, d’espèces, de couleurs et de langues, un rien étourdissant, le passé du personnage se fait jour, le but de sa mission aussi - une idée astucieuse sur la création d’IA « littéraires » à partir d’esprit-muses - et le piège se referme. Ode à la création et aventure dramatiquement fatale, on y retrouve le foisonnement purement vancien, un vrai voyage dans un autre monde autant qu’au plus près de ce qui fait de nous des humains.

“Le tour du jour en 80 mondes” est encore plus vertigineux. Un navigateur et son engin, le Belemnite (maligne allusion au Nautilus) filent d’univers fabuleux en monde fantasmagorique à la recherche d’une voie, d’une sortie de ce rêve apparemment sans fin. L’auteur fusionne les deux Nemo de la littérature, le petit et le capitaine, pour une exploration hallucinante. Clairement pas mon texte préféré, rempli jusqu’à ras bord de références, leur accumulation finit par étourdir. Mais c’est le but !

Dans le style clair et la syntaxe limpide de la Comtesse de Ségur, “Sophie a fait une grosse bêtise” nous dévoile une fillette à la naïveté de façade, dissimulant une cruauté froide lorsqu’il s’agit de jouer à des jeux dangereux avec des créatures sombres... Un bijou d’humour noir.

Enfin, “L’ectoplasme disloqué” fait se croiser Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, et les membres du mouvement surréaliste, pour une affaire qui ne l’est pas moins, une séance de spiritisme qui se conclut par un meurtre. Après une brève enquête de terrain, Dickson réunira les protagonistes pour leur narrer le fruit de ses recherches et les origines rocambolesques de cette histoire dramatique, finale de mésaventures géopolitiques et romanesques.

On s’émerveille du talent incontestable de Timothée Rey qui s’empare du style et des univers de ces auteurs et n’hésite pas à les croiser avec d’autres ambiances et thèmes résolument contemporains. Il s’en dégage systématiquement une poésie, un charme sensible révélateurs de l’affection que l’auteur porte à ses prédécesseurs, qui nous donnera envie de les (re)découvrir.

Titre : Toasts et autres tributs
Auteur : Timothée Rey
Nouvelles :
 Toasts
 Manhã De Carnaval (samba canção)
 Les Djinns funèbres, fils du trépas, dans les ténèbres pressent leurs pas
 Le tour du jour en quatre-vingts mondes
 Sophie fait une grosse bêtise
 L’ectoplasme disloqué
Couverture : n/a
Éditeur : ActuSF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Format : epub, 1250 ko
Pages : 148
Dépôt légal : janvier 2017
ISBN : 9782366294019
Prix : 4,99 €