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Complainte pour ceux qui sont tombés
Gavin Chait
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 422 pages, novembre 2018, 23€

Les habitants du village nigérian d’Ewuru assistent à la chute d’un objet, à l’intérieur duquel il trouve un étrange homme, Samara. Ils le cachent, car ils savent que les miliciens viendront pour voir ce qui est tombé du ciel. Samara est l’un des Neuf, l’un des redoutables guerriers de la station orbitale d’Achenia. Abritant une intelligence cybernétique, Symon, il dispose d’une armure mimétique, d’une grande capacité de régénération, lui conférant des pouvoirs surhumains. Pourtant, il a besoin des habitants d’Ewuru pour rejoindre Achenia, car la station doit sous peu quitter l’orbite terrestre.
Il peut notamment compter sur le chef du village, Joshua, un homme d’une grande sagesse.



Dans ce XXIIe siècle, les pays de la Terre sont en miettes, les nations se déchirent, ça fait longtemps que les forces vives de la population ont abandonné la surface pour rejoindre les stations orbitales. Au fil des décennies, la situation s’est inversée et ce sont les stations qui subviennent à présent aux besoins de la Terre. Petit à petit elles s’émancipent et aspirent au départ dans l’espace.

Le Nigéria dépeint apparaît pollué, l’océan ressemble à une nappe de pétrole, les milices se disputent le pouvoir en usant de violence. Avec Ewuru, les ancêtres de Joshua ont voulu créer un havre de paix, une sorte de ville idéale dans laquelle il fait bon vivre. Entre Samara et les habitants existe un vaste fossé ; pourtant ils l’accueillent, le protègent, l’acceptant à leurs cotés comme l’un des leurs, et l’aident dans son projet de rejoindre les siens.
« Complainte pour ceux qui sont tombés » est axé autour de trois parties fort distinctes : la première du même titre que le roman montre l’arrivée de Samara et dresse le portrait d’Ewuru et des principaux protagonistes. Ewuru ressemble à un oasis où les habitants restaurent la faune et réhabilitent la nature. Dans “Un requiem pour le voyage”, le contraste avec la situation d’une ville proche n’est que plus grand. Descendre le cours d’eau revient à découvrir les ravages de la pollution, les effets du réchauffement climatique et à plonger dans la bassesse humaine avec les seigneurs locaux, avides d’étendre leur pouvoir. Quant à la dernière “Un chant pour ceux qui partent”, le progrès apparaît dans toute sa diversité : attrayant par certains côté et terrifiant par d’autres. Par sa démesure, cette partie apporte un souffle nouveau, montrant comment l’évolution a connu des fortunes diverses.

Gavin Chait a commencé « Complainte pour ceux qui sont tombés » il y a trente ans pour ne le finir qu’en 2016 ! Cette révélation finale explique les ruptures que l’on peut y trouver, cette impression d’avancer par paliers : Ewuru qui construit son destin, désireuse de rétablir une situation normale, un Nigéria vivant dans la pollution au milieu de guerres internes et les stations synonymes de ce que la science peut offrir de meilleur. Présent, passé et avenir sont au programme avec comme lien : Samara et Joshua. Si Joshua est égal à lui-même, Samara apparaît en filigrane, la personnalité de Symon prenant parfois le dessus par besoins.
Ce roman a mûri par étapes dans l’esprit de l’auteur et il n’est pas étonnant d’y trouver une telle richesse d’idées. Il est pétri d’une sagesse africaine très agréable, incarnée par Joshua obéissant à ses convictions. Chaque partie s’apparente à une rupture par rapport à la précédente, l’enrichissant par son ajout. Le déroulement va ainsi crescendo et le lecteur est loin d’imaginer au départ les développements finaux. Je me suis longtemps interrogé sur la pertinence de la couverture.
On peut presque dire que le temps diffère aussi entre la Terre et les stations en orbite, tout simplement du fait des avancées technologiques, ce qui génère une situation étonnante. Gavin Chait a voulu un happy end et personne ne lui en voudra, car chacun se sera attaché à Joshua et aux siens, ainsi qu’au tout puissant Samara, proche du super-héros. Des contes émaillent le récit et la conclusion est dans la lignée.

« Complainte pour ceux qui sont tombés » recèle une grande profondeur, ce roman développe la civilisation humaine dans ce qu’elle a de meilleur mais aussi de pire. Passé, présent et avenir s’y entrechoquent non sans dommages. Porté par la sagesse de Joshua, chef du village d’Ewuru, le récit commence doucement, puis la tension monte au fur et à mesure que la situation globale est révélée, avant d’atteindre des sommets sur un rythme effréné, pour s’achever sur une note d’espoir, la possibilité d’un futur.
Gavin Chait me semble y avoir donné ses tripes, tant l’accouchement aura été long. Il exprime en ses pages beaucoup de choses, la beauté que l’homme abrite, mais aussi ses zones d’ombres, la vision d’une Terre moribonde, la possibilité d’un nouveau départ sous forme d’émancipation...
Un premier roman brillant, remarquable par son ambition et son traitement.


Titre : Complainte pour ceux qui sont tombés
Auteur : Gavin Chait
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Henry-Luc Planchat
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 422
Format (en cm) : 14 x 20,3
Dépôt légal : novembre 2018
ISBN : 9782843449406
Prix : 23 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
19 novembre 2018


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