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Biomimétisme - Il y a du génie dans la nature !
Jean-Philippe Camborde
Quae, essai / document / beau livre 143, pages, octobre 2018, 28 €

Philippe Camborde est l’auteur de la série « Nature = futur ! », un ensemble de trente courts métrages documentaires produits en 2016. Conçus avec le soutien du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), de l’Institut National pour la Santé et la recherche Médicale (INSERM) et du Ministère de la transition écologique et solidaire, ces trente films, que l’on peut visionner sur la chaîne Universcience, abordent chacun en quelques minutes les multiples facettes du biomimétisme. Tiré de ces métrages, « Biomimétisme – il y a du génie dans la nature », offre au lecteur, en trente chapitres également, un panorama richement illustré de ce concept.



Le biomimétisme, c’est quoi ? Traduction du terme anglais « biomimicry », inventé en 1997 par Janyne M. Benyus, le biomimétisme est une approche consistant à tirer des innovations technologiques de l’étude de la nature. On s’en doute : cela avait été fait bien avant l’invention du mot, mais la démarche biomimétique se veut plus ambitieuse que celle de la simple avancée scientifique. Définie par son auteur comme une « démarche d’innovations qui fait appel au transfert et à l’adaptation de principes et de stratégies élaborés par les organismes vivants et les écosystèmes, afin de produire des biens et des services de manière durable, et rendre les sociétés humaines compatibles avec la biosphère (…) », elle ambitionne donc une approche plus économe, moins énergivore (côté écologie, qui dit mieux que les diatomées, ces algues microscopiques capables de fabriquer du verre à température ambiante ?), moins polluante, en un mot plus rationnelle. En ce domaine, il semble en effet que la nature ait beaucoup à nous apprendre.

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Diatomée, © Karl Zeizz

Nous savons tous que les bandes adhésives de velcro ont été inspirées par les crochets végétaux de la bardane, mais, pour la plupart, si nous ne lisons pas les revues scientifiques, nos connaissances en matière de biomimétisme s’arrêtent là. Nous serons donc nombreux à en apprendre beaucoup avec cet ouvrage facile d’accès et abondamment illustré, donnant de riches exemples d’un domaine qui, avec plusieurs millions d’espèces animales et végétales, renferme sans doute mille et une réponses à des problèmes que nous ne savons pas encore résoudre.

Des modèles naturels dont nous avons déjà commencé à tirer parti dans le domaine de la médecine, avec par exemple les propriétés antibactériennes des micro denticules des peaux de squales mises en application sur les dispositifs invasifs médicaux, les colles biologiques chirurgicales développées grâce à l’étude des substances adhésives des escargots et des vers, les pistes ouvertes par certaines bactéries des abysses pour la régénération de l’os et du cartilage, ou encore la mise au point de l’Ultracane pour aveugle, basée sur les principes de l’écholocation des chauve-souris.

Des capacités naturelles dont nous n’avions jusqu’à récemment que faiblement idée, et que nous commençons tout juste à utiliser dans le domaine écologique : extraction naturelle pour l’assainissement des sites industriels à l’aide de plantes concentrant les métaux, facultés dépolluantes des champignons capables de transformer les hydrocarbures en glucides, stations d’épuration naturelles reconstituant par ailleurs de véritables biotopes et plantations d’arbres capables de piéger et d’enfouir le dioxyde de carbone, bien des solutions sont déjà là, bien d’autres encore en cours d’étude et de développement.

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Éolienne Tyer Wind, cliché © Dan Pancamo

Ecologie toujours avec le développement et l’amélioration de systèmes producteurs d’énergie : propriétés hydrodynamiques des peaux de squales et de baleines, étude des configurations ondulantes des poissons, des modifications de forme des ailes d’oiseaux, du vol stationnaire des libellules et des colibris aboutissent à des concepts d’hydroliennes plus performantes, d’éoliennes plus efficaces et plus silencieuses. À la clef également, des innovations attendues dans le domaine du mouvement, notamment des drones et avions. Et, dans le registre des mouvements et des flux, on n’oubliera pas que l’étude de l’intelligence en essaim des sociétés animales (fourmis, termites, abeilles) est à l’origine d’algorithmes d’optimisation des déplacements.

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Projet Sea Ty © XTU

Avec seulement deux composants – l’air et la chitine – les ailes des papillons de type Morpho, outre leur fonction première, ont des propriétés optiques étonnantes, sont hydrophobes et sont également des auto-stabilisateurs thermiques : développements à venir, quand nous en serons capables, dans les domaines des revêtements, mais aussi des panneaux solaires et autres énergies renouvelables. Ces morphos issus des jungles vont-ils changer le visage des villes futures ? Sans doute pas à eux seuls : les aptitudes lucifères des vers luisants, comprises et industrialisées, sont d’ores et déjà testés dans le domaine de la bioluminescence pour des essais d’éclairages alternatifs urbains, le caractère météo-sensible de la pomme de pin est mise en pratique pour la conception de matériaux intelligents notamment dans le domaine de la construction, le lotus et autres végétaux hydrophobes ont inspiré des matériaux pour pare-brise, vitres autonettoyantes, et bétons hydrofuges, les élytres des coléoptères déserticoles récupérateurs d’eau sont à l’origine de structures composites hydrophobes/hydrophiles collectant l’eau pour les zones sèches, de nouveaux ciments sont inspirés par la bio minéralisation du corail, et l’on envisage déjà, voir les projets de la société XTU des façades capables, grâce à leurs algues captives, de produire de la biomasse, de consommer le dioxyde de carbone et de réguler la température des bâtiments.

De nouveaux capteurs basés sur l’extrême sensibilité des cerques de grillons, des recherches sur les toiles des araignées, aux propriétés encore inégalées à ce jour, avec des bénéfices attendus dans les domaines de la médecine reconstructrice et de la protection balistique, le projet Subcultron, déclinaison de robots bio-inspirés mise en œuvre dans la surveillance fine de la lagune de Venise viennent compléter ces exemples et donner la vision d’un éventail qui n’a sans doute pas fini de se déployer.

En trente chapitres clairs et richement illustrés, « Biomimétisme – il y a du génie dans la nature », offre donc un vaste panorama de ce que l’avenir proche nous réserve. Avec un vocabulaire clair et accessible, à la portée de tous, « Biomimétisme » apparaît donc comme un beau-livre de vulgarisation scientifique réussie : imagé, passionnant, compréhensible, il recèle également une belle note d’optimisme et montre que si la planète donne l’impression de sombrer sous les problèmes, bien des solutions sont non seulement en vue, mais même à portée de main.


Biomimétisme - Il y a du génie dans la nature !
- Auteur : Jean-Philippe Camborde
- Couverture : Gwendolin Butter
- Éditeur : Quae
- Pagination : 143 pages couleur
- Format : 24,5 x 21,5 cm
- Dépôt légal : octobre 2018
- ISBN : 9782759228911
- Prix public : 28 €



Hilaire Alrune
19 novembre 2018



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