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Dark Crystal, tome 1 : Les Ombres du Dark Crystal
J. M. Lee
Seuil Jeunesse, roman (USA), dark fantasy, avril 2018, 285 pages, 15,90€

Le monde de Thra est peuplé de Gelflings et gouverné par les Skeksès, auquel on a confié la garde du Crystal, le cœur de Thra. Naia est la fille de la matriarche du clan de Sog, la région des marais. Plutôt que succéder à sa mère au rang de guérisseuse en chef, elle aurait préféré devenir garde au palais du Crystal comme son jumeau Gurjin.
Un jour, Tavra, une guerrière du clan Vapra, le plus important, vient annoncer à la famille de Naia que Gurjin est recherché pour trahison. Naia parvient à convaincre sa mère et prend la route vers la capitale, Ha’rar, pour défendre son frère.
Mais en chemin, Naia, son père et Tavra sont attaqués par un nebrie devenu fou. La jeune Gelfling découvre une veine de Crystal, mais elle est rouge et non blanche... Poursuivant sa route seule, elle va trouver d’autres preuves que le Crystal a été corrompu, engendrant des monstres...



N’en disons pas plus. C’est déjà une préquelle, aussi quiconque a vu le (magnifique) film de Jim Henson sait ce que Naia va découvrir. Grande révélation pour les autres : les affreux Skeksès, qui gouvernent Thra (quoique ce soit un grand mot, puisque les Gelflings se passeraient sans mal de leur administration) se servent du Crystal pour un noir dessein, et le Crystal souffre, transmettant sa souffrance à toutes ses ramifications sur la planète. Et l’harmonie est brisée.

« Les Ombres du Dark Crystal » s’avère un honnête roman d’apprentissage. Naia, appelée à de grandes responsabilités, préfèrerait voir le monde. Ses ailes tardent à pousser, preuve physiologique qu’elle tarde à devenir une adulte. Ce voyage va y contribuer. Sortant pour la première fois de son marais, elle découvre d’autres clans au mode de vie totalement différent, dicté par leur environnement.
Elle réalise également qu’elle a vécu dans une bulle, et qu’ailleurs, quelque chose sous-tend le monde, qu’elle ne sait pas nommer (la politique). Que l’ordre naturel n’est pas une notion évidente. Et que la maladie du Crystal a accentué encore ces différences.
Chez les Spriton, peuple de la steppe plutôt content qu’elle ne s’éternise pas chez eux, elle est rejointe par Kylan, un jeune Gelfling féru de légende et grand conteur, mais surtout bien malhabile pour tout le reste. Pour lui aussi le voyage sera formateur. Ses parents ont été tués par le Chasseur, un monstre légendaire, et il est resté traumatisé, d’autant que les Spriton qui l’ont recueilli ne croient pas à son histoire. Il veut donc prouver qu’il dit vrai, et exorciser sa peur.
Nos deux jeunes héros vont s’épauler mutuellement, affronter ensemble les dangers de la Grande Forêt. Ils finiront par atteindre le Palais du Crystal, et dans un grand finale terrifiant, Naia va découvrir toute la vérité sur son frère et les Skeksès. Et va devoir fuir pour que les autres Gelflings de Thra sachent...

Nous, nous saurons en octobre, avec la publication de la suite, « Le Chant du Dark Crystal ».

La publication d’une préquelle à un chef-d’œuvre du genre est un exercice difficile (comme tout prequel, demandez à George Lucas...) : les enjeux sont déjà connus, les conséquences aussi... Il reste le plaisir d’y revenir, et quand les années ont passé, c’est l’occasion d’une transmission d’une génération à la suivante.
C’est sans doute dans cette optique que la fille du réalisateur, également présidente de la compagnie éponyme, a lancé un concours : the Dark Crystal Author Quest. Des 500 manuscrits reçus, il n’y eu qu’un élu : Joseph M. Lee. Faire appel aux fans de l’œuvre de son père était une bonne idée, mais il manque clairement du métier et de l’originalité à ce jeune auteur...

C’est certes un plaisir de se replonger dans l’univers fantastique de Jim Henson, et ses noms aux consonances inhabituelles. Néanmoins, cet univers très sombre mais déjà familier, grâce au film, est la seule originalité du roman, qui peine sinon à se différencier de la production fantasy jeunesse de cette dernière décennie. Lent à démarrer, la rencontre avec le nebrie corrompu n’est pas sans rappeler le sanglier Nago dans les premières minutes de « Princesse Mononoké », de Miyazaki (qui a bientôt 20 ans...) Un lecteur déjà un peu âgé (13-14 ans) n’y trouvera guère son compte, tant J.M Lee reste dans les clous et s’avère incapable de nous surprendre. Même le message écologique est trop diffus pour être remarquable. Et la trame, très banale et structurée, révèle bien trop souvent l’élève appliqué en cours de creative writing.

Inexpérience de l’auteur, cahier des charges trop lourd, manque de marges de manœuvre ? Ombre du chef-d’œuvre à honorer ? Je ne sais. « Les Ombres du Dark Crystal », premier tome d’une quadrilogie, n’a que son célèbre ancêtre pour briller. Sans lui, il n’est qu’un énième roman de fantasy jeunesse, très calibré, trop balisé, sans surprises. On peut juste espérer que maintenant que les bases sont posées, les choses prennent leur envol...

Gageons aussi que les prouesses visuelles feront oublier les faiblesses de l’intrigue : les romans semblent servir de scénario à une série prévue en 2019 sur Netflix et produite par la Jim Henson Company : « Dark Crystal : Age of Resistance »..

Les amateurs auront toutefois noté le talentueux François Roca pour la couverture des éditions françaises, plus sombres et moins racoleuses que celle de la VO...


Titre : Les Ombres du Dark Crystal (Shadows of the dark Crystal, 2016)
Série : Dark Crystal, tome 1/4
Auteur : J. M Lee d’après l’univers de Jim Henson
Traduction de l’américain (USA) : Florence Barrau et Fanny Ladd
Couverture : François Roca
Éditeur : Seuil
Collection : Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 285
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2018
ISBN : 9791023510423
Prix : 15,90 €



Nicolas Soffray
30 août 2018


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Couverture de l’édition originale américaine



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