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Monarque de la Vallée (Le)
Neil Gaiman
Au Diable Vauvert, roman (Angleterre), fantastique, 128 pages, février 2018, 23€

Ombre, errant après les événements d’« American Gods », a échoué au milieu de nulle part, en Écosse, déterminé à y trouver un oubli salvateur. Dès son premier soir à l’hôtel, il se fait accoster par un étrange médecin, Gaskell, qui le traite de monstre en guise d’entame de conversation. Le type est curieux et volubile, et ne tarde guère à proposer à Ombre un emploi louche : assurer la tranquillité d’un club de gens fortunés lors d’un week-end dans une bâtisse toute proche.

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Jennie, la serveuse éthérée, le lui déconseille à mots plus ou moins couverts. La jeune femme souffle le chaud et le froid, une attitude bien trop déconcertante pour Ombre. L’Américain ne ressent plus les frontières entre magie et réalité...
On vient chercher Ombre pour l’installer au château avec armes et bagages, comme s’il ne devait jamais revenir au village après ce job. Comme s’il ne devait jamais revenir, en fait...
Tirant les vers du nez de Smithie, le chef du service de sécurité, Ombre comprend lentement ce qui va se jouer en ces murs, un rituel millénaire, un duel entre les hommes et les monstres...



Après le succès mondial et l’avalanche de prix d’« American Gods » (pour mémoire : prix Hugo, Nebula, Bram Stoker, SFX et Locus), Neil Gaiman retrouve Ombre le temps d’un battement de cœur. L’ancien garde du corps de Voyageur erre sur la Terre, bien déterminé à ne plus rien avoir à faire avec ses ascendants. Mais le surnaturel lui colle à la peau, pour le meilleur et le pire.

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Le meilleur, c’est sans doute cette évanescente Jennie, qui lui conte la légende des hulders, des femmes des montagnes qui tombent parfois amoureuses des fermiers. Alors, elles perdent leur queue de vache et gagnent en substance...

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Le pire, outre ses cauchemars où Odin le hante encore et toujours, le harcelant d’accepter son héritage, c’est cette attraction qu’il exerce sur les mauvais hommes. Dans ses rêves il devine les penchants de Gaskell, tout comme il assemblera les morceaux de cette cérémonie secrète dont il sera la pièce maîtresse, comme d’autres pauvres bougres avant lui, recrutés pour leur force, leur évidente dangerosité et leur absence d’attaches... car quel que soit le résultat, peu probable qu’on le laisse repartir, raconter ce qu’il a vu, ce qu’il a fait, ce qu’il a affronté, entouré des nobles et des puissants du pays, battant la cadence de son cœur sur leurs tambours antiques...

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Neil Gaiman convoque les ors et les flammes d’un duel mythique, l’Homme contre le Monstre, un temps aux allures de sacré et d’impie à la fois.
Pour y parvenir, pour convoquer cette vieille magie, il prend son temps, nous faisant suivre avec Ombre les préparatifs matériels et les contingences naturelles d’un tel événement (avec une remarque sur le boudin), des conversations histoire de parler, une chanson égrillarde qui trotte dans la tête... Ombre, plus que jamais, est déconnecté de ce qui se passe, jusqu’au dernier moment. Jusqu’à savoir très exactement où il est et ce qu’il doit faire...

En une centaine de pages richement illustrée des encres de Daniel Egnéus, images tantôt envoutantes mais souvent monstrueuses, dérangeantes, effrayantes, Gaiman nous plonge dans les brumes écossaises, mystérieuses et oppressantes, propices à réveiller les souvenirs des dieux déchus. Puis il nous saisit à la nuque, non pour une rassurante accolade, mais pour nous enfoncer, lentement mais sûrement, la tête dans les eaux plus troubles que les lochs, dans la noirceur humaine, dans la haine de l’Autre, la peur des puissants de perdre ce qu’ils estiment leur dû.

Nul besoin d’avoir un souvenir très frais d’« American Gods » pour apprécier « Le Monarque de la vallée », et l’auteur laisse quelques indices pour raviver Ombre. Au Diable Vauvert réédite le roman en version illustrée, ainsi que deux novellas, « Le Dogue noir » et donc « Le Monarque de la Vallée ». Le style de Daniel Egnéus, qui reçoit ici le prix Siudmak du graphisme 2018, ne fera sans doute pas l’unanimité, entre collage, encrage, aquarelle...
D’autant que la plupart présentent des personnages difformes, monstrueux... Il faut un temps pour s’y faire, y trouver un intérêt, un talent : lorsque viennent les premières compositions, où plusieurs styles s’entremêlent, qu’enfin on voit les belles choses de l’histoire.

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L’ouvrage surprend, rebute, fascine. On en oublierait presque son prix, excessif malgré tout. Et idem pour « le Dogue noir », encore moins épais (87 pages). N’aurait-il pas été possible de rassembler les deux novellas ?

Un très beau texte, l’occasion d’un voyage d’une heure à peine, une balade dans les hautes terres, une descente aux enfers de l’âme humaine. Un univers graphique saisissant, qui fait de cette histoire un objet fascinant. On sait Neil Gaiman attaché au livre papier, et les jeux de la maquette de son texte ont dû faire ses délices. Et font les nôtres.

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Titre : Le Monarque de la vallée (the monarch of the glen, 2004)
Auteur : Neil Gaiman
Traduction de l’anglais (GB) : Michel Pagel
Couverture et illustrations : Daniel Egnéus
Éditeur : Au diable vauvert, 2017 (édition originale : Au diable vauvert, 2006)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 128 (non paginé)
Format (en cm) :
Dépôt légal : février 2018
ISBN : 9791030701630
Prix : 23 €



Nicolas Soffray
27 août 2018


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