Après le dense « Memorandum Fuller », Charles Stross balance son héros dans un week-end cauchemardesque en grande banlieue rurale. On le sent écumant de joie perverse de s’emparer de l’image de la licorne, tellement affadie et « glamourisée » par la société de consommation, pour un refaire un monstre. Et un monstre à sa sauce, c’est-à-dire capable de provoquer l’extinction de l’Homme.
On mettra donc cet exercice fort sympathique en relation avec l’excellent cru de l’anthologie des Imaginales « Trolls et Licornes »
Aidé par un gars du cru, Bob doit donc démêler un sac de nœuds, sans trop en révéler à qui n’est pas habilité, ou ne détenant pas la stabilité mentale pour encaisser la vérité. Son relais local le conduit dans un élevage spécialisé dans les chevaux de grande taille, destiné à la police montée. L’agressivité du chef de la police, à qui on veut retirer des bêtes de plus en plus difficiles à dresser (et surtout trop coûteuses à gérer par rapport à des véhicules mécaniques) n’a pas l’air claire. L’éleveuse, descendante d’une grande famille du coin, en dit moins long qu’elle n’en sait, Bob en jurerait.
Perplexe face aux méandres de la nature humaine, Bob Howard en sous-estime son adversaire et sa façon de faire : attirer des jeunes filles, vierges, pour mieux répandre sa progéniture. Lorsque les pièces du puzzle s’emboîtent, il est plus que temps de faire intervenir la cavalerie de la Laverie. S’il n’est pas trop tard.
Non, nous sommes toujours là. Et c’est de la fiction. Enfin je crois.
« Equoïde » ne fait qu’une petite centaine de pages, mais c’est un plaisir (un peu pervers) de lire une aventure, certes moins complexe et ramifiée, mais tout aussi dense. Bob n’y fait pas étalage d’autant de gadgets, mais la menace est tout aussi réelle que dans les tomes précédents (« Le Bureau des atrocités », « Jennifer Morgue », « Le Memorandum Fuller »). Stross pousse le vice à l’extrême en changeant les licornes en monstre cauchemardesque (d’ailleurs, les chevaux infernaux ne sont-ils pas appelés « cauchemars » ?) et joue à merveille des codes plus ou moins traditionnels qui lui sont associés. Le journal de Lovecraft nous montre également le Maître de Providence sous le jour peu glorieux d’un ado en pleine poussée hormonale. Enfin, le choc culturel entre les autorités rurales et la menace qui grossit en son sein n’est pas sans rappeler les scénarios chers à Edgar Wright, comme « Le dernier pub avant la fin du monde » ou « Hot Fuzz ».
Un mélange des genres très anglais, et qui réussit à Charles Stross. Les fans en redemandent, même s’ils ne semblent pas assez nombreux pour qu’un éditeur publie la suite, Albin Michel ayant jeté l’éponge après « Jennifer Morgue ». Comme pour le « Memorandun Fuller », c’est à Exoglyphes que nous devons cette traduction diffusée au format électronique pour une somme très modique (et qui donne accès à toutes leurs publications). La traduction est de bonne qualité, quelques coquilles demeurent mais rien de bien méchant ou qui gâte le plaisir.
Après « Equoïde », vous ne regarderez plus les chevaux ni les escargots de la même façon. Contre ces derniers, on conseillera un bon beurre persillé et un passage au four. Le temps de lire cette novella, couronnée du Hugo 2014. Tout de même.
Titre : Equoïde
Série : La Laverie, tome 4
Auteur : Charles Stross
Traduction de l’anglais (GB) :
Éditeur : Exogyphes
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 92
Dépôt légal : NA
ISBN : NA
Prix : € NA