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Orwell m’a tu
Bruno Pochesci
Les éditions 1115, Chronopages, nouvelle (France, 2016), anticipation sociale, premier trimestre 2018, 32 pages, 2€

En France, la démocratie n’est plus qu’un vague souvenir, un régime totalitaire d’extrême-droite l’a envoyée aux oubliettes. Retour au franc, fermeture des frontières aux personnes et aux marchandises, renvois de tous les étrangers dans leurs pays...
C’est dans cette société que Daniel Malet vit avec sa compagne Lætitia, ou plutôt Aïcha El Mounzihl d’origine kabyle. Il a fait le nécessaire pour qu’elle passe à travers les mailles d’un filet toujours plus resserré autour des étrangers, mais il faut une attention de tous les instants pour ne pas se trahir et risquer l’expulsion manu militari.



Bruno Pochesci dresse le tableau d’une France aux mains de l’extrême-droite et qui s’est refermée sur elle-même. Tout ce qui n’est pas français n’a plus le droit d’être sur son territoire. Que ce soit les êtres humains, les alcools tels le whisky ou la Vodka, les expressions anglophones... Faute de moyens, les infrastructures tombent en miettes, le plein emploi est soit-disant de retour, mais les salaires ne sont pas mirobolants et permettent juste de se payer l’essentiel.
Heureusement pour Daniel, il partage son existence avec la délicieuse Aïcha. Quand la Renaissance Nationale a débuté, il a compris le danger et a pris les devants pour la protéger. Cependant, chaque journée s’apparente à une lutte pour continuer cette idylle.

L’auteur extrapole à partir du programme de l’extrême-droite stigmatisant les étrangers, les désignant comme source de tous les maux. Il fait aussi le parallèle avec le régime de Vichy durant la Guerre 39-45. Il insiste d’ailleurs sur ce point en nommant alternativement ses chapitres suivant les devises « Liberté, Égalité, Fraternité », bien dévoyée dans « Orwell m’a tu » et « Travail, Famille, Patrie », chère à Pétain.
Le personnage principal trouve en sa compagne la force de poursuivre, il est inquiet de la situation générale, mais ses pensées reviennent sans cesse à Aïcha. C’est ainsi que le propos oscille entre tableau de la société et préoccupations immédiates de Daniel.
Dans ce contexte, chaque individu se transforme en menace, en collaborateur en puissance.
L’histoire fait froid dans le dos, elle projette les lecteurs dans un avenir effrayant et détestable, mais qui trouve ses racines dans notre présent, tout en les revoyant dans un passé qui a existé, ce qui ne lui donne que plus de force.

Le style de Bruno Pochesci convient très bien à un tel récit. Dans un contexte grave, il n’hésite pas à insuffler de l’humour pour d’un côté se moquer des conséquences d’un tel programme et de l’autre, rappeler que la vie est précieuse et mérite d’être vécue. En effet, Daniel et Aïcha s’aiment et sont prêts à tous les sacrifices pour ne pas être séparés. La conclusion d’« Orwell m’a tu » est inéluctable, hélas logique de par le contexte.

Cette nouvelle a remporté le Prix Vision du Futur 2016, ce qui est mérité au vu de son engagement et d’une écriture faisant des merveilles. Publiée une première fois dans le numéro 42 d’« AOC », Didier Reboussin en disait déjà le plus grand bien.
Les Éditions Mille Cent Quinze, se désignant sous la belle formule Agence de voyages littéraires, remet à l’honneur ce texte très fort dans sa collection Chronopages, consacrée aux “... texte courts et incisifs, ancrés dans l’Imaginaire. Une occasion rêvée de découvrir des auteurs français, à la fois téméraires et décalés, le temps d’un voyage. 2€ la demi-heure de plaisir...”.
Voilà une initiative intéressante et louable, dans laquelle l’excellent « Orwell m’a tu » a tout à fait sa place.

La photo de couverture avec cette boîte de conserve peinte aux couleurs bleu, blanc, rouge et contenant des topinambours est particulièrement bien vue. Elle donne d’entrée le ton.


Titre : Orwell m’a tu
Auteur : Bruno Pochesci
Photo de couverture : 2018 © Victor Yale
Éditeur : Les éditions 1115 (1ère parution : « AOC 42 », 2016)
Collection : Chronopages
Site Internet : page nouvelle (site éditeur)
Pages : 32
Format (en cm) : 11 x 15
Dépôt légal : 1er trimestre 2018
ISBN : 9791097100087
Prix : 2 €


Bruno Pochesci sur la Yozone :

- « Hammour »
- un entretien avec l’auteur

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
29 juin 2018


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