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Irezumi
Akimitsu Takagi
Gallimard, Folio Policier, n°855, roman traduit du japonais, policier, 336 pages, avril 2018, 7,80€

Dans le Tokyo de 1947, Kenzô Matsushita tombe sous le charme de Kinué Nomura à la première rencontre. Cette jeune femme à la forte personnalité arbore un irezumi, un tatouage intégral du buste, un orochimaru qui fait l’envie du Dr Hayakawa, grand collectionneur de tatouages. De nombreux hommes sont fascinés par Kinué qui est avec un Yakuza, mais ne donne pas moins rendez-vous à des prétendants.
C’est ainsi qu’en se rendant chez elle, Kenzô découvre avec horreur la tête et les membres de la belle dans la salle de bain fermée de l’intérieur. Qui a commis ce meurtre atroce et dérobé le tronc tatoué ? Et surtout comment ?
Entre l’amant de Kinué, le frère de celui-ci, l’amoureux éperdu et le collectionneur de tatouages, le frère de Kenzô, inspecteur en chef de la police de Tokyo, ne manque pas de suspects. Plutôt que d’apporter des réponses, l’apparent suicide du principal suspect plonge la police dans l’incertitude totale.
Il faudra l’aide d’un jeune homme plein de ressources de retour d’un camp d’internement pour mettre toute la lumière sur cette sombre affaire.



La couverture s’avère particulièrement bien vue, elle illustre ce qu’est un irezumi. Toutefois, d’après les descriptions, on est loin de l’Orochimaru de Kinué que son père Horiyasu lui a tatoué. D’ailleurs toute la fratrie possède son tatouage, le frères et les deux sœurs forment une sorte d’effrayante trinité illustrant le proverbe : « Le serpent engloutit la grenouille, la grenouille gobe la limace, et la limace dissout le serpent... ». Le célèbre tatoueur ne pouvait ignorer la malédiction qu’il faisait ainsi peser sur ses enfants.

Ce roman se déroule dans l’immédiate après-guerre à Tokyo. Le fait qu’il ait été écrit dans ces années apporte d’autant plus de cachet à l’ensemble. Akimitsu Takagi s’est inspiré de son présent, ce qui se ressent à la lecture. La guerre semble déjà loin, alors qu’il n’en est rien. La vie a repris ses droits et l’auteur décrit ce retour à la normale, tout en déroulant une intrigue habilement ficelée.
Le milieu du tatouage se révèle aussi instructif que fascinant. Les gens de la haute société ne s’y risqueraient pas, car c’est un signe de basse extraction, voire de mauvaise condition. C’est une activité de l’ombre et les tatoueurs, aussi bien que les tatoués, se cachent. Le lecteur apprend la motivation qu’il faut pour s’en faire un, un Irezumi représente des mois de souffrances pour se revêtir d’une telle œuvre. Il apprend aussi un peu la symbolique liée à cet art. « Irezumi » baigne tout du long autour de ce thème qui n’est pas banal, ce qui le rend particulièrement prenant.

Rapidement, les enquêteurs sont placés face à un meurtre en chambre close, le fait que le buste, donc que l’Orochimaru a disparu ne le rend que plus mystérieux. Même si Kenzô n’est pas de la police, en tant que frère de l’inspecteur en charge de l’affaire et étudiant en médecine, il participe de près à l’enquête. Il est d’autant plus motivé qu’il avait le béguin pour Kinué. Les mois passent et personne ne trouve de solution à l’énigme du tronc manquant.
Les retrouvailles entre Kenzô et Kyôsuke Kamizu, le « Génie » comme il était décrit à l’université, permet enfin à l’enquête d’avancer. Surtout ne pas se fier aux apparences, voilà le maître mot !
Tel de nombreux détectives célèbres, Kyôsuke remet tout en situation et dénoue les fils des événements de façon imparable. La mécanique est très bien huilée.

« Irezumi » transporte littéralement les lecteurs dans la ville de Tokyo de l’immédiate après-guerre. Le contexte, c’est-à-dire la période et le milieu du tatouage, est très bien rendu, donnant un fond fascinant au roman. Le polar imaginé par Akimistu Takagi s’avère diabolique et propre à perdre tout un chacun cherchant à comprendre sa logique et à trouver le coupable en se fondant sur les éléments à sa disposition.
Dépaysant, intéressant, addictif, « Irezumi » qui ne manque pas de qualités aura mis presque 70 ans à arriver chez nous et on ne peut que s’en réjouir.
À découvrir !


Titre : Irezumi (Shisei Satsujin Jiken, 1951)
Auteur : Akimitsu Takagi
Traduction du japonais : Mathilde Tamae-Bouhon
Couverture : Photo © Michael Dunning / Getty Images (détail).
Éditeur : Gallimard (1ère édition française : Denoël Sueurs Froides, 2016)
Collection : Folio Policier
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 336
Format (en cm) : 10,9 x 17,8
Dépôt légal : avril 2018
ISBN : 9782072782640
Prix : 7,80 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 mai 2018


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