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Jolies Ténèbres
Fabien Vehlmann et Kerascoët
Dupuis

Alors qu’Aurore prend le thé avec son amoureux, le plafond se met à dégouliner, avant de s’affaisser. Vite, il faut fuir, sortir, quitter cette demeure qui perd toute consistance.
Les rescapés qui ont pu évacuer le corps de la fille morte se retrouvent sous la pluie.
Il leur faut à présent subvenir à leurs besoins, ne plus être dépendants de leur hôte, s’organiser pour un nouveau départ dans la vie.
Aurore se démène pour trouver de la nourriture et mettre chacun à l’aise, alors que d’autres profitent de la situation.



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Le début ne présage en rien de la suite, car le lecteur pense être face à un jeu innocent entre enfants. L’insolite survient, la fuite se fait la nuit dans des teintes bleutées, sans que l’on puisse appréhender la situation. Le choc n’en est que plus grand quand on comprend : ils vivaient tels des parasites dans le corps d’une fillette. Celle-ci est couchée dans la forêt, morte.

Le lendemain, le soleil brille, la nature verdoyante accueille tout ce petit peuple humanoïde. Il reste auprès du corps qui dépérit, pourrit, est rongé par les larves dans une nuée de mouches. Contrairement aux lecteurs, aucun sentiment de dégoût.
Aurore se dépense sans compter pour les autres qui vivent dans une certaine insouciance, fait amie avec les animaux sans aucun soutien de ses comparses qui n’ont aucune conscience de leurs actes. Alors qu’elle s’est mise au service de la communauté, qu’elle fait preuve d’une gentillesse à toute épreuve, d’autres pensent juste à asseoir leur pouvoir, leur emprise sur leur cour d’admirateurs. C’est cruel, à l’image de notre société, finement mise en scène ici avec une exagération pour mieux servir le propos. Les événements graves se succèdent dans le sourire des personnages, tels des enfants inconscients du bien et du mal

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L’histoire remue les lecteurs qui ne savent finalement que penser avec le point de départ incongru. Et ce d’autant que le dessin apporte un côté enfantin avec des bouilles rondes, infantiles, alors que le temps de l’innocence est passé. Les interprétations sont multiples et, en premier lieu, ce microcosme s’apparente à notre société vivant au crochet d’une planète qu’elle détruit par son mode de vie. Il faut réagir, ne pas accepter que les choses s’enveniment, mais l’inertie est telle qu’à l’image d’Aurore, il est plus facile d’abandonner que de continuer à se battre contre des moulins à vent.
Le dessin du duo Marie Pommepuy et Sébastien Cosset (Kerascoët) est tout à fait dans le propos, il dédramatise la gravité du récit en le rendant moins horrible grâce à la distanciation apportée par un graphisme faisant penser à une œuvre pour un jeune public, alors que ce n’est pas du tout le cas. Ce serait plus réaliste que l’ensemble ne fonctionnerait pas.

À bien y regarder, le titre s’avère déjà révélateur : “Jolies Ténèbres”. Les ténèbres ramènent au noir, au sombre qui nous prive du sens de la vue et laisse notre imagination nous suggérer le pire. Y adjoindre l’adjectif « jolies » interpelle pour le moins.
L’association Fabien Velhmann - Kerascoët nous offre une bande dessinée adulte et grave, trompeuse par son dessin si l’on ne plonge pas dans les détails.

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Une première fois publiée en 2009 chez Dupuis, l’album “Jolies Ténèbres” est ici réédité dans la collection Aire Libre, toujours chez Dupuis, et dans une très belle livrée.
Voilà une bande dessinée qui ne laisse pas indifférent, qui sait interpeller le public par son histoire incroyable et si humaine, associée à un dessin tout en rondeur. Sous de faux airs bon enfant, cette BD aux allures de fable décrit la société humaine et ses travers, forçant le trait pour mieux faire réagir.

Impossible de la fermer sans ressentir un sentiment de malaise. La fillette morte n’a pas fini de nous hanter...


Jolies Ténèbres
- Scénario : Fabien Vehlmann
- Dessin & couleurs : Kerascoët
- Éditeur : Dupuis
- Collection : Aire Libre
- Dépôt légal : 17 novembre 2017
- Format : 23,7 x 31 cm
- Pagination : 112 pages couleurs
- Numéro ISBN : 9782800174587
- Prix public : 24 €


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Illustrations © Kerascoët et Éditions Dupuis (2017)



François Schnebelen
23 février 2018




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