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Porte (La)
Inoue Daisuke
Éditions Philippe Picquier

Nonaka Sôsuke vit avec O-Yone dans une maison en location. Sôsuke ne fait montre d’aucune ambition, il semble détaché des éléments, absent, repoussant sans cesse au lendemain ce qui devrait déjà être fait. Sur une proposition de O-Yone, Koroku, le petit frère de Sôsuke, vient vivre avec eux, car les temps sont difficiles financièrement depuis la mort de leurs parents. Ces derniers étaient pourtant aisés, mais l’héritage est faible.
Un événement du passé mine le couple, Sôsuke au premier chef. Il ne peut oublier et vivote au jour le jour, comme s’il se punissait.



Ce manga est l’adaptation d’un roman de Natsume Sôseki (1867-1916), un grand écrivain de l’ère Meiji. Ne cherchez pas de grands effets dans “La porte”, ni des révélations fracassantes, tout est dans la retenue. Pour commencer, Nonaka Sôsuke est un personnage bien plat, au caractère mollasson, acceptant tout par fatalité. L’héritage de ses parents est englouti par l’avidité d’un oncle, sans qu’il réagisse. C’est comme ça et voilà ! O-Yone semble bien plus courageuse, elle l’accepte tel qu’il est, vit à ses côtés sans se plaindre, sans lui rappeler ses responsabilités. En tant que lecteur, l’envie de le secouer nous taraude.

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Le poids du secret qu’ils partagent doit être bien lourd à porter pour qu’ils vivent de la sorte. Quand il nous est révélé, il apparaît bien anodin au jour d’aujourd’hui. Remis dans son contexte, au Japon, sûrement début XXe siècle si l’on se réfère à l’écriture du roman, c’était sûrement bien plus grave, mais là, cela étonne. De même, la plupart des passages sensés générer des émotions, comme la maladie d’O-Yone, accouchent d’une souris au lieu de l’éléphant attendu.
Quand Sôsuke réagit enfin, - en prenant la fuite !- pour se rendre dans un monastère, espérant, à défaut de réponses, y trouver la sérénité, il ne se passe quasi rien.
Il est clair que “La porte” est le reflet d’un temps passé, d’une culture bien différente de la nôtre et pas toujours facile à cerner. Il en résulte des personnages sans grand relief, gardant leurs sentiments cachés mais par ce geste manquant de piment pour le lecteur.

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D’une certaine façon, le mangaka Inoue Daisuke l’a compris, forçant même le trait avec de fréquentes cases mettant en scène un chat ou des oiseaux. L’environnement du couple est mis en scène, il est intégré à l’histoire, à l’image de leur location sous une falaise surmontée de la maison de leur propriétaire. Ils vivent dans l’ombre, aussi bien au sens propre qu’au sens figuré. Le passé leur a coupé les ailes et ils ont perdu cette liberté, cette insouciance des oiseaux ou du chat. C’est très bien vu et plaisant à retrouver au détour des pages.

“La porte” peut laisser sur un sentiment de faim, celle de ne pas en avoir eu assez. À l’annonce d’un drame, sans imaginer le pire, le lecteur s’attend tout de même à ce que les protagonistes soient malmenés, à ce que cela les pousse à réagir, ce qui n’est pas le cas ici. Dans le présent manga, il faut dépasser les apparences, car tout est dans la retenue, en non-dits. La détresse ne se lit pas sur les visages, les sentiments restent à l’intérieur, laissant une carapace lisse. Comprendre Sôsuke n’est pas facile et demande à prendre le temps d’observer les oiseaux.

Il ne faut pas être pressé, apprendre à mieux connaître l’autre pour tenter d’appréhender la situation. Comme quoi, il y a toujours une leçon à tirer de ses lectures.


La porte
- Scénario et dessin : Inoue Daisuke
- Adaptation d’un roman de  : Natsume Sôseki
- Traducteur  : Patrick Honnoré
- Éditeur français : Éditions Philippe Picquier
- Format : 150 x 220, noir et blanc - sens de lecture original
- Pagination  : 224 pages
- Date de parution : 1er février 2018
- Numéro IBSN : 9782809712759
- Prix : 15,50 €


Mon © Inoue Daisuke / Home Sha, 2010
© Éditions Philippe Picquier pour la traduction française - Tous droits réservés



François Schnebelen
11 février 2018




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