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Dragon déchu
Peter F. Hamilton
Milady, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), Science-Fiction, 856 pages, octobre 20107 9,90€

Énorme space-opera et planet-opera, « Dragon déchu » n’en finit pas de séduire. Après quatre éditions en grand format (Bragelonne 2003, 2012, 2009 et 2015) et deux éditions au Livre de Poche (2005, 2008), le voici dans une nouvelle édition chez Milady. Alors même que le lectorat, dit-on, se détourne de plus en plus du genre, cet épais roman continue et continuera sans doute longtemps à trouver des lecteurs.



Un milieu du vingt-quatrième siècle, sur la planète Amethi, un adolescent du nom de Lawrence Newton a déjà sa voie toute tracée. Fils de l’administrateur principal de la planète, en cours de terraformation, il voit s’ouvrir devant lui un avenir riche et passionnant. Mais il n’en a que pour l’espace, ce qui ne tombe pas au mieux : l’exploration des mondes lointains et l’établissement de nouvelles colonies appartiennent déjà au passé. Un fiasco économique, un jeu qui n’en vaut pas la chandelle. Il s’obstine, s’enfuit, abandonne derrière lui nom et richesse, et s’engage dans ce qui reste de flotte spatiale.

Ses rêves de gloire se heurtent vite au principe de réalité. Les multinationales qui disposent encore de vaisseaux spatiaux – sans doute la dernière génération – ne les utilisent plus que dans un but économique, au sens le plus sec du terme : le pillage pur et simple des colonies qu’elles ont autrefois créées. Lawrence Newton se bat pour grimper dans la hiérarchie, mais, simple perdant, il n’ira pas plus loin qu’au-delà de sa condition de sergent. De là à méditer, alors qu’il est stationné sur terre, dans le Queensland, un coup illégal et très personnel, il n’y a qu’un pas qu’il s’empresse de franchir. Un coup fumant, hasardeux, vénal, qui va le ramener à son corps défendant vers ses rêves d’exploration, d’universalité, et de gloire.

Le roman progresse sur deux trames temporelle distinctes. La première permet au lecteur de suivre les aventures de Newton à partir du moment où, depuis le Queensland, il s’embarque vers la planète Thallspring, colonie sur laquelle il s’est déjà rendue quelques années auparavant, et le seconde qui débute tout juste vingt ans plut tôt, alors que Newton était encore adolescent. Une manière pour l’auteur d’expliquer la manière dont s’est construit, au fil de ses chances et de ses malchances, un personnage complexe et finalement très humain.

On connait l’habileté dont fait preuve Peter F. Hamilton pour nourrir ses intrigues avec des éléments de genres divers : du space-opéra, du planet-opera, du thriller, de l’investigation policière, de l’action militaire, du complot, de la résistance, des combats spatiaux, des structures interstellaires gigantesques, des biotransformations, du cyberpunk. Sans compter les légendes éducatives narrées par une institutrice aux enfants – mais ces histoires parallèles sont-elles véritablement parallèles ? – ainsi qu’un aspect de roman initiatique et une pointe de romance. Fusion de genres, mais tous intégrés dans un grand roman d’aventures, un roman foisonnant dans lequel tous ces ingrédients viennent s’emboîter de manière homogène.

Si l’on a, à l’évidence, avec « Dragon déchu », un roman feuilletonesque et populaire, la multiplicité des thèmes abordés et la manière dont Peter F. Hamilton met ses thématiques en valeur – le plus souvent à travers ses dialogues, sans jamais prendre parti, et en incitant le lecteur à réfléchir par lui-même – en fait une lecture intéressante à plus d’un titre. Ainsi, outre une critique des colonialismes particulièrement grinçante (les multinationales réduites à piller leurs propres comptoirs spatiaux), on trouvera dans « Dragon déchu  » une vaste réflexion sur les sociétés et leur évolution, sur leurs tabous (on pille et on tue éventuellement mais on n’acceptera jamais de manger de la viande), leurs modèles alternatifs et autres utopies, sur les morales sociologiques (actionnariat universel et expansion versus « on ne bouge pas tant qu’on n’a pas totalement éliminé la pauvreté »), sur les enjeux écologiques (les terraformations étant considérées par certains comme des écocides), sur les techniques d’amélioration de la race humaine à l’orée du post-humanisme, ou plus exactement de post-humanismes distincts (nano applications et autres bio-ingénieries, les colons de Santa Chico devenant, à leur manière, de véritables extra-terrestres, mis en scène à l’occasion d’aventures évoquant à la fois le « Deathworld  » d’Harry Harrison et apparaissant comme un précurseur de l’ « Avatar » de James Cameron), mais aussi toute la gamme des réactions possibles face à l’accélération subite de la connaissance (refus, réticences, profits, diabolisations, etc.). On le voit : ce n’est pas seulement Denise, animatrice scolaire et fleuron de la résistance à l’envahisseur sur le planète Thallspring, qui, avec les aventures du prince Mozark, éveille les plus petits au monde extérieur, mais c’est aussi Peter F. Hamilton qui à, l’occasion de ses aventures spatiales, nous éveille à ce qui se passe sous nos yeux en ce moment même.

L’épaisseur du volume, qui dans cette édition de poche dépasse les neuf-cent cinquante pages, pourra surprendre ceux qui ne connaissent pas encore Peter F. Hamilton. Ceux qui au contraire le suivent depuis des débuts considéreront au contraire « Dragon déchu  » comme assez modeste. En effet, ceux-là savent que l’auteur considère son cycle précédent, « L’Aube de la nuit  », non pas comme une série de volumes mais comme un seul et unique roman (plus de trois mille sept cents pages en grand format chez Robert Laffont, plus de cinq mille en poche aux éditions Pocket) et que son cycle suivant, la tétralogie de Pandore, totalisera près de trois mille pages. Là est l’art de Peter F. Hamilton, qui ne se laisse jamais aller à tirer ostensiblement à la ligne, mais au contraire invente, brasse, mélange, crée des romans denses et profus, échafaude des mondes et des univers dans lesquels, sans jamais s’ennuyer, on suivra des personnages aux existences trépidantes et aux destins d’une envergure inattendue.

Titre : Dragon déchu (Fallen Dragon, 2001)
Auteur : Peter F. Hamilton
Couverture : Fred Augis
Éditeur : Milady
Traducteur : Nenad Savic
Éditeur : Milady ] (édition originale : Bragelonne, 2003)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 956
Format (en cm) : 18 x 11
Dépôt légal : octobre 2017
ISBN : 9782811234690
Prix : 9,90 €



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Hilaire Alrune
23 novembre 2017


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