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Regard (Le)
Ken Liu
Le Bélial’, Une Heure-Lumière, n°9, court roman traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 96 pages, Juin 2017, 8,90€

Ruth Law est une investigatrice de bonne réputation. Des confrères lui ont envoyé la mère d’une jeune femme assassinée et énucléée. Malgré bien des hésitations, ses finances au plus bas poussent Ruth à accepter le contrat. Elle sait que se plonger dans cette enquête revient à revivre un passé douloureux.
Toutefois, elle n’est pas désarmée, car elle possède de nombreuses augmentations, dont un Régulateur bridant ses émotions. Pour l’occasion, ses ajouts illégaux sont poussés au maximum et fatalement, son corps doit en payer le prix.



Ce roman relève du policier science-fictif. D’un côté, il y a l’enquête autour du meurtre ; de l’autre, les améliorations de Ruth qui changent sa vie de tous les jours.
Dans le premier cas, Ken Liu n’entretient aucun mystère, débutant « Le regard » par le crime motivant le recrutement de la détective. Là où Ruth peine à comprendre les motivations de l’assassin, les lecteurs ne se posent pas de questions, car la raison leur en est d’emblée livrée. Une fois qu’elle a compris pourquoi il a énucléé sa victime, tout va alors très vite.
Le côté polar n’est pas le secteur que Ken Liu a privilégié dans cette novella. Elle ne sert que de prétexte à la mise en scène de Ruth Law, véritable centre d’intérêt.

Ruth a subi des augmentations en partie illégales. Elle était dans la police jusqu’à ce qu’un drame personnel la frappe. Elle n’a alors pas su faire confiance au Régulateur qui aurait pu éliminer toutes les émotions parasites, l’empêchant peut-être de faire le bon choix. Depuis, elle a quitté ses fonctions, s’est établie en tant que détective privée et subit l’influence du Régulateur au-delà de ce qui est préconisé. Elle ne veut plus penser au passé, se détacher de cette tristesse ancrée au fond d’elle et qui ne la quitte pas, mais qu’elle peut mettre en sourdine.
Son histoire est livrée petit à petit et le point d’orgue se situe en conclusion. Elle se retrouve à nouveau face à un choix cornélien, renouant avec ce passé douloureux. Peut-elle le réécrire ? Atténuer sa souffrance ?

La psychologie du personnage est étudiée, et celle de l’assassin aussi. Ken Liu met ainsi en scène deux êtres aux antipodes. Ruth apparaît fragile et forte à la fois, alors que le meurtrier est certain de sa supériorité, ne doutant pas de la légitimité de ses actions. Ruth est en partie d’origine chinoise, une référence de l’auteur à sa patrie natale.
« Le regard » se lit d’une traite avec l’impression que le format est trop court, que tout est un peu trop rapide. Une fois l’élément clé trouvé, la fin en découle de suite. La technologie sert ici d’habillage pour pimenter l’enquête et illustrer la mainmise des sentiments sur l’individu. Doivent-ils servir à devenir plus fort ou représentent-ils un frein à l’épanouissement personnel ? Les augmentations extrêmes s’avèrent dangereuses pour la santé, mais aussi par ce qu’elles permettent et qui motivent en partie le coupable du roman. La technologie, oui... mais à quel prix ?

Avec Ken Liu, rien n’est gratuit, il y a toujours une réflexion sous-jacente pour le lecteur. Ce dernier ne peut poser le bouquin et passer à autre chose, sans penser à certains aspects de ce qu’il vient de lire.
« Le regard » est court, peut-être trop, mais il se révèle passionnant, efficace dans son déroulement et fait mouche par son propos. L’enquête est rapide, servant surtout de prétexte à mettre l’accent sur les personnages.

Il est à noter que Ken Liu est le premier auteur à figurer deux fois au catalogue de la collection Une Heure-Lumière, dont les deux prochains titres sont annoncés pour août 2017. Un rendez-vous à ne pas manquer !


Titre : Le regard (The Regular, 2014)
Auteur : Ken Liu
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Pierre-Paul Durastanti
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 9
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 96
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : juin 2017
ISBN : 978-2-84344-922-2
Prix : 8,90 €


Autres ouvrages de Ken Liu chroniqués sur la Yozone :
- « La ménagerie de papier »
- « L’homme qui mit fin à l’histoire »

Autres titres de la collection
- 1. « Dragon » de Thomas Day
- 2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
- 3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
- 4. « Le choix » de Paul J. McAuley
- 5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
- 6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
- 7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
- 8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod


Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
29 juin 2017


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