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Galaxies n°47 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°47, SF - nouvelles - articles - critiques, mai 2017, 192 pages, 11€

Même si l’accent est mis en couverture sur les légendes du Prêtre Jean et de la Chasse-Galerie, ce « Galaxies » / « Mercury » offre bien plus de choses, et surtout de nombreuses nouvelles au sommaire. Jean-Pierre Fontana, le rédacteur en chef délégué pour ce numéro, présente en 4 pages la légende du Prêtre Jean, puis recense un ensemble de médias (documents, romans, jeux, BD, film) s’y rapportant, avant “Le fabuleux royaume du Prêtre Jean”, un texte signé Danny Mienski. Bien sûr, l’auteur exploite toutes les interrogations levées par la localisation de cet hypothétique royaume à travers une sorte de quête dans un passé parallèle au nôtre.
En-dehors du cadre assez original, l’ensemble manque de piment, car les événements s’avèrent somme toute logiques et ne parviennent pas vraiment à passionner, notamment du fait du trop grand nombre de personnages qui dilue le propos.



Qui dit « Mercury », dit chroniques cinéma et aussi “L’écran du souvenir”. Cette rubrique traite du film canadien « Chasse-Galerie », sorti en 2016. C’est l’occasion d’évoquer cette légende qui possède deux formes différentes suivant les régions. Dans le traitement, cet article s’apparente au mini-dossier précédent, mais j’ai trouvé l’ensemble plus intéressant, car ressortant plus de nos genres de prédilections et bien moins connu.
Du côté du rédactionnel, Franck Zaïtchick Jammes (mal orthographié dans le sommaire) a réalisé un bon article sur le comic « Tokyo Storm Warning », entamé avec un bref exposé sur les mechas, afin de présenter la problématique.
Notons que suite à un loupé dans la revue, il a fallu imprimer les cotes d’amour des films cités sur un petit bout de papier volant.

Le nom de Bruno Pochesci figure deux fois dans les fictions, une fois en tant que traducteur et une seconde fois en tant qu’auteur. Il a traduit de l’italien “Amalgame” d’Ivo Torello, une nouvelle de bizarro fortement teintée d’horreur et présentant une maladie pour le moins horrible, poussant les corps à fusionner. Administrer le remède ne s’avère pas de tout repos. C’est exagéré, non plausible, mais c’est ce qui en fait l’attrait et tout le charme. Une belle trouvaille dans un genre pas assez publié.
Pour “Les couche-tard”, Bruno Pochesci se révèle bien plus sage. En octobre 1940, trois hommes et une femme veulent prendre un dernier verre dans un bar. Le patron enverrait bien balader ces « Ritals » comme il dit ; heureusement que le jeune serveur est plus accueillant et s’occupe deux. L’intérêt réside dans les multiples références que le lecteur saisira plus ou moins vite selon sa culture. Un registre inattendu de la part de l’auteur, mais qu’il maîtrise très bien.

L’héroïne de Didier de Vaujany oscille entre rêve et réalité. Pendant son sommeil, Aurore incarne une belle et fière Elfe-Amazone dans une cité flirtant avec la fantasy mais aussi avec la technologie de pointe, alors que dans la vie de tous les jours, elle n’est qu’une obscure employée dans une grande société new-yorkaise. Au fur et à mesure des nuits, elle s’enhardit et se transforme en cambrioleuse de haut-vol quand elle comprend qu’elle peut ramener ses prises. Mais tout a un prix... Le récit s’avère très prenant, notamment par la dichotomie entre le jour et la nuit. Alors que l’auteur avait trouvé une belle fin, il est dommage qu’il ait cru bon d’en rajouter alors que cela ne se justifiait pas. C’est le péché mignon de beaucoup qui veulent en faire trop. Malgré ce constat, « Aurore » fait bonne impression par son dynamisme et son inventivité.

Cindy Van Wilder revisite le mythe de l’arche de Noé. Ce ne sont pas les eaux qui sont montées et ont tout noyé, mais de la brume. Seuls y ont survécu ceux en haute altitude ou à bord d’embarcations, comme ce gondolier devenu passeur entre les sommets encore accessibles et transformés en sanctuaires. Une passagère lui redonne goût à la vie. “Terre de brume” est surtout intéressante par sa toile de fond, plus que par le déroulement plutôt monotone et à la fin assez fleur bleue.
“Le service des affaires classées” revient sur “La route en rond” de Christian Jordan, la seule nouvelle publiée par l’auteur. Jean-Pierre Fontana explique ce choix par une anecdote plaisante.
Des hommes et des femmes semblent condamnés à marcher sur une route surplombant les nuées, ce qui n’est pas sans lien avec le texte précédent. Régulièrement des abris permettent aux voyageurs de dormir en sécurité et de manger. Herv se pose bien des questions sur cette déambulation sans fin, car la route est circulaire et les tours que chacun en fait indiquent un peu son âge. Pourquoi ? Dans quel but ? Que se passe-t-il les nuits quand les nuées envahissent la route ? La nourriture ne vient-elle pas à se raréfier ?
Le contexte ne cesse d’interpeller les lecteurs et leur donne envie de poursuivre la route aux côtés de Herv et de sa compagne. Datant de 1975, “La route en rond” n’a rien perdu de sa pertinence et sa conclusion ne manque pas de relancer le questionnement.

Il est interdit de se rendre sur la Lune, car elle abrite une maladie mystérieuse et mortelle. Au fil des ans puis des décennies, plus personne ne s’intéresse à l’astre orbitant autour de la Terre, alors que tout le système solaire est à la portée d’astronefs individuels. L’argument de départ est incroyable, la raison l’est tout autant. “La lune factice” daterait de l’époque des pulps que ce texte serait dans son élément. Quel était vraiment le but de Céline Maltère ? Peut-être de parler de mystifications, de théories du complot et de mettre en avant la lune qui accompagne nos nuits, reflétant la lumière du soleil pour les éclairer. En tout cas, un texte sortant des sentiers battus et qui en déroutera beaucoup.

“Aujourd’hui, je suis Paul” ; demain, peut-être Susan et le surlendemain, Henry. L’androïde de soins médicaux use de toutes ses possibilités pour agrémenter les derniers jours de Mildred. Ses algorithmes sophistiqués lui permettent de détecter les besoins de Mildred, ses envies du jour, ses habitudes... Il occupe une place particulière au sein de la famille. Comme le récit est raconté à la première personne, le lecteur suit la manière de penser du robot qui se révèle bien plus humain que beaucoup de personnes. De plus, il dépasse sa condition, éprouvant un semblant d’émotions. Cette nouvelle de Martin Shoemaker œuvre dans la sensibilité et aussi dans la subtilité. L’émotion y est omniprésente et n’est pas sans faire réfléchir tout un chacun. Touchant !

“Montre-nous ton pouvoir” de Pierre Bameul était déjà parue dans une version électronique de « Galaxies ». Lui rendre justice en la couchant sur papier est une très bonne idée au vu de son intérêt. L’auteur nous plonge au temps de la guerre de 1870 en s’attachant au Cuirassier Gosselin qui s’est tiré d’une charge mortelle par miracle. Les soignants prussiens qui l’ont recueilli sur le champs de bataille ne comprennent pas comment il peut se rétablir aussi vite. Des hauts gradés en soupçonnent la raison et recrutent Gosselin pour un complot.
“Montre-nous ton pouvoir” se révèle passionnante, elle se raccroche à de nombreux genres : récit de guerre, fantastique, uchronie... Le mélange est très bien maîtrisé et très intrigant. Pierre Bameul fait forte impression avec son imaginaire inspiré de l’Histoire. Belle performance !

Un numéro de « Galaxies » / « Mercury » constitué en grande partie de nouvelles. Chacun y trouvera son compte, les amateurs de frisson se délecteront avec “Amalgame” d’Ivo Torello, ceux d’Histoire s’attarderont sur les récits de Pierre Bameul et Bruno Pochesci, les deux dans des registres très différents. Les férus d’étrange, de fantasy et de SF ne sont pas oubliés non plus.
Une livraison agréable dont il faut tout de même reconnaître que l’intérêt des nouvelles est inégal, “Amalgame” et “Montre-nous ton pouvoir” se dégageant du lot.
Quant à la couverture, j’avoue être assez perplexe. Au premier regard, elle apparaît riche en détails, mais à y regarder de plus près, elle manque de contrastes, semblant presque inachevée. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une illustration numérique mais tout de même...


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 47 (89 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Michaël Thomazo
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : mai 2017
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
26 juin 2017


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