Yuichi est une vraie larve. Sous la couverture d’une aversion à la foule, il vit en parasite chez sa mère, ne faisant rien de ses journées hormis jouer et écrire des insanités sur le net. Quand il entend la porte d’entrée être comme crochetée, il est pris de panique et tente d’effrayer le cambrioleur en criant le plus fort possible. Seulement, l’homme était déjà entré et attendait tranquillement Yuichi avec un shocker électrique. Quand il reprend connaissance, il est attaché à une chaise et lui faisant face, un homme en imperméable portant un masque de grenouille. Très calmement, son kidnappeur lui explique qu’il va devoir payer son inertie avec la sanction pour comprendre la souffrance de sa mère. L’homme armé d’une scie métallique commence alors à le découper, d’abord une oreille, puis l’autre... En fait, il lui faut un poids très précis de chair et il ne s’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas découpé le nécessaire. Et ce ne sont pas les cris de sa victime qui l’arrêteront car de toute façon, personne ne l’entendra dans cette usine désaffectée. Et si un couple d’amoureux n’était pas venu tirer un coup rapide, Yuichi serait resté longtemps seul... Bon d’un autre côté, Yuichi était déjà mort de douleur.
“Museum” est la première série du mangaka Ryosuke Tomoe. Ce triptyque est un thriller dans la verve du film “Seven” de David Fincher. Tout comme le personnage incarné par Brad Pitt, l’inspecteur David Mills, le personnage principal de ce manga, le lieutenant de police Hisashi Sawamura, se retrouve impliqué personnellement dans l’enquête menée sur un serial killer, par intermédiaire de son épouse. Attention, si “Museum” fait des clins d’œil évident à l’oeuvre de David Fincher, ce n’est en aucun cas une copie ou un remake de “Seven”.
Mais commençons par le commencement avec le personnage de Sawamura. Là où David Mills vit une petite lune de miel avec sa femme, Sawamura est un flic abandonné par sa femme est son fils, cette dernière s’étant lassée d’avoir un mari absent, préférant son travail à sa famille. A travers cet homme, Ryosuke Tomoe nous décrit assez fidèlement la difficulté de mener une vie d’inspecteur dans la police criminelle et une vie de famille. Si Sawamura n’emmène pas son travail chez lui, son travail le garde loin de chez lui au point que sa femme choisit de le quitter. Ryosuke Tomoe nous présente le couple à la fin de leur relation, alors que Sawamura tombe dans une forme de déprime. Il ne cherche pas à trouver des excuses à son personnage ni à l’accabler, le mangaka s’attarde principalement sur la rupture. Toutefois, cette dépression n’apparaît pas par une perte totale de motivation mais plutôt par une perturbation des intuitions de Sawamura par des flash-backs, empêchant le lieutenant d’aller au bout de ses raisonnements, ce qui sera évidemment à l’avantage du serial killer au masque de grenouille. Sawamura va soudain totalement basculer dans l’hystérie en découvrant que sa famille est impliquée dans son enquête.
Le coeur du tome est donc l’affaire du tueur au masque à la grenouille. Les morts sont toutes plus abjectes, plus horribles les unes que les autres et pourtant, Ryosuke Tomoe ne tombe pas dans la facilité du gore. Il ne montre que le nécessaire, pour provoquer l’horreur et la répulsion chez le lecteur, mais il ne jouera pas sur le côté viscéral des meurtres pour choquer. Car finalement, le mangaka crée tout simplement son atmosphère façon “Seven”, pour rendre son méchant digne des plus terribles serial killer du cinéma. Si la mise en scène et la logique fait penser à “Seven”, la folie et la perversion du tueur nous ramène plus au tueur de “Saw”. D’ailleurs, la fin de ce premier tome va s’éloigner de sa référence pour prendre son propre envol (et oui, il y a une énorme vanne bien lourde que je vous laisse découvrir). Le design du tueur est simple mais particulièrement efficace et surtout, le mangaka joue avec nos nerfs car plusieurs fois, il va le mettre en scène à visage découvert pour bien énerver son lecteur qui fera certainement, comme moi, des aller-retours sur ces pages. Ryosuke Tomoe joue intelligemment avec nos émotions créant un suspens irrésistible, et très convainquant. On dévore ce tome comme jamais, suivant la descente aux enfers de ce pauvre Sawamura.
Le style graphique de Ryosuke Tomoe se rapproche d’un mangaka comme Minetaro Mochizuki. D’ailleurs, “Museum” aura le privilège d’avoir une version Pika Graphic, au format 172 x 240 mm. De quoi savourer le travail de Ryosuke Tomoe en grand format depuis le 10 mai.
Allez, oui “Museum” est un vrai petit bijou, un thriller prenant, stressant mais surtout passionnant ! On en redemande !
Museum (T1)
Auteur : Ryôsuke Tomoe
Traducteur : Thibaud Desbief
Éditeur français : Pika
Format : 135 x 185, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 240 pages
Date de parution : 12 avril 2017
Numéro IBSN : 9782811619893
Prix : 8,05 €
MUSEUM © Ryosuke TOMOE / Kodansha Ltd.
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