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Brins d’Éternité n°46
Revue des littératures de l’imaginaire
Revue, n°46, Science-fiction - fantastique - fantasy, nouvelles - critiques - articles, hiver 2017, 128 pages, 10$ CAD

Le Solarpunk, voilà un sous-genre méconnu de la science-fiction. Pierre-Alexandre Bonin en a fait le sujet de la première apparition de la rubrique “Le cabinet du Docteur Bonin”. C’est un courant relevant de l’écofuturisme et qui s’intéresse à l’impact des changements climatiques sur notre avenir. Il n’est pas du tout détaché de nos problématiques actuelles, il veut apporter des solutions par le travers de la fiction, mais de manière réaliste, car basé sur les avancées scientifiques de notre époque et faisant la part belle aux énergies renouvelables. Il s’agit d’une SF engagée, vecteur d’idées et d’interrogations sur les efforts à engager. Peu d’écrivains s’y sont lancés pour l’instant, car le Solarpunk s’avère exigeant par son cahier des charges.
Une belle entrée en matière pour cette rubrique !



Une nouvelle fois « Brins d’Éternité » innove avec sa première traduction (inédite en français) : “Le jeu de la pendaison” d’Helen Marshall, une nouvelle dérangeante, car mettant en scène des enfants dans un passe-temps pour le moins malsain. Est-ce par goût du danger ? Pas du tout, il est ancré dans les traditions de ce coin reculé. C’est un moyen d’invoquer le vieil ours Corde-au-cou et d’entrevoir l’avenir des joueurs. Déroulement inéluctable, tout est dans la suggestion faisant ainsi monter l’angoisse pour des frissons garantis. Magnifique ! Et très bon choix pour une première.

Alice B. Griffin nous ramène dans les tranchées de la guerre de 14. Un soldat reçoit des lettres d’Hortense. L’amour n’est pas partagé, mais il apprécie que quelqu’un s’inquiète pour lui de la sorte et il y a veillé avant son départ au front. Les combats réveillent une sorte d’esprit élémentaire qui s’attache à lui et le protège. “Tu t’appelleras Poudre” monte crescendo avec ce Poilu qui se détache de la mort, croit qu’elle ne veut plus de lui et fait fi du danger, jusqu’à décevoir une de celles qui l’aiment. Et attention aux conséquences ! C’est subtil, très bien emmené avec cette prise de conscience de la situation envers Hortense.

Geneviève Blouin assure un peu le minimum après ses deux devancières qui ont fait très fort. “La Comorte de la Dame de Lumière” ébauche juste le sujet, avec une enfant qui a quitté ses responsabilités et a grandi recherchée. Le fond n’est guère creusé, est juste mis en avant le rapport ambigu qui existait autour de la fonction de Dame de Lumière. Trop court pour être satisfaisant.

Mathieu Croisetière évoque les nuits angoissantes entrecoupées de cauchemars. S’observer dans un miroir la nuit n’est pas préconisé. Trop dangereux, surtout si l’on s’y voit et qu’il ne s’agit pas de notre reflet. Les nuits de Simon basculent ainsi ; chaque soir, il s’enfonce un peu plus loin dans le labyrinthe qui l’accueille pendant son sommeil. La folie le guette... Le malaise est omniprésent, la montée de l’angoisse est lente, s’effectue par paliers avec Simon croyant détenir une explication rationnelle avant que les faits ne lui donnent tort et ne l’amènent plus loin. Existe-t-il une sortie ? Sa femme Sylvie peut-elle l’aider à la trouver ?
“Speculum” dégage des relents malsains, propres à alimenter nos doutes. C’est diabolique et donc hautement recommandable !

“Rémanences” d’Ariane Gélinas n’est pas sans faire écho à “Speculum”. Christophe subit une altération de la vision. Il a beau se frotter les yeux, les troubles persistent et il voit des taches où elles n’existent pas. Son passé de drogué plaide pour une rechute, mais il n’en est rien, il veut enterrer ce passé qui l’a détruit et recommencer à zéro. Pour ce faire, il doit résister à la tentation et s’appuyer sur ses rares amis. Est-ce seulement possible ? A-t-il droit à une seconde chance ? À nouveau, rien n’y fait, la plongée est inéluctable. L’ambiance est cotonneuse avec des accents irréels. Entre rêve et réalité, le doute est permis. Le lecteur est malmené comme le protagoniste à la recherche de certitudes fuyantes. Même conclusion que précédemment.

Guy B. Fitz entretient aussi un certain mystère avec “Steadicam”, qui se passe dans un futur plus ou moins lointain où les choses semblent avoir mal tourné, sans qu’il ne s’étende dessus. L’ambiance est à nouveau sujette à caution ; hors les deux personnages centraux, les autres apparaissent flous, faisant penser à des fantômes ou mieux des souvenirs. Tout est dans l’atmosphère et l’auteur s’en sort bien pour suggérer la curiosité autour de sa nouvelle.

Le volet Critiques s’avère particulièrement fourni et « Brins d’ Éternité » s’achève par un article de Jean-Pierre Laigle : “Une anticipation utopique italienne : Ardo l’enthousiaste”. Fort de ses centres d’intérêts, Mario Viscardini (1883-1962) a signé une trilogie d’anticipation architecturale, « une projection dans l’espace d’idées philosophiques visant le bonheur des citadins ». Ensemble très intéressant et s’élargissant vers d’autres œuvres du même acabit.

Un numéro de « Brins d’Éternité » avec des nouvelles prenantes relevant essentiellement du fantastique et des articles d’aussi bonne tenue. Cette revue n’a pas fini de surprendre dans le bons sens !


Titre : Brins d’Éternité
Numéro : 46
Éditeurs : Guillaume Voisine, Ariane Gélinas, Alamo St-Jean
Couverture : Sybiline
Illustrations intérieures : Eve Chabot, Chantal Fournier
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques, entretien
Site Internet : Brins d’Éternité
Période : hiver 2017
Périodicité : quadrimestrielle
ISSN : 1710-095X
ISBN : 978-2-924585-04-7
Dimensions (en cm) : 13,9 x 21,4
Pages : 128
Prix : 10 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
22 avril 2017


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