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Chute
Christophe Nicolas
Fleuve, collection Outre Fleuve, thriller, 365 pages, mars 2017, 19,90€

Des romans sur le roman ou sur le monde de l’édition, on en a déjà lu à la pelle. Un écrivain raté s’appropriant le manuscrit d’un autre pour en tirer gloire et fortune, voilà qui n’a non plus rien de nouveau. Pourtant, après « Un autre », pour son second thriller sans éléments de science-fiction, c’est à cette thématique assez convenue que s’attaque Christophe Nicolas. Pour, au bout d’un compte, s’en sortir plutôt bien.



Thomas Cahin, un très banal enseignant en lycée, a publié chez un petit éditeur une paire de romans qui sont passés inaperçus. Dans ses archives, son épouse trouve le manuscrit d’un récit criminel assez violent, mais qu’elle trouve formidable. Un enthousiasme qui laisse son époux assez contrarié, aussi est-ce sans lui dire qu’elle envoie de son propre chef le manuscrit de « Chute » à un grand éditeur, qui en partage l’enthousiasme. Bientôt le livre est publié, rencontre un énorme succès, et se trouve en lice, et favori, pour le prestigieux prix Novela.

Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Thomas Cahin était l’auteur de ce roman. Or, celui-ci n’est pas de sa main, mais de celle de Christophe Fontaine, son colocataire de l’époque où il était étudiant. Son colocataire qui s’est suicidé et dont il a lui-même découvert le corps. Thomas Cahin, désormais célèbre, se met à recevoir de mystérieux coups de fil l’invitant à se dénoncer, des messages écrits le traitant de criminel et le poussant à confesser sa faute. Des messages qui pourraient bien n’avoir été écrits par nul autre que lui-même : l’auteur, perturbé par le succès, commence à douter de sa santé mentale.

Dans le même temps, tout se complique. Sa mère démente, qui vient de mourir, pourrait avoir été assassinée. Un flic en retraite découvre dans « Chute » bien trop d’éléments en rapport avec un « cold case » sur lequel il a enquêté bien des années auparavant pour que cela soit une simple coïncidence. L’existence de Thomas Cahin, de plus en plus perturbé, devient une sorte de cauchemar trouble dans lequel il est harcelé par des lecteurs, des individus mystérieux, Joseph, le flic à la retraite, qui est persuadé que Cahin a attendu très précisément la date limite de prescription (il reste encore dix jours) pour publier le récit de son propre crime, et, peut-être, par sa propre conscience.

Avec « Chute  », Christophe Nicolas s’éloigne donc des thématiques science-fictionnesques que l’on retrouvait dans « Projet Harmonie  » et dans « Le Camp  » pour basculer dans un registre plus conventionnel, à la croisée des chemins entre thriller et polar. On pourrait se dire, parvenu à la moitié du roman, que Christophe Nicolas s’est fondu dans les codes formatés du thriller de grande consommation. L’écriture est simple, utilitaire, destinée à narrer une histoire sans en faire trop et à ne pas rebuter le lecteur. Hormis Thomas Cahin, les personnages sont sans grande épaisseur, de simples figures elle aussi utilitaires destinées à faire progresser l’intrigue, mais pas plus – l’épouse de Cahin elle-même n’est guère qu’une silhouette sans véritable présence. La psychologie est basique et conventionnelle. Le découpage en chapitres extrêmement brefs est une technique éprouvée destinée à éviter au lecteur de décrocher. Du standard, donc. Oui, mais…

… oui mais si Christophe Nicolas se plie aux formats standard, il le fait avec suffisamment d’astuce pour que son intrigue prenne de plus en plus d’intérêt. En accumulant les fausses pistes, en apportant sans cesse de nouveaux éléments, il rend dans la seconde partie l’intrigue de plus en plus dense et n’hésite pas à redistribuer les cartes alors que l’on croyait tous les mystères résolus.

Avec une once de perfidie, un très léger soupçon de malhonnêteté, et un très grand art de la manipulation (qui font qu’il est quasiment impossible, même pour un amateur chevronné du genre, de voir venir le dénouement), Christophe Nicolas roule le lecteur dans la farine de ce qui n’est pas seulement un « whodunit », mais aussi un récit plus complexe. Car « Chute » n’est qu’un roman criminel, il est aussi quelque chose de plus.

Car, autre mystère, le lecteur finira par comprendre comment l’ouvrage qu’il tient entre ses mains (sous une couverture très réussie de Nicolas Galy) est bel et bien celui dont il est question dans l’intrigue, en une mise en abîme dont la suite permettra à l’auteur de confesser son larcin sans en avoir l’air, et de poursuivre en toute honnêteté sa lancée sur le chemin du succès.

Un succès que l’on souhaite bien entendu à son avatar Christophe Nicolas, qui pourrait bien à l’avenir s’écarter des sentiers battus et réserver encore quelques surprises.


Titre : Chute
Auteur : Christophe Nicolas
Couverture : Nicolas Galy
Éditeur : Fleuve
Collection : Outre fleuve
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 365
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : mars 2017
ISBN : 9782265117037
Prix : 19,90 €

Christophe Nicolas sur la Yozone :

- « Projet Harmonie »
- « Le Camp »


Hilaire Alrune
7 avril 2017


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