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Renaissance : Christian Volckman
L’Interview exclusive du réalisateur de Renaissance
16 février 2006

Après des études secondaires aux Etats-Unis, Christian Volckman intègre en 1989 l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques où il étudie le design, la peinture et la photographie. Il réalise son premier court-métrage d’animation, « Le Cobaye », lors de sa dernière année d’école en 1994. Dans la foulée, il s’attelle aussi à la réalisation de deux clips vidéo tournés sur fond bleu, imprimés et retouchés image par image : « Le jardinier dort » de Charlélie Couture et « Paris sur Mer » de Love Bizarre. Ces expériences lui permettent de se lancer à partir de 1995 dans son premier travail d’envergure, « Mazz », une histoire de science-fiction entièrement tournée en Super 16 sur fond bleu qui nécessitera trois ans de fabrication. Le succès de « Mazz » est fulgurant. Il remporte 32 prix dans différents festivals. Le film est également diffusé sur plusieurs chaînes de télévision, en France (dont Canal+ et Arte) ainsi qu’à l’étranger. « Renaissance » est son premier long-métrage et une réussite de taille.




Bonjour Christian. Avant toute chose, nous voulions déjà vous féliciter à propos de « Renaissance » qui nous est apparu comme le grand film d’anticipation que nous attendions depuis trop longtemps.

Merci (sourires).

Pour nous, journalistes, qui arrivons forcément après la bataille, la genèse de Renaissance s’apparente à un conte de fées. Vous avez eu carte blanche, le temps de développer les choses.... Avez-vous un truc spécial pour convaincre les financiers, les studios ?

Un conte de fées. En même temps, j’ai commencé à travailler sur ce projet en 1999. Ca fait presque 7 ans. J’ai quand même passé 4 à 5 ans là-dessus. J’ai débuté, j’avais 28 ans, maintenant j’en ai 34. Il faut quand même le vouloir. C’est-à-dire, c’est un conte de fées mais qui demande beaucoup d’efforts personnels, de sacrifices aussi. On passe des heures à essayer de convaincre des gens, on passe des années à monter des pilotes. Le premier pilote que j’ai fait sur ce film c’était en 2000 avec Marc Miance à Attitude Studio. Un petit clip de 3 minutes qui montrait un peu l’univers. Le Paris futuriste et les principaux protagonistes d’un récit d’anticipation. Et ça, ça m’a pris 6 mois avec toute une équipe. Ensuite, on a commencé à le montrer. Les gens étaient très enthousiastes mais parallèlement il y a eu toute l’histoire avec Canal+. Donc, on a pu fournir un scénario avec Matthieu et Alexandre et ce pilote mais ça n’a pas été évident tout de suite. Les premières réactions étaient « ah oui, mais c’est du noir et blanc », « Oh la la qu’est-ce que c’est ? », « qui va aller voir ce genre de films », « c’est un film expérimental », etc. Il fallait convaincre un tas de gens, puis finalement Canal+ s’est retiré après le problème Jean-Marie Messier et ses amis. A partir de là, on a commencé à faire des recherches à l’international, puis France 2 est entré dans l’histoire, et surtout on a rencontré Jake Eberts. C’est lui qui a apporté le film aux Etats-Unis chez Disney et qui a su convaincre le studio de s’intéresser au projet. En tout cas de mettre un peu d’argent sur le film car pour eux ce n’est pas grand-chose. Je crois qu’ils y ont mis 3 millions de dollars, quelque chose comme ça, en faisant confiance à Jake Eberts plutôt qu’au film lui-même. Ils ont dû se dire « on va mettre un peu de fric là-dedans. Si jamais ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas, on le sort en DVD. De toute façon, on va retomber sur nos pattes ». À ce niveau, les Américains, je crois, sont un peu entrés dans l’histoire les yeux bandés en faisant confiance à Jake Eberts et c’est à partir de là que les choses ont commencé à vraiment prendre forme et que nous, l’équipe, nous nous sommes dits que nous allions pouvoir faire ce film. Mais, pendant deux ans, ça a été le flou. De temps à autre nous avions des réactions très positives, mais c’est toujours la même histoire. Les gens sont très enthousiastes mais après il faut trouver l’argent pour pouvoir passer à la concrétisation. Et pour passer à la phase concrète sur un film comme ça, il faut presque avoir réuni le budget avant de se lancer dans l’aventure parce que trouver le financement au fur et à mesure, ce n’était pas envisageable. Je me souviens d’une période où on était sur le tournage au Luxembourg, parce qu’on avait tout organisé, on était partis là-bas avec des comédiens et toute l’équipe du plateau de capture de mouvements de Attitude Studio. Et au bout d’une semaine, Aton Soumache, le producteur, m’appelle en me disant « Préparez-vous car vous allez peut-être rentrer en bus ce soir, ou demain. Nous, on est en train de signer quelques contrats et ça prend plus de temps que prévu. Les banquiers commençaient à paniquer, ... ». Enfin voilà, au fur à mesure de l’aventure, il y a toujours eu des tensions, des doutes, « Est-ce qu’on le fait ou pas », jusqu’à il y a deux trois ans où, là, c’était parti, c’était sûr. On savait qu’on irait au bout.

Le fait que Disney entre dans le projet, même si son apport financier a été minime, est-ce que cela n’a pas été un plus au niveau français et européen ?

Si, mais paradoxalement, ça n’a pas forcément ouvert les portes tout de suite. C’est un peu bizarre. De toute façon, chez les Français, il y a un petit côté famille. Ce sont de petits milieux et il faut entrer dedans par la grande porte. Sinon, il faut qu’il y ait des gens qui insistent auprès du grand patron. Il faut toujours qu’il y ait une personne qui prenne son téléphone. C’est très centralisé. Donc finalement, aujourd’hui, Pathé est vraiment derrière le film mais au départ ce n’était pas complètement évident. Il fallait tout de même réussir à décider ces loups. Je me souviens que nous avions montré le petit film de deux minutes à Cannes en 2001, ou 2002, je ne sais plus, Seydoux est venu spécialement dans une salle où on lui a projeté le clip. Bon, il était content. Nous, nous avions un peu peur. Effectivement, Seydoux c’était l’inatteignable, l’inespéré. Il est quand même venu, mais les choses ne se sont pas débloquées immédiatement. Disons, c’est un conte de fées et en même temps c’est beaucoup d’efforts, de persévérance, d’angoisse. Par contre, là où il y a une petite différence avec les films d’animation français en général, c’est que l’on s’est dit « Ne tombons pas dans le piège de l’esthétisme pour l’esthétisme, essayons de faire un film avant tout et de raconter une histoire ». Et avec Aton, Matthieu, Alexandre et Marc, cela a été la première pierre qu’on a posée, la première fondation, il ne faut absolument pas retomber dans tout ce que l’on connaît. Tous les échecs qu’il a pu y avoir, ou même les frustrations quand on annonce un film français d’animation, que l’on va le voir et qu’au bout de 10 minutes, on a envie de sortir de la salle parce qu’on ne nous raconte rien. En même temps, c’est vrai, il y a une culture de l’animation en France qui est géniale. Il y a « Le Roi et l’oiseau » évidemment, il y a plein de choses qui nourrissent l’imaginaire, qui sont françaises... et fantastiques. Je parlais plus en terme d’anticipation et de 3D. La 3D c’est un peu particulier, surtout avec la capture de mouvement. D’ailleurs, quand on s’est lancés dans la fabrication, on a commencé à entendre parler de « Polar Express » qui était en train de se faire, donc on s’est dit « Ça y est, on s’est fait griller ».

Entre « Polar Express » et l’année dernière « Sin City » qui travaille lui complètement sur le noir et blanc, vous avez dû avoir quelques frayeurs.

Oui, on a eu peur (rires). C’était en pleine production et on s’est dit « Ça y est cette fois on est foutus ! »

Par rapport à ces deux œuvres, ce qui nous a frappé dans « Renaissance » c’est qu’il y a une vraie histoire, que l’on suit de A jusqu’à Z, qui est très logique et le graphisme et l’artistique, tout en étant omniprésents, ne prennent pas le pas sur la narration.

Oui, exactement. Vous avez visiblement bien aimé « Renaissance »

On a vraiment eu l’impression que vous, en tant que réalisateur, vous aviez tenu à faire des travellings très cinématographiques, il y a des mouvements de caméra qui sont plus assimilables à des plans cinématographiques qu’au monde de l’animation. D’ailleurs, l’impression que l’on en a après l’avoir vu, c’est d’avoir assisté à la projection d’un film « live » doté d’un traitement de l’image particulier plutôt qu’à une animation.

En tout cas, c’est ce que j’ai essayé de faire.

Même si il y a des plans et des idées qui évoquent par exemple « Ghost in the Shell », « Akira », on pense également à « Blade Runner » et « Metropolis » et on a l’impression d’assister à un grand film avec des prises de vue et des mouvements de caméra de cinéma et des décors tout simplement fabuleux. L’architecture futuriste de votre Paris fantasmé est une grande réussite. On a vraiment l’impression d’être happé par l’écran.

Et bien tant mieux. Moi j’ai tout fait, tout au long de la fabrication, pour rendre l’ensemble le plus crédible possible. Et justement, c’est très juste d’être plus dans une démarche cinématographique qu’une démarche 3D, d’animation ou peu importe. Ce qui me faisait plaisir c’était d’essayer de retrouver les émotions que j’ai ressenties en découvrant « Blade Runner » ou « M le maudit » ou des Hitchcock, Orson Welles. Tout ces gens-là qui ont exploré le symbolisme dans l’image. Et puis cette esthétique noir et blanc hyper forte qui fait travailler l’inconscient du spectateur.

N’ayant vu pour l’instant le film qu’une fois -mais on va y retourner, j’en suis sûr-, je n’avais pas fait lien avec Orson Welles mais c’est vrai que les somptueux éclairages de l’introduction de « Citizen Kane » ....

Oui, et puis, en plus, lui, il s’est fait influencer par l’expressionnisme allemand. Il est allé puiser là-dedans.

Moi, j’ai pensé à Welles dans vos grands mouvements de caméra de haut en bas puisque c’est quasiment lui qui les a inventés.

C’est vrai, c’est vrai. Puis, il y a le film noir qu’il a fait...« Touch of Evil ». Et bien, son premier travelling... enfin, ce n’est même pas un travelling, c’est une sorte de mouvement de grue qui part de la voiture, puis on s’éloigne, on découvre toute la ville, on passe la douane et finalement la voiture part au loin puis explose avec ce tic-tac perpétuel qui fait penser qu’il y a une bombe dans le coffre. Et bien voilà, c’est le genre de choses qui m’ont marqué. Il y a plein d’autres films qui m’ont marqué mais c’est vrai que « Renaissance » est un mélange émotionnel de plein de films que j’ai pu adorer dans le cinéma européen, américain....

Nous, on a eu l’impression que la grande motivation de votre groupe c’était de faire le film que vous aviez toujours eu envie de voir.

Oui, c’est sûr. Il y a le fantasme de cette chose-là. Comme toujours. Enfin j’espère que tous les jeunes qui se lancent dans des tentatives cinématographiques ont ce fantasme-là. Après, je ne sais si on réussi toujours mais c’est l’idée en tout cas.

Bon, comme notre temps est déjà dépassé, nous vous proposons d’enregistrer une petite vidéo à l’intention de nos internautes.

Ah, c’est déjà fini. Dommage. On aurait pu continuer un peu plus longtemps, parce qu’il est encore tôt et je me chauffe là. Mais puisqu’il en est ainsi....

YO-DOSSIER RENAISSANCE

- Renaissance... du cinéma SF français
- La Genèse du projet
- Partis pris techniques et esthétiques
- L’interview exclusive d’Alexandre de la Patelière et de Mathieu Delaporte, les deux scénaristes
- La critique du Film

INTERNET

- Le site officiel


Bruno Paul
Stéphane Pons
28 février 2006



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