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Weegee, serial photographer
Max de Radiguès et Wauter Mannaert
Sarbacane

En marge de l’essor du polar en Europe, la notoriété d’Arthur Felig (1899-1968), dit Weegee, n’a cessé de croître au cours des récentes décennies. Les expositions de ses photoreportages se sont multipliées, dont les mises en scène affichent au quotidien et sans pudeur les dessous du Manhattan des années 1930 et 40, son œuvre faisant de lui une icône du photojournalisme. Règlements de comptes mafieux, crimes crapuleux ou passionnels, coulisses de la vie interlope et nocturne concourant à consacrer le Lower East Side de New York comme une incarnation de l’enfer urbain. Et, assignant à Weegee le rôle de grand ordonnateur des violences et de la décadence d’une Amérique en crise.



Juste continuité des choses, c’est à présent sur la base du parcours biographique de ce voyeur et montreur professionnel que paraît la mise en images, son célèbre surnom figurant en pleine page de couverture comme à la une d’un tabloïd. Quoique, à vrai dire, ce n’est pas la première fois que cet homme inspire des auteurs de BD. De 1987 à 1992, au gré de 5 albums aux titres significatifs (“La Poupée brisée”, “Le Cadavre scalpé”, “Le Centaure tatoué”,…), Eric Warnauts et Raives s’en sont en effet ouvertement inspirés au travers de leur série “Lou Cale” (réédition intégrale aux Humanoïdes Associés). Weegee devenant Lou Cale, photojournaliste new yorkais dont les clichés, à bien y regarder, recelaient des détails et indices capitaux dans le cadre d’enquêtes criminelles où le photojournaliste, à l’occasion, s’improvisait détective sans mandat…

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Or, tandis que la version d’un Weegee qui ne dit pas son nom optait résolument pour les détournements fictionnels, le scénario concocté par Max de Radiguès (par ailleurs auteur complet et cheville ouvrière de la maison d’édition L’Employé du moi) semble vouloir, derrière le masque de Weegee, restituer le véritable Arthur Fellig. D’abord, décrire par le menu ses virées nocturnes de documentaliste de la mort, facilitées par ses rapports privilégiés avec les services de police. Un travail alimentaire et moyennement payant où cet homme qui se veut insensible n’hésite pas à modifier la position des corps, ainsi pour suggérer qu’une mort par accident serait un suicide amoureux…

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Mais est-ce une vie, que d’être un scénariste de la misère humaine et d’aligner les images de cadavres qui finissent par hanter ses nuits ? Sans que l’amour de Rita ni les services d’Irma, sa prostituée attitrée, ne réussissent à lui faire accepter l’état de mercenaire des feuilles à scandales. Il y a là bien sûr comme une fatalité, ainsi que lui-même le confie : « J’ai grandi dans ces rues. A partir de 15 ans, j’y dormais aussi. Tous ces cadavres, ça aurait pu être moi… »

Une fatalité qu’il s’agit de contrer, alors que vient à Weegee le désir de changer radicalement d’existence et d’inspiration : de se faire reconnaître comme un photographe à part entière, dans un monde de célébrités où n’a pas accès qui veut, et dont le cinéma est peut-être le sésame… Une série de doutes, de revirements que la narration restitue par brèves séquences impressives, même si l’on n’est pas tout à fait certain qu’elles soient avérées.

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Il est d’ailleurs curieux que la mise en images ait été confiée à un certain Wauter Mannaert, dont cet album-ci semble constituer la première publication professionnelle. Alors que son trait, surtout dans le premier tiers de l’histoire, laisse pas mal à désirer, la spontanéité et la volonté de dynamisme ne réussissant pas à faire oublier bien des naïvetés, bien des imperfections. Même si les choses s’améliorent quelque peu en chemin, et que le dessinateur en vienne à mieux jouer du sombre et des lumières, difficile d’évacuer ce paradoxe qui fait que l’impitoyable netteté de l’univers photographique du véritable Weegee veuille être restituée avec tant de schématismes et d’approximations. Un malaise que renforce le cahier photographique de fin de volume, accroissant le sentiment qu’on vient de passer à côté de la réalité.


Weegee, serial photographer
- Scénario : Max de Radiguès
- Dessins : Wauter Mannaert
- Éditeur : Sarbacane
- Format : 21,5 x 29 cm
- Pagination : 128 pages N/B
- Dépôt légal : 17 août 2016
- Numéro ISBN : 978-2-84865-913-8
- Prix public : 19,50 €


Illustrations © Wauter Mannaert et Éditions Sarbacane (2016)



Alain Dartevelle
18 novembre 2016




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