Catherine Cuenca avait déjà conquis mon lectorat avec les 3 tomes de « La Malédiction de la Pierre de Lune ». Sa nouvelle série se déroule à la fin de l’empire roman, tandis que Gaulois, Germains et Francs plus ou moins civilisés par Rome font front commun, bon gré mal gré, contre l’envahisseur hun.
L’autrice en appelle donc à Mérovée, fondateur des Mérovingiens et ancêtre quasi mythique de Clovis. Le texte est riche de vocabulaire spécifique, le noms des armes, des bijoux. Une érudition qui plaira aux plus âgés (moi) sans déboussoler les plus jeunes. C’est immédiatement immersif et lire « scramasaxe » change des éternels « épées » et « coutelas ». Nous sommes en temps et terre de Gaule, profitons-en.
C’est à une petite famille de Germains que l’on va s’intéresser. Gondebald le père et son fils étant partis combattre Attila aux côtés de Mérovée, c’est la fille aînée, Mogiane, qui incarne l’autorité.
Au contraire de l’héroïne un peu craintive de « La Malédiction de la Pierre de Lune », Mogiane est une jeune fille forte. On la découvre parcourant à cheval le domaine familial pour battre le rappel de ses gens à la villa, mieux défendue. Peu à peu, dans ses relations avec sa soeur cadette et sa mère très affaiblie par la maladie, on comprend les raisons de cette force : pour une petite incartade d’enfance (à 12 ans, elle en 16-17), elle s’est déshonorée et ne trouve pas à se marier. Elle s’est donc construite entre aigreur et contrition, refusant d’oublier la violente réaction de ses parents mais ne désespérant pas de faire sa vie. Pourquoi pas avec ce jeune et beau guerrier, Friedhelm, qui protège la villa, dont le passé est lourd aussi : sa fiancée lui en a préféré un autre. Les traditions, la notion d’honneur sont des marqueurs forts des peuples de l’époque, et les protagonistes en ressentent le poids sur leurs épaules.
Mais Mogiane va en jouer. Lorsqu’elle découvre le vrai coupable des pillages sur les terres paternelles, elle va réclamer justice selon la tradition, puis, à la suggestion d’Orbia, une gamine rescapée, fait preuve de ruse pour triompher d’un adversaire plus fort et trop sûr de lui.
Déjà mise au ban (ou en lisière) par ses pairs, Mogiane va aller jusqu’à apprendre à se battre, troublant son identité en l’absence d’homme à la tête de la famille. Une attitude qui trouvera un écho dans un autre élément de l’intrigue, lié au retour du prince Childéric, ainsi que l’annonce la prophétie. Mais chut...
A la trame historique Catherine Cuenca ajoute une bonne dose de fantastique. Déjà, il y a cette annonce de la résurrection, ou de la réapparition du prince d’entre les morts. Lorsque dans une escarmouche Mogiane perd un être cher, un émissaire de Hel, la déesse des mort à qui Mogiane a toujours rendu hommage, vient lui proposer un pacte : une vie pour une vie... Faut-il y croire ? Mogiane sera victime d’un sortilège et témoin du retour du prince. Magie et croyances sont étroitement liées.
L’intrigue politique ne nous laisse pas reprendre notre souffle, puisque tout cela cache un complot contre Mérovée, que la jeune fille espère faire échouer. On appréciera le léger temps de repos que l’autrice accorde à ses héros à la fin de l’histoire, avant de relancer l’histoire avec un nouveau mystère auquel la magie n’est peut-être pas étrangère.
Au sortir de « La Rouelle de Feu », on n’a qu’une envie, ouvrir sa suite, « L’Enigme Sarmate ».
Terminons sur la magnifique couverture de Raphaël Beuchot, qui mêle la lumière de la blondeur de Mogiane à l’effroi du regard ténébreux de sa monture, et sur la grande qualité (comme toujours) de l’ouvrage, le souci du détail apporté à la mise en page. Un bel objet pour un très bon roman.
Titre : La Rouelle de Feu
Série : La Prophétie des Runes, tome 1/3
Auteur : Catherine Cuenca
Couverture et illustrations : Raphael Beuchot
Éditeur : Gulf Stream
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 200
Format (en cm) : 18 x 14 x 1,5
Dépôt légal : février 2016
ISBN : 9782354883263
Prix : 12,90 €