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Solaris n°198
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°198, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – articles – critiques, printemps 2016, 160 pages, 12,95$ CAD

Sur l’envoûtante couverture d’Émilie Léger figure la mention Femmes étranges, ce qui définit parfaitement trois nouvelles du sommaire : “K**l Me, I’m famous” d’Éric Holstein, “Elle” de Jérémie Bourdages-Duclot et “Prestance” de Samuel Lapierre.
Chacun offre aux lecteurs la vision d’une femme sortant des sentiers battus, bien loin de l’épouse aimante, avec quelque chose de vénéneux la définissant...



Éric Holstein a du style, c’est le cas de le dire. C’est aussi un amateur de la scène rock et celle des années 1960-1970 lui sert de toile de fond dans “K**l Me, I’m famous”. Bella gravite dans ce milieu, bien des rumeurs la suivent, elle aurait fricoté avec de nombreuses célébrités, mais pas pour le meilleur à en écouter certains. Quand Nick la rencontre, il tombe sous son charme, son groupe porté par son talent atteint les sommets, mais lui dépérit...
Raconté par un amateur de rock qui devient journaliste pour un magazine connu et faisant intervenir bien des célébrités, la transformation apparaît par palier, ce qui laisse présager de la nature de Bella entre deux révélations. La nouvelle est aussi intéressante par son contexte et ses intervenants que par l’histoire elle-même que l’auteur mène parfaitement. Il le fait avec la manière, lui donnant ainsi du peps. Résultat très prenant.

“Elle” de Jérémie Bourdages-Duclot nous présente Gab, un joueur de foot américain, véritable sex addict. Pour lui, passer ses soirées seul dans son lit n’est pas envisageable. Aussi tous les soirs se met-il en chasse, jusqu’à rencontrer une fille qui l’obsède mais résiste. Sa beauté, son étrangeté le bouleversent... Qui devient la proie à présent ?
Plus classique dans son traitement que précédemment, le texte n’en est pas moins efficace. Là aussi, il dévie vers le fantastique avec la figure de la femme fatale, celle qui attire sa victime par son magnétisme. L’auteur prend également les lecteurs dans les mailles de son récit. Seconde nouvelle envoûtante !

“Prestance” est le nom d’un mannequin en vitrine d’un magasin. Monsieur Duquet, veuf depuis presque une année, en tombe amoureux et décide de l’acquérir, même s’il met en danger sa situation financière. Hélas, faute de moyens, il doit mégoter sur l’IA pour lui donner vie. Les débuts s’avèrent parfaits, mais cette IA bas de gamme d’occasion n’est pas exempte de défauts. Fin de l’idylle et bonjour les ennuis !
“Prestance” décrit la détresse d’un homme prêt à tous les sacrifices pour connaître à nouveau l’amour, mais d’une façon bien pathétique. Il y croit tellement qu’il arbore des œillères et la situation ne cesse d’empirer. Il est facile de rire jaune à ses tracas. Intelligemment, Samuel Lapierre expose ces travers de la société future, laissant les lecteurs seuls juges. Humour corrosif bien vu !

Plus sérieux, Daniel Birnbaum montre une expérience réussie de capture et caractérisation d’une âme humaine. Le titre de la nouvelle “Le choix des âmes” est révélateur de la méthode à employer pour y parvenir. C’est un peu cousu de fil blanc, il met en scène le monde de la recherche qui ressemble à une course pour être le premier, à défaut pour confirmer la publication de celui qui a touché au but avant. Pas d’empathie à attendre de ce milieu et le drame final tombe à plat. Rien de marquant.

L’infatigable Mario Tessier signe une nouvelle, ainsi qu’un article. Dans “Tempus fugit”, le consortium envoie un scientifique sur Trakis, une planète paumée, afin d’étudier des plantes locales. Cette mission n’est pas anodine : la précédente personne n’a jamais rendu son rapport, cette espèce possède des caractéristiques étonnantes. La réalité remet en place l’humanité, son intelligence ne la sauvera pas éternellement et il restera qui ou quoi pour assister à la fin de l’univers ? Hard science light mais bien ficelée dans ce texte court.
À bien y réfléchir, “Tempus fugit” n’est pas sans lien avec son article “Les plus vieux organismes vivants”, une véritable mine d’informations. Certains passages s’avèrent terribles, car l’homme ne respecte rien, détruisant pour son confort une partie de son patrimoine, témoignage du passé. Comme d’habitude, un papier qui se lit très bien et enrichissant pour tout un chacun.

Jonathan McCalmont livre la première partie de son article “Lâcheté, paresse et ironie : comment la science-fiction a perdu son futur ?” La SF d’aujourd’hui a perdu de son ambition et le futur proche de son attrait, car la science avance aujourd’hui si vite que les auteurs craignent que leurs œuvres deviennent quasi de suite dépassées par la réalité. Retour vers le passé, projection dans un futur très lointain mais difficile à appréhender pour les lecteurs... Intéressantes réflexions à suivre au prochain numéro.

Les femmes étranges annoncées en couverture sont au rendez-vous et de belle manière. Les articles s’avèrent de très bonne tenue, ce qui est l’apanage de « Solaris ». Un très bon numéro !


Titre : Solaris
Numéro : 198
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascale Raud, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Émilie Léger
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 198 
Période : printemps 2016
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 $ CAD


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François Schnebelen
7 juin 2016


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