« Le pacte des suicidés » a remporté le Bram Stoker Award 2004 du premier roman. Dans une intéressante préface, l’auteur évoque son parcours : le fait divers qui a donné le fil directeur, l’écriture en plusieurs étapes du roman, la difficulté de le publier jusqu’à ce que Delirium Books le sorte en tirage limité de 250 exemplaires, puis la victoire au Bram Stoker qui lui a enfin donné une plus grande visibilité.
En début de roman, chacun affichera le même scepticisme que Joe Kieran. Qu’est-ce qui pousse annuellement quelqu’un à se jeter du haut de Terrel’s Peak ? Il ne s’agit pas de cas isolés, mais vraiment d’un phénomène récurrent depuis des dizaines d’années. Il est difficile d’imaginer quelqu’un perpétrant ces meurtres aussi longtemps et surtout impunément, mais la voie de la raison est au moins respectée. Des indices, des gens connaissant toute l’affaire évoquent bien un étrange pacte, mais y donner foi revient à abandonner son esprit cartésien. Le lecteur le fera, avant que le journaliste n’accepte l’évidence.
John Everson signe là un roman fascinant. Toute l’horreur de la situation n’apparaît que petit à petit, la tension ne cesse de monter. En menant son enquête journalistique, Joe perd au fur et à mesure ses illusions et, une fois qu’il les a abandonnées, il prend le problème à bras-le-corps, il y est bien obligé.
La situation ne cesse de dériver, allant toujours de mal en pis. D’abord, le récit donne tous les accents d’une vie normale, d’un banal et triste suicide d’un jeune, puis naît une certaine terreur face à l’ampleur de cette vague de morts, avant une dernière partie de roman alliant l’horreur psychologique aussi bien que physique.
Le déroulement de « Covenant » s’avère diabolique, l’histoire s’empare des lecteurs, les force à s’immerger dans le drame. Tous les ingrédients sont au programme : manipulations mentales, victimes impuissantes, viols, blonde se jetant quasiment dans les bras du héros, hémoglobine... Habilement, John Everson n’a de cesse de faire monter le malaise en nous et il y parvient aisément. Pourtant le livre reste collé entre nos mains, une irrépressible curiosité malsaine nous oblige à poursuivre, à découvrir jusqu’où la situation peut aller. Le résultat est : très loin !
« Le pacte des suicidés » n’est pas de ces romans que l’on achève avant d’en commencer un autre aussi vite, comme si de rien n’était. En effet, il secoue pour le moins. S’il se suffit à lui-même, la fin reste tout de même ouverte et John Everson lui a donné une suite « Sacrifice ». Le titre donne le ton et ce second opus des aventures de Joe Kieran s’avère bien plus sanguinolent que « Covenant ».
Il est d’ailleurs à noter que l’auteur est revenu à l’élément marin avec son quatrième roman « Siren ».
John Everson est un auteur méconnu en France. Très peu de traductions, juste quelques nouvelles par-ci par-là, parfois dans des supports à faible diffusion comme “Tronche de citrouille” et “Les justiciers de l’amour” dans les fanzines « Borderline » n°8 et 20. Saluons d’autant plus cette belle initiative des éditions Rivière Blanche et de Thomas Bauduret de rendre son premier roman « Covenant » accessible en France. Et espérons bien sûr qu’elle ne sera pas isolée.
Avec « Le pacte des suicidés », John Everson livre une histoire redoutable qui happe insidieusement le lecteur. Impossible de lâcher ce bouquin, alors que le malaise ne cesse de grandir. Un roman imparable, justement couronné d’un Bram Stoker Award.
Titre : Le pacte des suicidés (Covenant, 2004)
Auteur : John Everson
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Thomas Bauduret
Couverture : Mike Hoffman
Éditeur : Black Coat Press / Rivière Blanche
Collection : Noire
Directeur de collection : Philippe Ward
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 316
Format (en cm) : 20,3 x 12,7
Dépôt légal : avril 2016
ISBN : 9781612275222
Prix : 20 €
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