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Galaxies n°40 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°40, SF - nouvelles - articles – entretiens - critiques, mars 2016, 192 pages, 11€

Un dossier “Cosmanthropie”, mot que le correcteur orthographique n’apprécie guère, voilà qui a de quoi intriguer. Déjà, qu’est-ce ? Il s’agit de l’adaptation de l’homme au vide de l’espace, afin qu’il puisse y vivre sans scaphandre ou autre artifice. Le concept va donc plus loin que la simple adaptation de l’homme aux conditions d’une planète comme James Blish a pu l’exposer dans « Semailles humaines ».
À travers quelques œuvres de SF traitant le sujet, Jean-Pierre Laigle, l’initiateur de ce dossier, présente ce concept rarement traité, ce qui le rend d’autant plus intéressant.



Une bibliographie nous permet justement de voir les peu nombreux titres s’emparant de la cosmanthropie. Intelligemment, quelques auteurs de cette liste (Linda Nagata, Laurent Genefort...) sont brièvement interviewés pour mieux cerner ce champ si peu exploité, comme s’il ne faisait pas rêver.
Suivent quatre nouvelles, ma préférée étant “La cousine Entropie” de Michèle Laframboise. Elle prend le sujet à bras-le-corps en nous mettant dans la peau d’un humain transformé, spectateur de l’évolution de l’univers et de sa lente absorption dans un gigantesque trou noir. Cela donne un incontestable relief au texte qui ne manque pas d’ambition. Superbe !
Dans “Je suis le parcours”, Pavel Amnouel dénonce les dangers de cette adaptation rendant les cosmanthropes peut-être trop confiants. Si on peut résister au vide de l’espace, au rayonnement cosmique, cela ne signifie pas forcément que l’on peut résister à tout, surtout que cette science n’en est qu’à ses débuts, comme le prouve cette mission expérimentale sur Vénus. Chacun doit accepter de voir son corps changer en réponse à l’environnement et ne pas être gagné par l’euphorie. Intéressant par les questions soulevées, notamment par l’ambition de certains qui n’hésitent pas à mettre des vies en danger.
Les deux autres nouvelles s’avèrent plus évasives. Domingo Santos évoque un homme qu’une fausse manœuvre éloigne de la station. Les réserves d’oxygène de son engin de réparation étant faibles, ses chances de survie sont des plus minces. Pourtant, il semble animé de regrets, tout en assistant au passage du temps. Une certaine beauté se dégage de “La chanson de l’infini”, dans laquelle ni le principal acteur ni les lecteurs se rendent vraiment compte du changement de condition relaté.
Jean-Pierre Laigle se sert d’un survivant, un miraculé d’une ancienne guerre pour témoigner d’un étonnant cycle de vie. Le personnage est sorti du champ de stase dans lequel il était depuis si longtemps plongé par la force des événements. Sa seule chance : se rendre sur une planète proche offrant des conditions de vie propices. Une fois sur place, elle s’avère habitée, mais il n’est pas au bout de ses surprises. Le choix de narration est bien vu, car le lecteur avance de concert dans les découvertes. Avec “Les larves”, Jean-Pierre Laigle apporte en quelque sorte la dernière pierre du dossier en évoquant cette possible évolution naturelle de l’humanité.
En tout cas, le dossier “Cosmanthopie” s’avère une belle découverte. Un grand bravo !

T.R. Napper signe une nouvelle à la thématique aussi improbable que son titre “Le guide ultime pour une stratégie gagnante de formation des prix sur le marché des paris extraterrestres”. Altair est un insatiable joueur, pariant sur tout et n’importe quoi. Son quotidien est suivi de près et ses descentes d’escaliers sont sujets à pari. Aussi lorsqu’un alien vient lui demander des comptes sur cette activité se retrouve-t-il dans une mouise pas possible. Des soupçons de tricherie le condamnent à rembourser une somme faramineuse. Il est à peine dans la m... Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, le lecteur peut tout à loisir savourer ce texte à l’imaginaire des plus farfelus, ce qui le rend si recommandable.

“L’article 3.14” de T’jores Bloontje se veut aussi humoristique, mais s’avère assez lourd, pour ne pas dire indigeste. Il y a de l’inventivité, quelques bons passages, mais de manière générale cette séance du Grand Conseil entre races galactiques, à force procédures ramenant à un quotidien peu réjouissant et notes de bas de page pour expliquer un contexte assez confus, n’apporte guère l’évasion attendue.

Gulzar Joby nous plonge dans une civilisation de “Douze milliards d’artistes”. L’art y est gratuit et le livre est un concept dépassé, voire même oublié. Pourtant il a encore des amateurs. Sa rareté a un prix, mais ne décourage pas ceux qui y goûtent. L’iconographie utilisée à l’occasion pour désigner les intervenants a de quoi déstabiliser, mais le lecteur s’y fait vite. Il n’adhérera sûrement pas à toutes les idées, mais passera tout de même un bon moment.

En partie rédactionnelle, Thomas Bauduret a écrit un très bon article sur Kirlian Camera, groupe que je ne connaissais pas auparavant mais que j’ai appris à apprécier depuis.
Notre collaborateur Didier Reboussin entame une nouvelle série : “Croisière au long du Fleuve”. Pour cette première occurrence, il s’intéresse à Henri Bessière, dénonçant bien la manière dont François Richard, alors directeur de la collection, a profité de la situation.
Philippe Ethuin nous présente « La mer souterraine » (1923) d’Édouard de Keyser, dans sa rubrique “Le coin du bouquineur” que j’aime toujours retrouver.
Et bien sûr, tout un volet critiques complète ce numéro 40.

Jean-Pierre Laigle a concocté un dossier copieux et remarquable qui, avec la nouvelle de T.R Napper et l’article sur Kirlian Camera, donne un « Galaxies » des plus recommandable.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 40 (82 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Florian Huet
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : mars 2016
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
18 mai 2016


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