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Furies de Boras (Les)
Anders Fager
Pocket, n°7189, traduit du suédois, fantastique, 377 pages, janvier 2016, 7,70€

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Suède. Quelque chose de sournois, d’invisible, et de pas vraiment bienveillant. Comme si quelques abominations lovecraftiennes avaient traversé le siècle pour venir se réveiller à Skänor. Comme si des créatures venues d’Innsmouth s’étaient subrepticement acclimatées à Stockholm. À moins que ce ne soient des dieux ou des hantises plus anciennes, des démons internes, les faces les plus obscures, les plus primitives, aquatiques et reptiliennes, de ce qui se nomme l’humanité.



« Boire du sang et se vautrer dans les ténèbres lui semblaient une évidence. Devenir celle qui protège. »

Huit nouvelles, douze fragments. Et surtout, une ambiance. Des lieux classiques de l’épouvante, des caves des escaliers, de la forêt, des tourbières et même des zones urbaines où la densité est telle que n’importe quel prédateur, ou presque, peut rôder. On a du sombre, de l’humide, du marécageux, de l’explicite et de l’à-peine décrit, de l’innommable et des choses dont on préférerait ne jamais avoir entendu parler.

« Il observe son profil et voit ses yeux qui n’ont que deux positions. Allumés ou éteints. Vivants ou morts. »

Du fantastique, du sociologique, de l’historique : bien des facettes sont ici exposées. De 1718 à nos jours, entre inexplicable et psychopathologie, ces nouvelles et fragments se font écho, se répondent, se complètent, et viennent s’éclairer mutuellement. Entre fable païenne et rituels abominables, entre rock’n’roll et mort sanglante, entre folie douce et hantise véritable, entre bon chic bon genre et créature abominable, entre sorcellerie et occupations quotidiennes, l’éventail est large, une sorte de jeu de cartes qui sous la plume de Fager se redistribuent sans cesse et prennent toutes les couleurs du trouble, de l’indécis, du cauchemar. Tout ceci dissimulé dans une normalité qui fait peur, sous le masque du quotidien, tout juste près ce chez vous, pas très profondément caché sous la surface.

« Il y eut bientôt une dizaine de ces groupes. Des groupes qui soutenaient les proches des défunts. Des groupes qui exigeaient des investigations et des réponses. Des groupes qui avançaient différentes théories ayant trait à des conspirations. »

Si le fantastique d’Anders Fager ne recule pas, à l’occasion, devant le sexuellement explicite ou quelques passages sanglants, ce n’est jamais comme on voit le hélas bien trop souvent, de manière gratuite, mécanique, voire même métronomique, comme pour pallier une absence totale de talent. Ces scènes, chez Fager, s’intègrent à un malaise plus global, plus général, plus sourd aussi, plus étouffant que de banales scènes d’horreur. Il y a dans ce recueil une voix, une « patte » qui rendent cet ensemble particulier. Les emprunts aux grands prédécesseurs sont patents, mais, là encore, il s’agit plus d’une intégration que d’une redite, comme si Fager mêlait tous ces éléments pour une alchimie nouvelle.

On l’aura compris : il faut goûter Fager. Tout le monde n’aimera sans doute pas, et certains adultes pourraient être tentés d’en déconseiller la lecture à leurs enfants. Ils auraient tort, et ceci pour deux raisons. D’une part, parce que lesdits enfants n’ont de nos jours plus grand-chose à apprendre en matière de sexe ou de violence. D’autre part, parce qu’ils pourraient bien trouver dans ce petit livre, au fond assez didactique, quelques recettes destinées à leur sauver la peau : quand ils auront lu « Les Furies de Boras  », les ados de sexe masculin, plutôt que d’aller en boîte, préféreront rester chez eux et ne laisseront plus leurs hormones les conduire à prendre des risques aussi inconsidérés ; quand ils auront lu « Les Furies de Boras  », ils se méfieront à juste titre de cette charmante marchande de poissons exotiques qui pourrait bien les faire disparaître à jamais.

Et pour les adultes ? Eh bien, après avoir vu ce qui peut rester dans la baignoire après un combat singulier entre leur épouse et une entité d’outre-espace, ceux-ci ne soucieront plus vraiment de la légalité en termes de détention d’armes. Ce qu’il faut c’est du lourd, du très lourd : gros calibre, grenades, explosifs. Au moins. Et aussi des renforts. Et tant pis pour leur salle de bains. Ce qui ne les empêchera sans doute pas de faire des cauchemars, mais c’est là tout l’intérêt d’un bon recueil de récits d’épouvante.


Titre : Les Furies de Boras et autres contes horrifiques (Samlade svenska kulter )
Auteur : Anders Fager
Traduction du suédois : Carine Bruy
Couverture : Nicolas Galy
Éditeur : Pocket (édition originale : Mirobole, 2013)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 7189
Pages : 377
Format (en cm) : 10,5 x 17,5
Dépôt légal : janvier 2016
ISBN : 9782266254779
Prix : 7,70 €


Anders Fager sur la Yozone

un premier aperçu des « Furies de Boras »


Hilaire Alrune
7 mars 2016


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