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Nouvelles d’outre-mort
Réunies par Richard D. Nolane
Les Éditions de l’Œil du Sphinx, Les Manuscrits d’Edward Derby, anthologie (France), fantastique / épouvante / SF, 234 pages, octobre 2015, 16€

Alors que les anthologies en imaginaire ne sont pas légion, les amateurs du genre ont été gâtés en octobre 2015 avec deux publications : « Moisson d’épouvante 2 » et « Nouvelles d’Outre-mort », réunissant 18 nouvelles sélectionnées par Richard D. Nolane.
Dans la préface, il explique ce qu’il attendait des auteurs, à savoir de l’originalité dans le traitement de la vie après la mort, que le travail a été long et fastidieux et qu’il a fallu une bonne dose de patience à chacun pour que cette anthologie voit le jour.



S’il y a 18 nouvelles au sommaire, elle ne sont le fait que de 17 auteurs, Morgane Caussarieu signant deux titres : “Le syndrome de Pan” et “Première victime”. Si la première ouvre le recueil et place d’emblée le livre sur de bonnes bases, la seconde évoque un vampire cherchant sa première proie. Rien de novateur !
Attardons-nous plutôt sur “Le syndrome de Pan”, où Evi et Simon, son petit-frère, sont attirés par Peter, un garçon qui ne grandit pas. Ils passent leur nuit à l’extérieur, rencontrent d’autres enfants également ensorcelés par Peter... Sous des airs connus, Morgane Caussarieu tisse une toile aux mailles resserrées prenant au piège Simon et dans une moindre mesure sa grande-sœur Evi, mais aussi les lecteurs captivés par cette histoire pleine d’insouciance, d’une douce folie, mais sur laquelle règne une certain gravité. C’est ainsi que la fête foraine apparaît plus inquiétante que source de joie, qu’Evi se voit confier des responsabilités inattendues... Prenante, cette revisite originale est parfaitement maîtrisée.
Il est à noter qu’au moment de l’acceptation des deux textes, l’auteure ne s’était pas encore fait remarquer par ses fictions percutantes.

Lydie Blaizot nous offre une sympathique virée au temps du far-west. Wilbur McFeen ne peut mourir, rien n’y fait : coup de feu, pendaison... Il n’a de cesse de chercher à lever cette malédiction, venant alors par hasard au secours d’une commerçante qu’un riche propriétaire veut à tout prix faire déguerpir. Ambiance western pour “La quête” où la loi du plus fort peut être mise à mal pour peu qu’une dose de fantastique y soit insufflée. Belle idée de dépaysement !

Dans son “Guide du musée de l’en-deçà”, François Fierobe fait preuve d’une grande imagination. Il nous propose pas moins que la visite des différentes salles d’un musée de la cité médiévale de Rascanges, consacré aux différentes formes de survie après la mort. Incursion inquiétante et impressionnante, aussi bien par la forme que par la masse de descriptions.

“Le ressuscité (vies et morts de Sainct Egremont-le-Juste)” de Fabert Cendreville n’est pas d’un accès facile, car écrit en vieux françois. Ce n’est pas évident à lire, fastidieux et pas toujours pleinement compréhensible, mais l’exercice est de toute beauté et original. Beau ramassis de brigands en tout genre, événements qui construisent les légendes... Performance à saluer !

Jean-Jacques Jouannais s’intéresse aussi aux vampires, mais son personnage principal n’est autre qu’un livreur de lait. Un lait particulier pour un client très exigeant et qu’il ne faut surtout pas décevoir. “Un sang impur” sait ménager le suspense, distiller au compte-gouttes les révélations jusqu’à un final particulièrement bien amené.

32 ans, plein aux as, Yann est condamné pour la médecine classique, ce qu’il ne peut accepter. Il y a peut-être un moyen de contourner cette inéluctabilité, mais il existe des conditions ! “RIP M. Delpierre !” de Jess Kaan nous ouvre les portes d’un univers de débauche aux vertus étonnantes. L’humour grinçant, la chute finale bien trouvée et dans la lignée de ce qui précède concourent à nous donner un bon coup de fouet.

Jean Pézennec en fait trop. Un syndicaliste cumulant d’innombrables mandats, dont la liste ne nous est pas épargnée, succombe en pleine réunion de CE. Que devient-il alors ? Le choix a de quoi étonner, mais il est difficile d’adhérer à l’idée pour le moins loufoque. Et puis, retour au syndicalisme pur et dur ! “Tous ensemble” n’est guère convaincant, les quatre pages deviennent vite longues à lire.

Pour Robert Darvel, pas de repos à espérer, le personnage ne meurt jamais vraiment et finit toujours par se relever. Cela devient comme un jeu pour lui. À force d’expérimentations au fil des siècles, il comprend mieux ce qui lui arrive. Sanglant et macabre à plus d’un titre, “Le bruit des os” n’a pas de mal à faire tressaillir les lecteurs devant les descriptions de nombreuses horreurs. Je n’en attendais pas moins avant d’ouvrir l’anthologie.

Avec “Hell 2.0”, Léo Lallot n’est pas en reste. Toute virtuelle que soit l’existence de Stephen, il n’en trépasse pas moins dans d’horribles souffrances suivant les joueurs. Une nouvelle d’inspiration cyberpunk qui fait également mouche dans le genre choc.

Un écrivain public aux environs d’Avignon est chargé d’une commande des plus saugrenues : écrire une lettre pour une femme qui ne doit jamais l’oublier, même dans sa mort ! Et il n’est pas au bout de ses surprises. Jean-Pierre Planque nous livre un récit fascinant. D’entrée de jeu, “La peur de sa vie” nous happe, la demande incongrue et de mauvais goût attise notre curiosité et le déroulement ne cesse de l’alimenter. C’est magistral tout du long, l’intérêt ne retombe jamais. Une de mes nouvelles préférées du sommaire.

La guerre 14/18 ne pouvait qu’inspirer les auteurs en terme de morts. Pierre Quevaine commence par une attaque française dans les tranchées allemandes. Juste avant une permission, le sergent Eugène Valdin y chope une saloperie, le transformant en mort-vivant. Ça va être le massacre ! “Nettoyeurs” nous plonge dans une suite d’aventures échevelées qui nous permet de passer un bon moment de lecture.

Dans “Mort active”, Pierre-Louis Mongrain faut aussi bien preuve de sensibilité que d’humour. Il démontre l’importance pour les vivants de se souvenir des disparus, appelant au passage un chaman à l’aide, ainsi qu’une tortue. Toutefois les apparences sont trompeuses et l’histoire sait nous toucher, tout en nous faisant sourire. Belle performance de l’auteur !

Sylvain Boïdo ne fait pas dans la dentelle. Dans une morgue, l’employé de service la nuit cède aux charmes d’une morte. Quand elle ouvre les yeux, le charme est rompu... Nécrophilie, zombies... “Un étage avant l’enfer” appartient à cette classe de textes qui dérangent et suggèrent rapidement le malaise. L’auteur ne nous épargne aucun détail, poussant son idée aux limites, ce qu’il fallait faire. Ambiance lourde avec une pointe d’humour très noir.
Ces derniers mois, plusieurs textes de Sylvain Boïdo sont parus et ils ne passent jamais inaperçus. Un auteur à surveiller !

De son vivant, mieux vaut prévoir les événements post-mortem pour ne pas être pris au dépourvu face au jugement divin. Il est dommage que Guillaume Mézin transpose la lourdeur de l’administration dans “Jusqu’à ce que la mort nous sépare”, ce qui nous raccroche à notre quotidien et ne nous transporte pas vraiment ailleurs. Malgré tout, il fait preuve d’imagination, ce qui est non négligeable.

Eva Aernout s’est inspirée d’une légende populaire bretonne ; elle lui sert à illustrer la détresse d’un homme que la vie n’a pas épargné : sa plus jeune fille est morte, puis sa femme. Il en arrive même à voir de mystérieuses lavandières fantomatiques en pleine nuit. Cette fiction s’avère très poignante. L’auteure fait très bien passer le désespoir de cet homme sur lequel le mauvais sort s’est acharné. C’est manœuvré de main de maître, implacable, triste. “Kannerezed Noz”, une très belle nouvelle.

“La Madelon” est une ancienne locomotive à vapeur, appelée à disparaître. Pour le présent voyage, Lucien se voit adjoindre un nouveau partenaire pour faire fonctionner la formidable machine. Il trouve ce remplacement bizarre et l’itinéraire emprunté l’est tout autant. Sur une voie qu’il pensait désaffectée, il découvre des temps révolus. Didier Reboussin évoque également la Grande Guerre, mais aussi cette époque des trains à vapeur. Une certaine nostalgie se dégage de ces pages qui rappelleront sûrement bien des souvenirs, des petits riens aujourd’hui disparus.

“La terrible expérience du Dr Cornélis Bell” de Gaston-Ch. Richard date de 1910. Le savant cherche à ramener un morte à la vie, mais cette résurrection n’a pas le succès escompté. Un ancien texte de circonstance.

« Nouvelles d’outre-mort » explore de bien des manières les territoires inconnus qui attendent les pauvres mortels. Les moyens pour ce faire diffèrent suivant les auteurs. Certains prennent des décédés comme personnages principaux, alors que d’autres le font de façon détournée. L’humour vient parfois alléger la gravité des propos, alors que dans d’autres cas, le thème est pris à bras le corps pour mieux nous y enfoncer. À de rares exceptions, les auteurs se tirent bien de l’exercice, même si l’originalité prônée n’est pas toujours au rendez-vous.
« Nouvelles d’outre-mort », une anthologie qui mérite d’être saluée pour sa qualité d’ensemble.


Titre : Nouvelles d’outre-mort
Anthologiste : Richard D. Nolane
Couverture : Bonnybbx/Pixabayt
Éditeur : Les Éditions de l’Œil du Sphinx
Collection : Les Manuscrits d’Edward Derby
Site Internet : Anthologie (site éditeur) 
Pages : 234
Format (en cm) : 15,2 x 23
Dépôt légal : octobre 2015
ISBN : 979-10-91506-37-3
Prix : 16 €



François Schnebelen
21 janvier 2016


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