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Positif
David Wellington
Bragelonne, L’Ombre, traduit de l’anglais (Etats-Unis), fantastique, 493 pages, novembre 2015, 23€

On connaît David Wellington : il ne fait pas dans la dentelle, il s’intéresse à ce qui marche commercialement, et surtout à ce qui mord. Après la trilogie « Zombie Nation » (Milady), après la tétralogie « Vampire Story » (chez Milady également, mais un cinquième tome « 32 Fangs », reste à traduire), après deux romans consacrés aux loups garous (« Frostbite », et « Overwinter », non traduits à ce jour), David Wellington revient à ses premiers mordeurs, à savoir les zombies.



« Le monde est mort il y a vingt ans, Stones. On ne fait qu’en grignoter la carcasse. »

Triste monde que celui dans lequel a grandi Finnegan. Suite à une épidémie zombie, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l’humanité (du moins des Américains, car, comme bien souvent dans ce type de récit, on serait bien en peine de trouver le moindre détail quant au reste du monde) a été détruite. Seules subsistent quelques grandes villes, comme Manhattan, dont la topographie était propice à la transformation en enclaves, et pour lesquelles les vastes cours d’eau ont servi de barrières : les zombies sont lents et ne savent pas nager. Dans ces villes, on survit en pillant ce qui reste dans les magasins, en pêchant ce que l’on peut, y compris dans les stations de métro inondées. Mais, avec un virus à incubation lente, pouvant aller jusqu’à vingt ans avant la transformation, il n’y a jamais vraiment de sécurité, jamais vraiment de statu quo. Finnegan en fait l’amère expérience : lorsque l’on découvre qu’il a eu un contact avec une personne infectée à sa naissance, il est envoyé au loin, dans un centre spécial. Vu son âge, il n’aura pas à y passer plus de dix-huit mois avant d’être déclaré indemne.

« Le plus grave, avec la faim, c’est qu’elle fait de vous un zombie. Vous arrêtez de penser. D’abord, vous êtes simplement distrait. Votre cerveau cesse de fonctionner pendant quelques secondes, puis plusieurs minutes d’affilée. Une phase dangereuse : les gens distraits sont des proies faciles. »

Mais rien ne se passe comme prévu. La personne qui devait l’escorter vers ce centre est tuée. Finnegan se retrouve seul, désarmé, dans un monde hostile peuplé de zombies, de simples pillards, de véritables pirates. Cherchant, depuis Manhattan, à rejoindre malgré tout ce centre de surveillance dans l’Ohio, il fera en chemin le dur apprentissage de la vie. Entre zombies perpétuellement affamés, gangs de bikers à la Mad Max et autres personnages plus troubles encore, il réussira néanmoins à tracer son chemin. Pour découvrir, une fois parvenu à destination, que le centre médical destiné à le surveiller n’est rien d’autre qu’un abominable camp de concentration.

« Au pied de l’obélisque se trouvaient quatre fontaines, une de chaque côté. C’est là que nous avons retrouvé les habitants disparus d’Indianapolis. Ou du moins leurs os. (…) Ces squelettes carbonisés formaient des pyramides deux fois aussi hautes qu’un homme, plus larges que certains des immeubles autour de nous. »

Parvenant à fomenter une révolte, Finnegan s’échappe avec des centaines d’autres « positifs ». C’est le début d’une nouvelle odyssée, cette fois loin des villes, à travers les grands espaces. Mais c’est aussi une chute de Charybde en Scylla : car si subsistent ici et là des embryons de police (rémunérés en fonction du poids d’oreilles de zombies qu’ils parviennent à ramener) et des résidus d’armée, les États-Unis entiers sont en passe de tomber sous la coupe des prophètes d’un nouveau culte, celui du Dieu Squelette, qui n’a rien à envier aux sectes les plus cruelles et les plus sataniques de l’Histoire. Fondateur et maire d’une nouvelle ville reculée hébergeant les “positifs”, Finnegan devra non seulement organiser la survie alimentaire, mais aussi tenir tête aux émissaires du dieu squelette.

« Une lueur alarmante brillait dans ses yeux. Elle m’était familière. Une sorte d’exaltation un peu folle. Le besoin désespéré de vivre dans un monde en flammes. L’idée, jamais exprimée à voix haute, que la fin de la civilisation était une bonne chose. L’occasion de considérer sa vie comme un spectacle extraordinaire et déchirant sur la scène d’un théâtre grandiose. »

Le propos est évident : les vivants ne valent pas mieux que les morts. D’un bout à l’autre de « Positif », les humains – ou tout du moins une partie d’entre eux – sont bien pires que les zombies. Ces derniers apparaissent d’ailleurs beaucoup plus comme un prétexte, le simple ressort de l’apocalypse, plutôt que comme le sujet premier, qui est et reste l’humanité elle-même.

On regrettera que l’argument initial de « Positif » – le temps d’incubation variable du virus – ne soit ici ni développé, ni même correctement exploité. En effet, sur le simple plan de la cinétique épidémique, un degré d’incubation lent ou même variable est totalement incompatible avec le résultat catastrophique décrit par David Wellington. Par ailleurs, les décisions prises par les autorités compétentes au sujets des “positifs” (sans test et sur des simples suppositions de contact) sont incohérentes (voir Finnegan d’un côté, son père de l’autre) et ces incohérences se répètent : mettre tous les contacts dans des conditions de promiscuité fait que lorsque l’un d’eux se transforme, tous les autres devraient repartir au point zéro… c’est-à-dire rester vingt ans de plus dans le centre. On le voit : ce qui constituait au départ une profonde originalité du roman, insuffisamment et surtout mal exploité, génère hélas une série d’incohérences et, au lieu d’instaurer une dimension dramatique et une tension supplémentaires, finit par nuire au roman et se diluer dans une accumulation de péripéties plus classiques.

Malgré cette limite, « Positif » se lit comme un véritable roman d’initiation et d’aventures. On connaît Wellington, qui écrit à l’arrache, à la mitrailleuse, à l’efficacité pure, avec des chapitres courts et taillés au scalpel (ici cent cinquante et un) et un sens de l’action et du suspense qui ne se démentent quasiment jamais. « Positif » comprend de belles réussites, avec par exemple l’une des scènes inaugurales qui, en évitant tout effet gore, est pourtant terrifiante (nul doute que ses lecteurs ne regarderont plus jamais un homard de la même façon), ce chapitre à Trenton où Finnegan et ses amies manquent de périr dans une allée qui n’est dégagée que pour servir de piège, ou encore cette scène dans un supermarché où les “positifs” se comportent comme des zombies, bel hommage au classique cinématographique de George Romero. Mais ce ne sont là que quelques-unes des péripéties “annexes” d’un roman qui par ailleurs n’en manque pas. Tendu, nerveux, animé, avec une fin en mi-teinte, mais néanmoins optimiste, plus ambitieux que les précédentes œuvres de David Wellington, « Positif », d’une lecture facile, apparaît donc comme un bon roman de zombies et de distraction.


Titre : Positif (Positive, 2015)
Auteur : David Wellington
Collection : L’Ombre
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Benoit Domis
Couverture : Adam Johnson / Jayne Szekely / Arcangel / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 493
Format (en cm) : 15,2 x 23,6
Dépôt légal : novembre 2015
ISBN : 9782352948919
Prix : 23 €


David Wellington sur la Yozone :

- « 13 balles dans la peau (Vampire Story I) »
- « 99 cercueils (Vampire Story II) »
- « Vampire zéro (Vampire Story III) »
- « 23 heures (Vampire Story IV) »


Hilaire Alrune
11 décembre 2015


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