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Et elle me parla d’un érable, du sourire de l’eau et de l’éternité
Antoine Paje
Fleuve, littérature générale avec pointe de fantastique, 290 pages, novembre 2015, 17,90€

Sous un titre élégant, Antoine Page, déjà auteur d’un roman intitulé « Et il me parla de cerisiers, de poussières et d’une montagne… » récidive avec « Et elle me parla d’un érable, du sourire de l’eau et de l’éternité. » Un petit roman sans surprises, mais qui devrait aider certains lecteurs, ou certaines lectrices, à passer des caps pas toujours faciles de l’existence et leur permettre, qui sait, d’avoir une vie un peu meilleure.



« Sur quarante-sept millions de minutes, nous sommes en réalité le fruit de quelques milliers, voire de quelques centaines d’entre elles. »

La thèse essentielle du roman d’Antoine Paje est une vision assez particulière de l’existence : dans le défilé des évènements qui constituent nos vies, dans ce qui façonne notre présent et nos souvenirs, dans ce qui nous détermine et nous structure, quelques minutes apparaissent essentielles. Ce sont des instants pivots, de véritables charnières, constitués d’occasions que nous savons ou non saisir, mais sur lesquels nous pouvons revenir pour apprendre. Que ces occasions, lorsqu’elles sont manquées, puissent être ou non réversibles, que l’on puisse ou non revenir en arrière, voilà ce que l’auteur s’apprête à étudier, en emportant le lecteur à sa suite.

«  Il y a surtout cette conviction que la plupart d’entre nous partagent. La fausse, très fausse certitude qu’une minute perdue est toujours rattrapable. »

C’est à travers la vie Alexandre, jeune cadre parisien employé dans un cabinet de conseil financier, à travers la vacuité de son existence, à travers ses plaisirs simples, ses insuffisances, ses rencontres et relations, et pour finir son licenciement qu’Alexandre Paje nous propose d’étudier ces instants qui nous façonnent et nous déterminent, ces instants qui doivent, si nous devenons capables de les saisir, nous permettre de déterminer et de façonner nous-mêmes, de manière active, nos propres existences. Une série de chapitres courts, suivis à chaque fois de quelques paragraphes didactiques destinés à expliquer aux lecteurs ce qui s’est passé ou, au contraire, aurait pu se passer.

Les gens qui meurent et auxquels on n’a peut-être pas suffisamment prêté attention ; les amis qui réussissent leur vie, les rencontres que l’on fait ou que l’on ne fait pas : tous ces éléments de la vie quotidiennes sont donc ainsi commentés, en visions parfois simplificatrices, en « explications de textes » dignes d’un manuel scolaire qui en horripileront certains et en séduiront d’autres.

« Ce dernier avait projeté l’image des ruines sinistres de sa vie, avec une telle réalité qu’il avait fini par y croire. »

Les plus ironiques, ou ceux qui sont capables de porter sur eux-mêmes et sur les autres un regard un tant soit peu lucide ne manqueront pas, sans doute, de crier à la sagesse de bonne-maman, à la psychologie de comptoir et à la philosophie de supérette. Certes, si Antoine Paje cite – très brièvement – Marc-Aurèle, Confucius, ou William Ernest Henley, le moins que l’on puisse dire est qu’il prend le soin, à la fois par une écriture purement utilitaire et par la mise en évidence d’éléments que la plupart auront déjà saisis bien avant d’ouvrir un tel roman, de ne pas faire trop compliqué. Mais il est vrai aussi qu’en abordant des phénomènes psychologiques largement répandus tel que l’auto-apitoiement ou la sinistrose, il devrait aussi pouvoir être utile à quelques millions de personnes à travers l’hexagone.

Fort heureusement, Antoine Paje, malgré ce didactisme appuyé, malgré une vision assez réductrice où les individus les moins respectables sont simplement des bougons ou des maladroit n’assène pas de vérités dogmatiques et ne tombe pas dans un style « gourou new-age » au sujet duquel il ne manque pas d’ironiser, dénonçant les “charlatans surfant sur une mode très lucrative” et un “magma de gadgets mentaux à la mode, revisités par des gourous autoproclamés alimentant leur compte en banque.”

«  Lorsque j’écoute une chanson, je ne fais que cela. Lorsque je mange, je mange. Lorsque je respire, je respire. Lorsque j’admire un arbre, je me concentre sur ses feuilles ou ses branches dénudées. »

Il y a dans ce roman une petite pointe de fantastique avec cette feuille d’érable qui revient encore et encore, cette jeune femme à cheveux sombres que l’on n’aperçoit que fugacement et de dos, noire pour les uns, blanche pour les autres, et dont les avatars portent des noms évoquant eux aussi le fameux érable. Cette jeune femme, souvent accompagnée d’un soupir, cette silhouette qui plane sur la plus grande partie du roman et semble aussi impondérable qu’une feuille morte portée par le vent, qui est-elle, qu’est-elle ? La Mort, la fée qui se penche sur l’existence d’Alexandre, la personnification de son destin, le symbole des occasions perdues, une émanation de son esprit aux fameuses « minutes » les plus cruciales de son existence ? Au lecteur de s’en faire une idée en abordant la dernière partie du récit.

Très ancré dans le contemporain, « Et elle me parla d’un érable, du sourire de l’eau et de l’éternité  » peut donc apparaître également comme une fable, avec des instants de magie et de poésie. Une magie et une poésie sur lesquelles le didactisme et la psychologie toutefois l’emportent, prééminence que les puristes pourront regretter et qui contribue à faire de «  Et elle me parla d’un érable, du sourire de l’eau et de l’éternité  » un ouvrage hybride, mi-roman mi-manuel, qui devrait toutefois parler à un vaste public.


Titre : Et elle me parla d’un érable, du sourire de l’eau et de l’éternité
Auteur : Antoine Paje
Couverture : non créditée (sur version « épreuves non corrigées »)
Éditeur : Fleuve
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 290
Format (en cm) :13 x 20
Dépôt légal : novembre 2015
ISBN : 978-2265099159
Prix : 17,90 €



Hilaire Alrune
13 novembre 2015


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