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Passe-Miroir (La), tome 2 : Les Disparus du Clairdelune
Christelle Dabos
Gallimard Jeunesse, roman (France), fantasy, 560 pages, octobre 2015, 18€

Introduite auprès de Farouk, l’esprit de famille de l’arche de son futur époux, Ophélie fait encore des merveilles de maladresse, et se retrouve bombardée vice-conteuse. Sa première prestation tourne étrangement, tandis que le conte d’Anima qu’elle a choisi éveille, du moins elle l’espère, quelque chose dans l’esprit de Farouk. Elle conserve ses bonnes grâces, et revient au théâtre, soir après soir, façon Shéhérazade, conter pour lui et la cour. Berenilde, proche du terme, la soutient également. Thorn, fidèle à lui-même, est froid comme jamais, et s’assure que sa fiancée reste en vie jusqu’à leur mariage. Pour cela, il l’envoie, dès son premier faux pas, loin de la cour, à Sables-d’Opale, une station balnéaire en bordure de l’Arche. C’est là qu’elle retrouvera sa famille. Là que Berenilde pourra accoucher loin des intrigues et des traîtres.
Néanmoins, quand certains nobles Mirages disparaissent mystérieusement dans l’enceinte du Clairdelune, le domaine de l’ambassadeur Archibald et lieu le plus sûr de la Citacielle, c’est à Ophélie que Farouk, avec son esprit aussi vagabond que sa mémoire, fait appel.



Il est toujours difficile de parler des seconds volumes d’un cycle. Surtout lorsque le premier était aussi époustouflant que « Les Fiancés de l’Hiver ». « Les Disparus du Clairdelune » confirme avec brio tous nos espoirs : Christelle Dabos mérite amplement sa place, sur nos étagères, à côté de J.K. Rowling. Voire, n’ayons pas peur, devant l’Anglaise.

Son univers est plus riche, plus dense, et surtout plus sombre. Son histoire de mariage arrangé révèle un jeu et des enjeux politiques aux cœurs desquels Ophélie, son héroïne maladroite, surnage au petit bonheur, ignorante des règles qui régissent les lieux, les relations et les convenances.
Nous l’avions laissée aux portes du palais. La voici présentée à Farouk, l’esprit de famille du Nord, un géant en apparence indolente et mou, dépourvu de mémoire, contraint de se reporter sans cesse à ses notes, fort succinctes, pour simplement savoir qui sont certaines personnes. Ophélie découvrira cependant que si certains se sont risqués à vouloir trafiquer cette mémoire écrite de leur maître, ils l’ont payé très cher... Car la justice de Farouk est implacable, et la peine pour un noble est la Mutilation, une déchéance de son pouvoir familial et de sa mémoire.
Au fil des pages, entre les tentatives d’Ophélie de réveiller la conscience de Farouk au travers d’un conte, son exil -juste au cas où- à la station balnéaire de Sables-d’Opale et l’enquête sur les mystérieuses disparitions dans les appartements de l’ambassadeur Archibald, on cerne peu à peu les motivations de Thorn quant à ce mariage arrangé. Certaines zones d’ombre de ses origines s’éclaircissant, certaines échéances politiques s’annonçant, Ophélie peut enfin emboiter les pièces de ce puzzle dont elle fait partie : Thorn est un homme de devoir, avant tout. Il lui sacrifie tout, mais se refusera à ce que d’autres en subissent les conséquences. Bon, il est toujours aussi froid, et malgré ses pitoyables efforts pour paraître humain, notamment aux yeux de la famille d’Ophélie, il reste douloureusement pragmatique et clinique en toute occasion. Je vous laisse anticiper le choc avec sa remuante future belle-famille. Il n’en demeure pas moins de plus en plus attachant dans son intégrité et sa quasi-perfection, comme on ne peut s’empêcher d’apprécier une mécanique parfaitement huilée.
Thorn est à l’image de l’intrigue de ce second volume : complexe et parfaitement organisé. Pour reprendre ma comparaison avec l’autrice de la saga Harry Potter, Christelle Dabos fait montre d’une minutie phénoménale, chaque indice distillé l’est innocemment mais jamais inutilement, et participe également à la richesse foisonnante de son univers.
Enfin, au-delà de l’enquête, l’autrice développe davantage la question de la divinité et de la Création, sujet central, avec la lecture du Livre de Farouk. Les bribes semées dès le premier tome achèvent là aussi de prendre forme, interrogeant le lecteur sur les principes fondamentaux de la religion et de la foi. Je suis peut-être un peu dubitatif sur l’entrée en jeu de l’Autre, mais sa nature est encore trop peu connue (est-il le Libre-Arbitre ?) pour juger.

« Les Fiancés de l’Hiver » était magnifique, intrigant, envoûtant, « Les Disparus du Clairdelune » est époustouflant, succulent, terrifiant. Ces 560 pages se dévorent sans qu’on s’en rende compte, pressés que nous sommes de savoir, tout, de la prochaine gaffe d’Ophélie qui la mettra en difficulté, la prochaine rencontre avec Thorn, le moindre rebondissement qui tournera de façon inattendue, car nous sommes tout aussi ignorants que l’héroïne des us et coutumes de l’Arche. Et plutôt que nous induire en erreur, Christelle Dabos semble se plaire à nous offrir des réponses aussi logiques, dans son univers, qu’imprévisibles.

On en redemande, mais il faudra être patients. Et vu comment fini ce tome, l’attente sera insoutenable...

EDIT mai 2017 : Le tome 3 « La mémoire de Babel » sortira le 1er juin 2017 !


Titre : Les Disparus du Clairdelune
Série : La passe-miroir, tome 2/4
Auteur : Christelle Dabos
Couverture : Laurent Gapaillard
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 560
Format (en cm) : 22,5 x 15,5 x 4,2
Dépôt légal : octobre 2015
ISBN : 9782070661985
Prix : 18 €


La Passe-Miroir
1 : Les Fiancés de l’Hiver
2 : Les Disparus du Clairdelune
3 : La Mémoire de Babel
4 : La Tempête des échos


Nicolas Soffray
26 mai 2017


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