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Mimsy Pocket et les Enfants Sans Nom
Jean-Philippe Arrou-Vignod
Gallimard Jeunesse, roman (France), 336 pages, mars 2015, 14,90€

Durant cet hiver glacial, le micro-état de Sillyrie est sur le point de signer un accord de paix durable avec son avide voisin : le jeune grand-duc, qui vient de succéder à son défunt père, part pour un monastère à la frontière, lieu neutre où sera ratifier le traité. Sur le conseil de son nouveau ministre Sven Martenson, le garçon emmène avec lui le jeune Magnus Million, fils du plus riche industriel de la ville, neveu dudit ministre et, ainsi qu’il l’a prouvé dans un passé récent, loyal sujet du duché. Car si l’ancien ministre et ses sbires, qui complotaient pour prendre le pouvoir, ont disparu, Martenson n’est pas tranquille pour autant.
Pendant ce temps, dans la ville basse, la jeune voleuse Mimsy Pocket, amie de Magnus, manque se faire enlever par une bande d’hommes-loups. Craignant pour ses amis, elle découvre qu’ils n’ont pas eu cette chance. Pour les retrouver, elle se laisse attraper.



Jean-Philippe Arrou-Vignod est un nom connu des jeunes lecteurs, ses livres souvent conseillés à l’école et en début de collège. Abandonnant temporairement ses héros scolaires, le voilà qui s’attaque à la fantasy. J’ai hélas manqué la sortie de « Magnus Million et le dortoir des cauchemars », depuis sorti en Folio, et « Mimsy Pocket et les Enfants Sans Nom » en est la suite. Ce qui est très mal signalé.
Si le roman se lit plutôt bien tout seul, son intrigue fait quand même beaucoup appel à la connaissance des personnages de « Magnus Million... », pour la simple raison que les deux « méchants » du premier volume sont au cœur de l’intrigue de celui-ci.

Magnus et le grand-duc Nikklas sont accueillis au monastère par frère Gregorius, nouvellement arrivé, prétendu amnésique, et défiguré. Omniprésent, devenu très vite le bras droit du père abbé, il ne faut pas être plus grand clerc que Magnus pour se douter qu’il est impliqué dans les tragiques événements qui secouent le séjour du grand-duc. Et donc de deviner sa véritable identité, si on a lu le tome précédent.

Du côté de Mimsy, après un harassant voyage aux mains d’hommes cruels, les enfants arrivent dans une maison qui à tout de l’orphelinat de rêve, dirigée par une Dame en noir qui semblent réellement décidée à prendre soin d’eux. Mais c’est encore une cage, fût-elle dorée, pour Mimsy, qui décide de fuir malgré tout.
On mettra davantage de temps à découvrir l’identité de la dame en question. Mais contrairement à Frère Gregorius et sa soif de pouvoir et de vengeance, elle s’est tourné vers la rédemption en essayant de faire le bien pour effacer le mal dont elle a été à l’origine.

La rencontre de Magnus, laissé pour mort par Gregorius, avec le peuple nomade tirghiz, est l’occasion d’une intéressante confrontation de civilisations, entre magie ancestrale et pré-industrialisation. C’est aussi, révélée par petits bouts, l’origine de la naissance d’une fille à cheval entre ces deux mondes.

Si le livre se lit très bien, il m’a parfois été difficile, en tant que lecteur adulte (j’insiste sur ce point, je ne suis pas le public cible), de concilier le classicisme presque grossier de certaines ficelles, présentées ci-dessus, et la richesse du fond, mêlant mythologie d’Europe du nord, début de l’ère moderne industrielle, complot politique et problèmes sociaux, avec au premier plan la misère et l’abandon des orphelins à leur sort. La relative brièveté du livre (330 pages) pousse l’auteur à aller à l’essentiel, et à nous mettre sous les yeux, bien en évidence, toutes les pièces dont on a besoin pour reconstituer le puzzle, et pas une de plus. Le tout au fil d’une action soutenue.
Mais c’est un point de vue adulte, je le répète. Pour les plus jeunes, cela n’en rend la compréhension des deux lignes narratives que plus facile et met en lumière ce fond justement si intéressant, et pour le coup bien plus original dans le paysage de la fantasy jeunesse actuel.
J’hésite d’ailleurs à parler de fantasy. Guère de magie (chez les Tirghiz), et une histoire davantage politique (côté Magnus) et sociale et familiale (Mimsy), dans un pays qui n’existe pas plus que la Syldavie et la Bordurie d’Hergé, mais qui ressemble tout autant à une Europe en construction, il y a un siècle ou deux.

C’est donc avec sa touche personnelle que Jean-Philippe Arrou-Vignod ajoute sa pierre à l’Imaginaire jeunesse, tout en subtilité, loin des best-sellers arborant dragons et sorciers dès la couverture. L’aventure n’en est pas moins haletante, le frisson au rendez-vous, l’émotion tout autant. Une excellente transition entre deux genres littéraires, la fiction réaliste et l’imaginaire.


Titre : Mimsy Pocket et les Enfants Sans Nom
Série : fait suite à Magnus Million et le dortoir des cauchemars
Auteur : : Jean-Philippe Arrou-Vignod
Couverture : Erwan Surcouf
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 336
Format (en cm) : 22,5 x 15,5 x 3
Dépôt légal : mars 2015
ISBN : 9782070665594
Prix : 14,90 €



Nicolas Soffray
2 septembre 2015


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