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Bifrost n°79
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°79, science-fiction, nouvelles - articles - entretiens - critiques, juillet 2015, 196 pages, 11€

Yves et Ada Rémy sont indissociablement rattachés à leur premier roman : « Les Soldats de la mer », un fix-up fantastique des plus marquants et devenu un classique, un incontournable du genre. Depuis 1968, il a été repris à plusieurs reprises, dont la dernière en date par Dystopia, maison d’édition où leur quatrième roman « Le Mont 84 » dans le même univers vient de sortir. Mais la chronique de ce livre dans le présent « Bifrost » montre qu’il n’est pas de la même veine, bref nettement moins inspiré.
D’ailleurs on peut regretter que ce soit ici la seule recension d’un de leurs ouvrages. Pour les quatre romans qu’ils ont publiés et le récent recueil « Le Prophète et le vizir », il aurait été souhaitable de les trouver décryptés à la suite de l’entretien, mais il n’en est rien.



Le dossier se résume à une nouvelle, une bibliographie et un long entretien. Ce dernier nous permet de découvrir le couple, dont on connaissait son implication dans le milieu télévisuel. C’est aussi l’occasion d’en apprendre plus sur leurs rares ouvrages. Comme d’habitude, Richard Comballot mène l’interview de main de maître.
Dans le texte “Naissance, vie et mort d’un fantôme”, le couple se met en scène dans le cadre d’un reportage dans le milieu de l’aviation. Sur le ton de la confidence et dans la peur que ses interlocuteurs ne se moquent de lui, un pilote évoque des révélations qu’il tient d’un collègue de la Luftwaffe qui a volé sur l’avion maudit F 104 Starfighter.
Fantastique discret mais inquiétant, d’autant que l’histoire provient de personnes censées avoir la tête sur les épaules. Nouvelle attachante et montrant tout le potentiel d’Yves et Ada Rémy.
Il est clair qu’ils méritaient un dossier, car « Les soldats de la mer » n’ont pas fini de fasciner, mais je l’aurais aimé un peu plus consistant.

Au rang des nouvelles, Laurence Rivière nous offre un Docto Who à la française : “Facteur X”. Il n’y a pas besoin d’être un grand connaisseur du maître du temps et de son fameux vaisseau, le Tardis, pour voir l’affiliation et goûter l’histoire de cette saga française parallèle mettant en scène un postier. Peut-être que cela fonctionne d’autant mieux que l’on a dépassé les quarante ans, ce qui permet de connaître un minimum tous les protagonistes réels évoqués.
En tout cas, c’est subtil, érudit aussi, car l’auteure donne tous les accents de la réalité à cette série télé. Le résultat s’avère impressionnant. Je n’avais jamais entendu parler de Laurence Rivière auparavant, mais son nom mérite d’être retenu.

“Les légions du temps” permettent aux lecteurs de retrouver un très grand nouvelliste : Michael Swanwick. À chaque apparition, il séduit par son imaginaire et le présent texte, couronné d’un Hugo, ne déroge pas à la règle. Eleanor trouve enfin un emploi, une sinécure car son employeur, M. Tarblecko, l’a chargée de surveiller un placard. Si jamais il se passe le moindre truc, elle doit appuyer sur un bouton. À ne quasi rien faire, il va de soi qu’elle a le temps de gamberger, de penser à sa mission. Et un jour, elle dépasse ses prérogatives, ce qui n’échappe pas à M. Tarblecko qui lui montre que sa vie ne tient qu’à un fil. Loin de la décourager, elle décide de pousser plus loin ses investigations.
Le début s’avère très intriguant et ne sert qu’à alimenter notre curiosité sur ce qu’est censé abriter le placard. Quand Eleanor franchit le pas, nous permettant d’assouvir cette soif de savoir, on reste dans le classique. Rien de vraiment surprenant, mais ce passage débouche sur quelque chose de bien plus grand, sur les vraies révélations qui dépassent de loin le cadre simple de l’introduction. Michael Swanwick nous sort le grand jeu avec une science-fiction ébouriffante que l’on était bien loin de soupçonner. Impossible de ne pas être bluffé et admiratif devant cette nouvelle ne cessant d’évoluer vers quelque chose de toujours plus grand.
Si les allusions à un possible recueil de l’auteur au Bélial’ devenaient une réalité, les lecteurs ne pourraient que se féliciter de l’aubaine.

Reste une nouvelle, et quelle nouvelle ! “Nuits cristallines” de Greg Egan. Il nous y présente rien de moins qu’un homme voulant devenir Dieu. Le richissime Daniel Cliff a développé une nouvelle génération de processeurs afin que l’intelligence artificielle devienne enfin une réalité. Cela demande d’importants moyens, de s’entourer de gens compétents et de ne pas hésiter à sacrifier d’innombrables cobayes numériques. Pour aller vite, il faut mettre de côté sa conscience, vivre avec des génocides réguliers pour aiguiller les Phites dans la bonne direction...
Greg Egan développe son idée de départ de façon magistrale, il se sert de la science comme d’un tremplin pour l’installer dans un avenir possible. Ce qui est aussi très bien, c’est qu’il ne s’arrête jamais, qu’il pousse son idée toujours plus loin, voit toujours plus grand pour un meilleur émerveillement des lecteurs. Et il n’oublie pas le côté moral de ces expériences. C’est magistral ! Simplement inoubliable !
Greg Egan m’a donné un bon coup de massue, il a rentré “Nuits cristallines” à force coups de maillet dans ma tête. « Le pape de la SF moderne » qu’ils disent en introduction du texte. Je leur accorde volontiers la formulation.

Près de 40 pages de chroniques de bouquins et de revues, avant “Paroles de libraire” avec la librairie Arthaud et “Scientifiction” où le professeur Lehoucq s’intéresse à « Interstellar » et son fameux trou noir. De la science dure présentée de manière prenante et ludique.

Ce numéro 79 de « Bifrost » abrite quelques pépites et c’est aussi l’occasion de retrouver Yves et Ada Rémy. Un « Bifrost » de haut vol !


Titre : Bifrost
Numéro : 79
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Manchu
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 79, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : juillet 2015
ISBN : 978-2-913039-76-6
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 196
Prix : 11€



Pour contacter l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
7 août 2015


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