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Sang pour sang
Barry Lyga
Le Masque, MSK, traduit de l’anglais (États-Unis), policier, 435 pages, mai 2015, 17€

Est-il encore possible de faire du neuf avec ces maudits serial-killers qui depuis la formidable impulsion donnée par le fameux Hannibal Lecter de Thomas Harris se sont mis à croître et se multiplier jusqu’à plus soif ? La réponse est oui, sans doute, car il se trouve toujours des auteurs pour trouver à des thèmes que l’on pourrait croire éculés de nouvelles facettes. C’est en mettant en scène un adolescent tiraillé entre les pulsions homicides héritées et inculquées par son père et l’aspiration à devenir un individu humain comme (à peu près) tout le monde que Barry Lyga est parvenu à innover sur le sujet. Un exercice périlleux, à la limite du morbide, mais que l’auteur parvenait, à travers les deux premiers romans de ce triptyque à développer sans (trop) épouvanter ses lecteurs.



« Certes, il est difficile d’évaluer le degré de morbidité d’un corps à l’œil nu, mais c’était sans aucun doute une des personnes les plus mortes que Hughes ait jamais vues, et il en avait croisé quelques-unes. »

Il est impossible d’aborder « Sang pour sang » sans résumer brièvement les deux précédents volumes. Dans « I hunt killers », nous avions découvert Jasper « Jazz » Dent, un adolescent qui aurait été comme les autres s’il n’avait eu pour père William Dent, alias Billy, alias l’Artiste, alias Green Jack, un des plus fameux tueurs en série des États-Unis. Tout ce qu’il avait appris de son père, il le mettait au service d’une juste cause, la traque de l’Impressionniste, sérial-killer imitant le père de Billy dans la petite ville de Lobo’s Nod. Dans « Game », second volet des aventures de « Jazz » Dent, l’adolescent était recruté par un flic du NYPD pour enquêter sur des crimes en série – une série à laquelle prenaient part différents tueurs, mais aussi le père de Jazz lui-même. Et au terme de ce second roman, tous se retrouvaient dans de bien fâcheuses postures : Jazz presque mourant dans un garde-meubles, sa petite amie Connie aux mains de son serial-killer de père, et son meilleur ami, Howie l’hémophile, dans une situation elle aussi passablement douteuse.

« Amener le petit Dent à New York revenait quasiment à déverser du napalm dans un champ de pétrole.  »

_ Hughes le flic new-yorkais qui peu de temps auparavant a jugé bon de recruter Jazz s’en mord les doigts, et sans doute plus encore. Il y avait des macchabes ici et là, maintenant il y en a partout. Il semble bien, lorsque l’on le retrouve, que ce soit Jasper lui-même qui ait tué son adjointe, Moralès. Et il est certain que c’est lui qui, en s’échappant de l’hôpital, ait un peu assommé quelques-uns des agents chargés de l’y confiner

Sale temps pour Jazz Dent. Il lui faut prouver son innocence, dénicher et neutraliser son père, sauver Connie, retrouver sa mère depuis longtemps disparue, sans doute liquidée par son père, qui semble toutefois être miraculeusement vivante, et mettre un terme aux agissements d’autres tueurs chevronnés qui semblent bien décidés à continuer à s’amuser comme des fous. Et Billy Dent joue avec son fils un jeu extrêmement pervers : si son propre fils parvenait à le tuer, cela signerait son entrée dans le jeu comme un brillant successeur – un successeur auquel il destine son trône depuis maintenant plus d’une décennie.

« Aussi incroyable et improbable que la chose puisse paraître, les Corbeaux semblaient être une sorte de réseau social de tueurs en série. »

S’ensuit alors non pas un infernal jeu du chat et de la souris, mais un chassé-croisé perpétuel entre un prédateur chevronné, expérimenté, et un jeune homme qui a dans le sang la sagacité, la combattivité, et peut-être aussi la perversité de son père. Un jeu compliqué par l’apparition de la mère de Billy que le jeune homme doit absolument sauver, et par la présence de sa tante Sam, qui pourrait bien être des deux côtés à la fois. Un jeu compliqué également par la venue du policier Hughes dans la ville natale de Dent, Lobo’s Nod, où, comme dans tout bon western, tout va finir par se terminer – le shérif Tanner, grand ami de Jazz et premier flic à avoir autrefois identifié Billy comme serial-killer, sera lui aussi de la partie.

Si l’on excepte la fuite de Jazz de l’hôpital et la manière dont il regagne Lobo’s Nod au nez et à la barbe de tous, qui semble bien peu vraisemblable et relever plus du thriller cinématographique au scénario hâtif que d’un véritable roman, « Sang pour sang » tient l’ensemble de ses promesses. Ce troisième volume conserve le rythme des deux précédents, les doutes s’insinuent, les rebondissements et révélations s’accumulent, et, surtout, l’auteur parvient à recréer, à chaque confrontation entre Howie, Connie ou Jazz d’une part, et Billy Dent d’autre part, de très forts moments de tension. De surcroît, la problématique fondamentale de l’univers de Barry Lyga – le dilemme de Jazz qui doit tout faire pour éviter de céder lui-même à ses pulsions homicides – en faisant perpétuellement partie de l’intrigue, que ce soit au premier plan ou en trame de fond, lui donne une homogénéité, une cohérence et un aspect dramatique qui lui évitent de tomber dans les facilités du simple thriller à rebondissements. Mission accomplie donc pour Barry Lyga qui est parvenu à tenir la course de fond sur ces trois volumes.


Titre : Sang pour sang (, 2013)
Auteur : Barry Lyga
Traduction de l’anglais (États-unis) : Mélanie Fazi
Couverture : Alison Impey / Designvisuel.com / Sara Baumgartner / Ivan Bliznetsov/Getty Images
Éditeur : Le Masque
Collection : MSK
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 435
Format (en cm) :15 x 21,5
Dépôt légal : mai 2015
ISBN : 9782702436950
Prix : 17 €


Barry Lyga sur la Yozone :
- La chronique de « I hunt killers »
- La chronique de « Game »


Hilaire Alrune
12 juillet 2015


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