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Alibis n°54
L’anthologie permanente du polar
Revue, n°54, polar, noir & mystère, nouvelles - articles – critiques - interview, printemps 2015, 160 pages, 12,95CAD

Comme chaque année, André Jacques propose un bilan du polar québécois sur l’année écoulée. 2014 s’avère un bon cru, aussi bien en qualité qu’en quantité. Le nombre de titres est en constante augmentation et de plus en plus d’éditeurs publient des polars. Tout pourrait être pour le mieux, mais les apparences sont un peu trompeuses et il le montre bien.
En effet, quasi pas de traductions de ces ouvrages. Si de nombreux polars d’auteurs français sortent au Québec, la réciproque n’est pas vraie. C’est d’autant plus regrettable qu’au vu de la liste dans laquelle il a forcément dû faire des choix, il y a vraiment matière à combler un lectorat plus large. À juste titre, il remarque aussi que les éditeurs ne créent pas forcément de collections dédiées, certains se mettent au policier, mais sans l’afficher ouvertement.
Un article très intéressant et propice à ouvrir le débat sur les moyens à mettre en place pour une diffusion plus large.



Pour cet épineux problème, la revue « Alibis » se pose d’emblée comme une formidable vitrine du polar au Québec.
Geneviève Blouin revient sur Marie, l’agente du SCRS mise au rencard suite à sa dernière mission (« Alibis 45 »). Elle assure à présent la sécurité d’un des dirigeants du service, alors qu’elle n’aspire qu’à revenir sur le terrain. Attendre devant une porte que la réunion se termine n’est pas dans son caractère. “N’en déplaise à James Bond” montre que Marie a plus d’un tour dans son sac et que l’auteure lui réserve un avenir mouvementé pour nous faire vibrer.

L’invité français de ce numéro, Yves-Daniel Crouzet, mène son récit sur deux fronts. D’un côté, “Petite sirène” est parsemé de dépêches annonçant un landau abandonné sur une plage et ses conséquences ; de l’autre, c’est l’histoire d’une mère et de sa petite fille qui aime jouer dans l’eau. Alors que les entrefilets dans les journaux deviennent toujours plus alarmistes, la maman éprouve de plus en plus de mal à retirer sa fillette du bain où elle passerait ses journées.
L’illustration de couverture, le titre et le déroulement suggèrent bien sûr le lien. L’auteur ne se mouille pas, il se contente d’évoquer quelques bizarreries et charge les lecteurs d’imaginer la conclusion heureuses ou malheureuse. C’est assez diabolique, car on espère bien sûr le meilleur pour la fillette, mais sans que ce sentiment soit forcément rationnel, car au passage on dédouane la mère de ses responsabilités. La construction et le questionnement sur la pertinence de ses actes constituent indiscutablement les points forts de ce texte, dont Yves-Daniel Crouzet explique la genèse sur son blog.

Jonathan Reynolds nous a plus habitués à œuvrer dans l’horreur que dans le genre polar ou noir, comme dans le cas présent. À lire “Les patins de Cassandra”, on retrouve bien son goût pour l’horreur, même si je pensais initialement plus à du bizarro, avec Cassandra toujours affublée de patins à roulettes. Le garçon qui s’entiche d’elle l’apprécie telle qu’elle est. Mais certains prennent un malin plaisir à se moquer de leur relation...
Ça commence doucement, puis ça s’accélère nettement avec des événements insolites, avant de finir sur les chapeaux de roues. Jonathan Reynolds a clairement le sens du rythme, il sait comment éveiller une curiosité malsaine avant de dévoiler toute l’horreur de la situation. En plus, pour un lecteur français, les expressions du cru apportent un dépaysement supplémentaire, tout en faisant plus vrai. Du beau travail !

Martine Latulippe illustre en quatre pages une terrible réalité. Souvent les voisins de pédophiles, de criminels ou autres ne se doutent de rien, comme cette femme qui apprécie particulièrement le jeune homme qui a emménagé à côté de chez elle. Ils ne discutent jamais, un sourire suffit à ce qu’il soit catalogué dans les gens sympathiques. “Crime par compassion” est bref mais efficace.

Dans “La balle dans le coude de Pancho Villa”, Camille Bouchard s’éloigne de l’univers des narcotrafiquants qui l’a particulièrement inspiré ces derniers numéros. Il revient sur l’histoire du chef révolutionnaire mexicain, sur sa mort et ses dernières années où il s’est acoquiné avec l’Allemagne pour distraire les Américains et les détourner de la guerre en Europe.
Comme d’habitude, Camille Bouchard mène parfaitement son récit, il nous embarque, mais cette nouvelle n’a pas la saveur des précédentes qui nous plongeaient dans l’enfer des trafics. Ici, on se trouve plus en territoire connu, perdant le côté malsain qui nous était dévoilé auparavant.
Il faut reconnaître que l’auteur a créé une certaine attente autour de sa série thématique et que “La balle dans le coude de Pancho Villa” s’en éloigne de trop pour réellement nous satisfaire.

Pascale Raud a rencontré Harlan Coben. Dans cet entretien, l’écrivain apparaît vraiment sympathique et accessible, alors qu’il est très impressionnant du haut de son mètre quatre-vingt quinze et qu’il possède une bibliographie couronnée de nombreux succès.
Christian Sauvé nous présente des films lorgnant aussi bien du côté de l’humour que des huis clos, sans oublier le retour de grands anciens dans le genre musclé. Lecture toujours aussi agréable.

Une fois de plus, « Alibis » nous emporte sur les territoires mouvants du polar, noir et mystère, ce dont on ne se plaindra pas, car la qualité est toujours au rendez-vous.


Titre : Alibis
Numéro : 54
Comité de rédaction et direction littéraire : Martine Latulippe, Jean Pettigrew
Couverture : Bernard Duchesne
Type : revue
Genres : nouvelles, entretiens, articles, critiques
Site Internet : Alibis ; numéro 54 
Période : printemps 2015
Périodicité : trimestriel
ISSN : 1499-2620
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
7 juin 2015


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