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Zodiac Station
Tom Harper
Bragelonne, thriller, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), 377 pages, février 2015, 20€

L’île d’Utgard, quelque part sur le cercle arctique, entre les archipels du Svalbard et François Joseph. Deux cents kilomètres du nord au sud. Au sud, une base scientifique, Zodiac Station, pouvant accueillir une vingtaine de chercheurs. À soixante kilomètres de là, Seal Point, une bâtisse où l’on peut partir en « villégiature » lorsque l’on souhaite s’isoler un moment. Au Nord-est, Camp Gemini, qui abrite une équipe de recherches pétrolières. Au nord-ouest, Vitangelsk, fantôme de ville minière autrefois occupée par les Soviétiques. Des ours, de la neige, et le redoutable glacier de l’Helbreen.



« Je pensais à tous ces gars morts de froid dans la neige, ces explorateurs victoriens qui croyaient pouvoir mener une expédition polaire avec une veste en tweed et une montre de gousset. »

Lorsque le brise-glace américain Terra Nova aborde l’île d’Utgard, il trouve un personnage qui leur dit venir de la base de Zodiac Station, dont il serait le seul survivant. La base vient littéralement d’exploser. Tandis qu’il relate les évènements, un hélicoptère décolle de l’USCGC Terra Nova et recueille deux autres rescapés. C’est donc à partir de trois narrations distinctes que les militaires américains vont essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé. Celle de Thomas Anderson tout d’abord, jeune scientifique ayant toujours rêvé de missions polaires et sélectionné subitement par Hagger, son mentor, qu’il trouve mort dans une crevasse le jour même de son arrivée. Puis Kennedy, le médecin de la base, puis Eastman, un second scientifique.

«  Si vous croyez qu’une ville fantôme enneigée c’est effrayant, attendez d’en visiter une pendant un avis de tempête. »

Accidents ou assassinats, difficile de conclure, mais toujours est-il que l’arrivée d’Anderson a signé le début des ennuis. Un mort, un blessé que l’avion, victime d’une panne inhabituelle, n’a pas pu évacuer. Dès lors, chacun se méfie, essaie de glaner ici et là quelques éléments. Il semblerait que Hagger, le défunt, ait entretenu des liens avec l’équipe des recherches pétrolières installée de l’autre côté de l’île. Il semblerait bien que l’un des scientifiques soit secrètement mandaté par une agence de renseignements. Se pourrait-il que l’île d’Utgard constitue un enjeu pour les grandes puissances, et si oui pour quelle raison ? Quel peut bien être le but de cette antenne radio géante dissimulée sous forme de câbles abandonnés dans la ville fantôme de Vitangelsk ? Les mystères s’accumulent : beaucoup de questions, et bien peu de réponses.

Si l’ensemble du roman fonctionne, on pourra critiquer certains choix narratifs, notamment quand le rescapé Thomas Anderson commence à raconter son histoire (au lieu de donner des détails utiles, il commence une narration très littéraire, façon dix-neuvième siècle, en commençant par son enfance, puis décrit l’île que ses auditeurs connaissent déjà, puisqu’ils sont dessus, etc. ), même si ce défaut est très vite oublié. Plus ennuyeuses, par contre, sont les allusions répétées à ces personnages toujours présents mais invisibles, les étudiants de Zodiac Station qui assistent les chercheurs comme s’ils étaient à la fois là et pas là, comme s’il était impossible qu’ils fassent partie de l’équation, qu’ils puissent prendre part à l’histoire, et être eux aussi des suspects. À chaque fois qu’ils apparaissent (par exemple pages quarante-deux, deux cent dix-huit, deux-cent-quarante-six, deux-cent-soixante-treize ) leur présence fait tiquer. Dans la mesure où ils n’apportent rien à l’intrigue mais génèrent une incohérence certaine, mieux eut valu qu’ils ne fassent pas partie du roman.

Malgré ces menus défauts, le thriller parvient à captiver le lecteur. Les lieux, s’ils sont décrits sans recherche particulière, prennent rapidement existence : ainsi de Zodiac Station avec son ambiance très particulière et de la ville fantôme de Vitangelsk. Le rythme est suffisamment soutenu pour maintenir l’attention, et, tandis que les narrateurs racontent chacun leur histoire, on commence à se demander qui ment, ou qui ment le mieux, ou qui ment le plus, et surtout si chacun est bien celui qu’il prétend être. Et l’on accumule vainement les hypothèses sans parvenir à anticiper la fin.

Une fin qui n’est pas sans évoquer certaine œuvre célèbre de Mary Shelley et vient un peu en rupture avec le reste du volume, d’une part parce qu’elle demeure assez peu vraisemblable sur le simple plan logistique (et que la piste donnée par l’auteur, à savoir un peu de matériel apporté en fraude par un membre de Zodiac Station n’est à l’évidence pas satisfaisante), d’autre part parce que sa tonalité diffère de celle du reste du roman, à savoir le techno-thriller géopolitique. Mais cette rupture a également pour avantage d’apporter une surprise de taille, qu’il était bien difficile d’anticiper, et une dimension ambitieuse et inattendue.

Dans les premiers chapitres de « Zodiac Station  », Tom Harper mentionne l’écrivain Alistair MacLean. Ceux qui, dans le genre, ne lisent pas que des romans strictement contemporains connaissent les classiques arctiques de cet auteur, notamment « Destination Zebra station polaire » et « Nuit sans fin ». Si « Zodiac Station  » ne se hisse peut-être pas tout à fait à leur niveau, il apparaît néanmoins comme un thriller de bonne tenue, plus moderne en ceci qu’il intègre des éléments scientifiques ultérieurs, et plus axé sur des problématiques et inquiétudes de notre temps.


Titre : Zodiac Station (Zodiac Station, 2014)
Auteur : Tom Harper
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Claude Mamier
Couverture : Anne-Claire Payet / Shutterstock
Éditeur : Bragelonne
Collection : Thriller
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 377
Format (en cm) : 15,2 x 23,7
Dépôt légal : février 2015
ISBN : 9782352948261
Prix : 20 €


Les thrillers Bragelonne sur la Yozone :

- « Waldgänger » de Jeff Balek
- « Seul sur Mars » d’Andy Weir


Hilaire Alrune
25 avril 2015


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