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Horsehead
Film français de Romain Basset (2014)
11 mars 2015

***



Genre : fantastique, horreur
Durée : 1h29

Avec : Lilly-Fleur Pointeaux (Jessica), Catriona MacColl (Catelyn), Murray Head (Jim), Gala Besson (Rose), Fu’ad Ait Aattou (Winston), Vernon Dobtcheff (George), Philippe Nahon (Le prêtre), Joe Sheridan (Le docteur),...

Suite au décès de sa grand-mère, qu’elle n’a pratiquement pas connue, une jeune fille retourne dans la demeure de ses parents, une vieille maison de la cité médiévale d’Argenton-sur-Creuse. L’ambiance de cette veillée mortuaire n’est pas seulement funèbre, elle est aussi psychologiquement assez lourde : si le père est assez philosophe et s’essaie, sans grand succès, à apaiser les conflits, la mère, passablement psychorigide, ne manque pas une occasion de dénigrer ou de provoquer sa fille.

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« Certains secrets doivent rester secrets »

On pourrait comprendre la chose : la fille se consacre, semble-t-il, à une psychologie qui fleure bon le vieux charlatanisme : l’art du rêve lucide, ou comment contrôler ses propres songes, comment y trouver, également, un écho tangible et fiable du réel. Mais pas très futé de la part de la mère incrédule que de la faire dormir, histoire de la mettre mal à l’aise, dans la chambre voisine de celle de la veillée mortuaire : la défunte, qui n’est séparée de la jeune fille que par une porte, ne tarde pas à s’immiscer dans ses réves.

Dès lors commence une étrange enquête onirique. La jeune fille, bientôt clouée au lit par une forte fièvre, accumule visions et rencontres révélatrices : meurtres cachés ou abus, fautes des unes et des autres, un lourd passé resurgit. Et ce qu’elle raconte au retour de ses rêves ou plutôt de ses cauchemars trouble sa famille, heurte, fait mouche : ces éléments dont elle a maintenant connaissance, nul ne devrait les connaître. L’esprit cartésien, peu à peu, vole en éclats.

Un patronage prestigieux, des influences multiples

C’est sous le haut patronage de Johann Heinrich Füssli et de son tableau « Le cauchemar » (qui date de 1781 mais le peintre en réalisa plusieurs versions dont la plus connue est celle de 1791), lequel met en scène un monstre juché sur l’estomac d’une belle endormie tandis qu’un cheval passe sa tête épouvantable entre les rideaux que se déroule le film, à commencer par des séquences inaugurales à la fois esthétiques et terrifiantes. Un cheval fantôme, mi-homme mi-bête, issue du cauchemar, poursuivra la jeune fille d’un bout à l’autre du film. Autre influence évidente, celle du giallo, souvent cité à travers les couleurs saturées des séquences oniriques, qui au fil du temps peu à peu reviennent à des couleurs normales, signe que rêve et réalité ne sont qu’une même vérité, que la frontière se fait de plus en plus poreuse. Autres références cinématographiques, picturales, littéraires… en fonction des sources d’intérêt du spectateur.

Discrètement désargenté, ouvertement soigné.

Un peu de psychanalyse mais pas trop, un ou deux passages saignants avec l’homme-cheval mais pas de gore gratuit, et surtout un soin extrême apporté aux images. Métrage fauché ? On connaît la propension du cinéma fantastique, et plus encore lorsqu’il rôde à la frontière des genres, à secréter des œuvres en même temps réussies et faites avec des bouts de ficelle – à croire que ce cinéma n’est jamais meilleur que lorsqu’il est poussé par la nécessité. C’est dans ce registre que vient s’inscrire Horsehead, avec toute une série de tableaux. Celui de Füssli certes mais bien d’autres encore, étoffes et draps, métronomes, berceaux et lampes, une traversée de barque nocturne, une chute au long d’une façade sous une nuit étoilée, des loups argentés, un combat dans une abside à coups de clefs géantes. Une série de ces visions à la fois terrifiantes et belles que peuvent connaître les esthètes mais aussi ceux qui ont fait l’expérience de cette fameuse paralysie du sommeil, un phénomène largement répandu à des degrés divers, caractérisé par des hallucinations hypnagogiques ou hypnopompiques, et à partir duquel Romain Basset, le réalisateur, a écrit son scénario.

Un bref échange avec le réalisateur

Lors de la projection du film le 5 avril 2015, « Horsehead » ayant bénéficié d’une petite sortie en salles qui nous semble méritée, Romain Basset était venu échanger avec son public, occasion de commentaires à la fois riches et passionnants. Nous ne donnerons pas ici toutes les clefs révélées du film, qui n’ont d’intérêt que pour qui l’a vu. Retenons toutefois que le réalisateur confirme bien des impressions ressenties au cours du visionnage, par exemple lorsqu’il se dit « plus intéressé par la force de l’image que par la référence psychanalytique » ou célèbre l’ « image reine », plus importante que les dialogues pour la narration même. Une manière aussi d’aborder le tournage du film en anglais, pour des raisons financières bien compréhensibles, mais également en hommage aux films de la Hammer, et aussi parce que l’anglais se prêtait à la concision des dialogues, auxquels le réalisateur ne souhaitait pas donner une importance excessive. Pour notre part, à ce sujet, le seul inconvénient du film, pour lui trouver tout de même un défaut, est que le sous-titrage souffre des approximations orthographiques habituelles : confusions entre futurs et conditionnels, et l’inévitable tout autant qu’inopportun accent circonflexe sur tacher ou détacher. Mais ce ne sont là que d’infimes détails. Pour le réalisateur comme pour la maison de production, qui tous deux signent leur premier long métrage, un film parfaitement estimable et qui, à notre sens, mérite pleinement le grand écran.

Et pour le futur ? Romain Basset ne souhaite pas rester à tout prix dans le film de genre ; son objectif, dit-il, est « ne pas faire un cinéma inoffensif ». On ne peut que lui souhaiter d’y parvenir.


FICHE TECHNIQUE

Réalisateur : Romain Basset
Scénario : Romain Basset et Karim Chériguène

Producteur : Arnaud Grunberg, Jean-Michel Montanary
Coproducteur : Patrice Girod, Olivier Piasentin, Emmanuelle Touret
Producteur associé : Stéphane Chaput, André Kobtzeff, Matteo Lovadina, Emmanuel Pampuri, François Sapin, Cedric Tisserand

Compositeur : Benjamin Shielden
Directeur de la photographie : Vincent Vieillard-Baron
Chef monteur : Frédéric Pons
Chef décorateur : Bruno Vitti
Décorateur : Benjamin Roth, Bruno Vitti
Superviseur des effets spéciaux : Jacques-Olivier Molon, David Scherer

Production : HorseHead Pictures, Starfix Productions
Distributeur France  : Tanzi Distribution


Images © Tanzi Distribution


Hilaire Alrune
25 avril 2015



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